Et le
tacot sifflait sifflait!
Fallait-il, en ce
temps-là, être titulaire du bac, ou avoir
seulement un bagage de culture générale
suffisant, pour répondre à pas mal de
questions que nécessitait la "fonction de chef de
gare"? Qu'importe! Il fallait au moins et tout simplement
savoir, lire et écrire. En voici la
preuve :
Un bon gars trapu,
d'Offlanges, arrive en courant, à la gare de
Moissey, martelant le sol empierré de ses sabots-
bottes. Il ne voulait pas être en retard pour que
le paquet qu'il tenait à bout de bras parte vite.
Il faut signaler qu'à cette époque, seul,
le tacot assurait le transit expéditions-
arrivages, courrier, transport divers.
"Salut! Bonjour!" cria-t-il
tout essoufflé, en entrant en trombe dans la salle
de la gare où seul, le "chef" attendait
déjà derrière son guichet le premier
client.
Tiens, dit notre gars, en
bouchant le guichet avec son volumineux paquet
ceinturé d'une ficelle de lieuse toute barbue.
(Les multiples noeuds auraient bien
découragé celui qui aurait voulu mettre son
nez dans l'envoi.)
Tiens, reprit-il, il faut
m'envoyer c'paquet! Notre Louis Viénot, le chef de
gare, décolle péniblement de son tabouret,
et vient se saisir du paquet pour le placer sur la
balance "Roberval".
Bon alors? Où faut-il
t'envoyer ton colis?
-Ah oui! Notre client sort
de sa poche un bout de papier journal sur le coin duquel
est griffonné l'adresse.
-Tiens, vas-y dit-il, moi
j'sais pas écrire,
La question appelait la
réponse. Mitaine, alors d'une voix chevrotante,
dont certains se souviennent peut-être, et avec un
sourire narquois, répond tout
simplement:
-Ben tu n's'rais pas chef de
gare!
Voilà l'une des figures de nos chefs de gare dont
on garde en mémoire de nombreux souvenirs et les
services qu'ils ont rendus. A Moissey, c'était
Louis Viénot qui avait succédé
à M. Raget. A Montmirey-la-Ville, le chemin de fer
vicinal ne passait pas très loin du
café-épicerie-tabac. Aussi le tenancier du
"buffet" M. Gourras faisait fonction de chef de gare.
Puis il y eut Mme Gravelle Léontine, Mme Veuve
Gourras et Virginie Houlet. A Montmirey-le-Château,
on se souvient de Mesdames Jeanne Bernardet, Paris. A
Dammartin à nouveau Mme Bernardet et M. Rieutor.
En remontant sur Dole, la gare de Menotey était
tenue par Mme Louise Barraux, celle de Rainans par Mmes
Anita Verrier, Marie Geai et Léontine Guyenot.
Ainsi, bon nombre de dames étaient
employées comme chef de gare.
On a très peu de renseignements concernant la
construction de la voie ferrée des Chemins de Fer
Vicinaux. Mais beaucoup d'entre nous se rappellent que
l'entretien de la voie occupait bien des ouvriers de chez
nous : Messieurs Vernet de Marpain, Rieutor de
Dammartin, Lanaud de Montmirey-le-Château,
Bernardet, chef d'équipe, Paris, Lucien Nicolin,
Aupy de Moissey, André Barraux, Bouton
André et Joseph, Faivret, Durand Armand, Jacquinot
Edgar de Menotey, Aristide Lormet de Rainans et combien
d'autres qu'involontairement on oublie.
Mais je gage toutefois que
bien peu d'anciens ont oublié l'impressionnant
Métadieu, le contrôleur du
tacot!"
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