au bel
Offlange.
le 22 juillet
1998.
Les Offlanges étaient
beaux ce jour de juillet, dès dix heures. Ils
recevaient le soleil d'orient et avaient tout un flanc
qui menaçait de baigner dans la
lumière.
L'église, laide et
hautaine, donc provocante, n'avait pas eu l'idée
de se soustraire à ce spectacle de maisons
rangées, en cinémascope.
Nous étions là,
une demi-douzaine de gens, en stage d'aquarelle, autour
de la peintresse du village, ancienne potière du
mien.
Affublés de pliants, de
pastilles de couleurs, de verres d'eau, de papier fort
pour la palette, de paniers d'osier pour le midi, nous
aquarellisions. La journée s'était
déroulée, chaude, orange, et même un
peu métallique. Mais chaude.
C'est au moment de lever le
camp que nous eûmes la visite de gens du cru. Il
fait bon dire du cru, depuis qu'Offlanges a vu son petit
vignoble reclassé dans le registre des
Appellations de Vins de Pays.
Il y a d'abord eu le
correspondant du quotidien de Lyon, qui après
s'être sourcé dans les différentes
techniques picturales à l'eau, nous captura avec
son joli P 30 de chez Pentax, avant de nous
abandonner.
Puis est arrivé une dame
que je connais mais pas de nom, qui nous félicita
on ne sait pas pourquoi, et enfin, est arrivée
Madame Aubriot.
Madame Aubriot est une dame
native de Brans mais qui a épousé sur
Offlanges. Ça faisait bien une dizaine
d'années que je connaissais Madame Aubriot, car
elle était l'épouse de Monsieur Aubriot qui
m'avait déjà vendu quelques casiers de
Blanc d'Offlanges, au moment où tout le monde
disait qu'il était bon; nous à Moissey, on
s'était bien sûr précipités,
pensez donc. A cette époque, il n'y avait pas
encore de monopole, on pouvait trouver au moins quatre ou
cinq endroits pour acheter son vin, chez Namy, chez
Taverne, chez Guelle, chez Lormet...
Après que j'aie tout
fait pour qu'elle me reconnaisse, j'évoquai avec
Madame Aubriot, feu son mari, décédé
lointain et perdu pour les affaires vigneronnes, et je me
lançai dans des considérations vagues sur
le succès des plants américains et
greffés qui avaient relancé le vin dans cet
endroit.
A un moment de la conversation,
qui roulait et glissait, nous étions d'accord sur
tout, ce qui démontrait ou que je maîtrisais
mon propos ou qu'elle était d'une belle
bienveillance, donc au moment où tout allait si
bien, je lui dis avec un air de
connaisseur :
- Mais, Madame Aubriot,
pensez-vous que ces vignes-là, que je montrai au
nord-ouest du petit cimetière d'Offlanges, en
contre-bas, en allant sur Brans, vont apporter toute
satisfaction...
- Je ne crois pas, me dit-elle
malicieusement, car voyez-vous, Monsieur Poirrier, ces
vignes-là, comme vous dites,
c'est du
maïs.
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