2002
torse-poil.
11 h.
Là où je suis, ce mercredi
19 juin 2002, à Dole, dans le nouveau commerce
d'octets, commerce grand et libéral qui s'appelle
"Etablissements Germond" comme l'annonce immanquablement
la voix d'Armelle, la standardiste, il est 11
heures.
Et je suis torse-nu dans le bureau du
patron, Daniel Germond, que j'appellerai Marcel pour les
raisons de discrétion qu'on devine (mais Marcel
G., pour pas qu'on se paume).
Je trépigne un peu dans ce vaste
bureau, où le patron s'affaire avec des portes de
placard. Au bout de quelques secondes, il me tend un sac
Microsoft en plastique, qui contient à
l'intérieur (évidemment) un ticheurte
estampillé Microsoft.
Je retire mon ticheurte-mien et je passe
celui qu'on me donne. A deux aquarium plus loin, deux
espions rigolent en me regardant faire, ils rigolent mais
toutefois, ignorent encore dans quelle procédure
nous sommes. L'un d'eux, Jean-Pierre C. fait semblant de
téléphoner et l'autre, plus jeune donc plus
petit, fait semblant d'agir sur son PC; c'est un
Offlangeais pur 50%, donc un cogéographique
à moi, pratiquement. Il s'appelle Didier T. depuis
déjà bientôt 36 ans (date de mon
arrivée dans mon canton).
Hervé me dit "maintenant, on peut y
aller".
oOo
10 h 50.
Lorsque je suis arrivé dans ce
vaste complexe technico-commercial, je me suis
dirigé d'un trait franc et massif dans l'aquarium
d'Hervé G. pour qu'il me fasse l'article d'un
scanner à plat.
Sa première parole a
été "je ne vous parle pas". J'ai
répondu que s'il voulait me vendre un scanner, il
allait bien falloir qu'il me cause d'une façon ou
d'une autre, même avec la langue des signes. Il m'a
redit qu'il ne me parlait pas, seule phrase qu'il
acceptait, pour un non-parlant, de me
délivrer.
Enfin, il ajouta que, tant que j'aurais un
T-shirt du VPCiste CLG, il était hors de question
que nous communiquions...
Arriva, qui sait pourquoi, Marcel avec sa
chemise blanche, ses lunettes demi-lune et des papiers
à la main, à qui je caftai rapidement que
M. Hervé G. refuserait de me parler avec mon
T-shirt de chez CLG.
Marcel G., personnellement, trouvait la
situation plutôt légitime et j'eus
l'idée de lui dire que s'il y avait eu des T-shirt
à son nom, je ne lui aurais pas fait cet affront
de me pointer avec la bannière d'un
concurrent.
Alors de son regard calme et ferme (ce
qu'on prend pour de la faiblesse chez cet homme n'est
rien d'autre qu'une attitude commerciale peaufinée
depuis des décennies), il déclara devant
nous qu'il allait m'en fournir un.
Tous les trois comme un seul homme, nous
prîmes un escalier genre dérobé et
genre colimaçon pour nous retrouver à
l'étage, genre étage de direction.
Là, sur un bureau genre
haut-fonctionnaire européen, trônait ce
superbe micro-ordinateur qu'Apple avait baptisé en
son temps, Spartacus, genre esclave
révolté.
Marcel G. ne me laissa pas le long loisir
de tout observer puisque au bout de quelques quarts de
minutes, il me donna un sac avec dedans
(évidemment) un T-shirt Microsoft. On dit T-shirt,
car il s'agit bien, j'ai pu le vérifier, d'un
shirt en forme de T (T majuscule s'il vous plaît,
parce que si c'était un "t" minuscule, ce serait
le t-shirt d'un manchot d'un seul bras).
J'ai tout de suite compris que j'allais
maintenant à -moi tout seul- dénouer la
crise dans laquelle nous venions d'être
naguère plongés. Courageusement,
malgré mon magnifique bronzage inexistant,
malgré ma ceinture abdominale (je parle des mes
muscles abdominaux dont je n'ai plus guère)
lâche, malgré ma pudeur qu'on appelle
naturelle, je me débarrassai, sans ôter mes
lunettes de myope, de l'infâme T-shirt CLG, pour
enfiler en un éclair, celui que me tendait
Marcel.
Hervé G., l'affront lavé, me
dit alors:
"maintenant, on peut y aller"
Au rez-de-chaussée où nous
sommes retournés, je me suis donc fait enfiler le
scanner que j'étais venu chercher. 149 Euros. Pas
cher, pas beau.
oOo
J'avais déjà mis sous
ma pile, dans mon armoire, un T-shirt que j'aimais bien
mais que je n'ai jamais pu mettre tant que j'étais
instituteur dans mon village: il y avait un gros poisson
rouge qui disait "grand canal, projet dément".
J'aimais bien ce poisson...
Sur le T-shirt de CLG, il y avait un beau
Jeannot Lapin galopant sur fond de grosse pomme
multicolore, genre pomme d'Apple. A l'Apple-Expo de 1994,
au CNIT, la gisquette de CLG m'en avait donné
trois. Comment disgrâcier 3 T-shirt d'un seul
coup... aurais-je un jour ce courage ?
Auquel cas, comment faire comprendre
-délicatement- à Marcel G. qu'il m'en doit
encore deux ?
fin
(o,O)
v
(...................)
fin
moissey, le 19 juin 2002, christel
poirrier.
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