Quelle ne fut pas notre surprise aujourd'hui
de voir, au milieu de l'équipe
d'archéologues, deux têtes comme
posées sur le sol. En vérité, ces
têtes appartenaient à deux membres de
l'équipe dont les pieds se trouvaient plus d'un
mètre plus bas. Nous sommes ce jour dans les
alandiers, et même celui du gros four tuilier
montre sa voûte arrondie. L'alandier, c'est la
galerie souterraine qui forme tuyau pour alimenter la
chambre de chauffe. C'est par lui qu'on enfourne le
combustible, qu'on pousse ensuite avec des outils
appropriés (du genre pelle de boulanger) jusqu'au
centre de la chambre de chauffe.
Le chantier est de plus en plus beau, tant pour le
curieux de passage que pour l'archéologue. Ce qui
est le plus émouvant, c'est de constater jour
après jour comme les hypothèses
premières se vérifient toutes. C'est
pourquoi nous écrivons que le grand jour arrive,
car on peut prévoir dès maintenant que nous
assisterons à une apparition colossale. Le four
tuilier donne l'impression de naître, de sortir du
sol. Sur ce dernier comme sur son petit frère
carré, sont apparus les trous (conduits verticaux
qui apportent la chaleur de cuisson) qu'on appelle les
"carnaux". Nous arrivons dans les intestins du four, ce
qui était la finalité de tous ces
travaux.
De plus en plus, sortent du sol des tegula
entières ou presqu'entières, que le chef de
fouille, M. Charlier (tuilologue de sa
spécialité) promet d'examiner et de
mesurer. La métrologie romaine est fondée
sur le pied, et on va pouvoir opérer les
similitudes avec le mobilier déjà
rencontré ailleurs. (On appelle mobilier sur un
tel chantier tous les objets "mobiles", enfin, qui furent
mobiles en leur temps).
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