I. Naissance des
chemins de fer.
Les chemins de fer sont
nés des recherches faites pour assurer aux
véhicules traînés ou remorqués
une direction déterminée et une faible
résistance au roulement. Le rail en bois est
utilisé dès 1670 en Angleterre (Newcastle);
il est plaqué de fer à partir du milieu du
XVIIIe siècle, en même temps que l'on met au
point le cerclage des roues. On retrouve des premiers
rails métalliques vers 1776 près de
Shefhield, ce sont des rails-cornières qui
guidaient simplement des roues sans bandages. Vers 1806
les premières barres saillantes remplaceront les
cornières.
En France, la première
ligne de Saint-Etienne à la Loire
[écartement des
rails de 1,435 m] est
concédée en 1823, à la demande de
Beaunier, entre Saint-Etienne et Andrézieux, pour
un parcours de 18 km. Elle est ouverte en 1827 et elle
sert pour le transport de houille. Les wagons sont
traînés par des chevaux. Ce n'est qu'en 1844
qu'on adopte définitivement, entre Saint-Etienne
et Lyon, la traction à l'aide de locomotives
à vapeur, et que l'on y assure un service
régulier de transport de voyageurs.
L'évolution continuera,
et les différences lignes existantes actuellement
seront formées. La traction électrique
commencera en 1900, avec, tous ses progrès, la
locomotive à vapeur sera retirée de la
circulation. Les wagons seront améliorés et
modernisés au fil des années.
La dernière
amélioration produira le TGV.
II. La ligne CFV
:
Chemins de Fer Vicinaux
Dole-Pesmes-Gray.
La compagnie
générale des Chemins de Fer Vicinaux fut
constituée le 18 Juin 1888, elle est issue du
groupe Empain qui régnait sur 722 km de voies
ferrées départementales.
La ligne Gray-Dole est une
voie métrique (1
mètre entre les
rails). Elle fut
déclarée d'utilité publique le 9
janvier 1899. Longueur totale 52,788 km et 86
centimètres dont 20 km en accotement et 1 km sur
chaussée. Il y avait 155 passages à
niveaux, 18 gares, plus des haltes. La section
Gray-Pesmes fut ouverte le 29 Mai 1901 et fermée
le 1er Janvier 1938. La section Pesmes-Dole fut ouverte
le 5 Décembre 1901 et fermée le 31
Décembre 1933. (Voir Carte et photocopies des
plans de la gare de Moissey suivant son
évolution.)
L'établissement de ce
"tramway" rend de grands services aux populations du nord
de l'arrondissement de Dole qui, avant son existence,
n'étaient desservies que par des voitures
publiques incommodes et coûteuses.
Depuis la construction de cette
ligne, les rapports commerciaux de la région de
Moissey avec la ville d'Auxonne se sont
détournés de celle-ci, au profit du centre
naturel et administratif, Dole. La municipalité
d'Auxonne dont les foires sont importantes s'est
émue de ce fait et a conçu le projet
d'établir un "tramway" de Moissey à
Auxonne, avec prolongement sur Saint-Jean-de-Losne. Ce
projet ne s'est pas réalisé.
III. Le matériel
: wagons, locomotives, voie.
Le matériel mis en
service en 1909 se décomposait
en :
- 4 voitures mixtes
1ère/2ème classe à deux essieux
à 6 places de 1ère classe et 12 places de
2ème classe,
- 12 voitures de 2ème
classe à deux essieux de 18 places, (et quelques
unes plus longues de 30 à 36 places
assises),
- 3 fourgons à deux
essieux avec compartiment postal, qui étaient
couverts, plats, tombereaux d'une charge de 10 tonnes et
d'une tare de 5 tonnes, avec un seul tampon central aux
extrémités. Ceux-ci étaient
tractés par une locomotive à vapeur type
030 (3 essieux moteurs, voir photocopies pour tout ce
matériel), les principales utilisées sont
des Pinguely type 59 transformé.
Les locomotives Pesmes-Dole, du
type "tramway", avaient à l'origine deux cabines
de conduite, une à l'avant, l'autre à
l'arrière. Mais les difficultés d'entretien
en firent des machines ordinaires. Elles avaient trois
roues motrices, pas de tender, deux caisses à eau,
un tampon central, on faisait le plein d'eau et de
charbon au terminus, leur puissance au crochet 150 CV
environ (contre 3 300 CV pour une locomotive à
vapeur SNCF type 232).
Elles pesaient entre 12 et 14
tonnes, consommaient 7,400 kg de charbon au
kilomètre. La dépense au km était
évaluée entre 2 et 2,48 F par train.
IV. Le tracé de
la ligne.
Après avoir
quitté la gare de Gray-ville et la ligne de Gy, la
ligne contournait la ville de Gray par l'Est et
desservait successivement la halte de
Gray-Perrières et la station de Gray-Promenades.
Continuant la boucle vers le Sud, elle suivant un VO
(chemin Vicinal Ordinaire) pour desservir Velet et
Esmaulins, puis traversait cette route, ainsi que la
Ténise, sur le pont routier, pour entrer en gare
d'Apremont, à l'Est de ce village. Traversant
plusieurs fois le VO, la ligne desservait successivement
Germigney, Montseugny, et Aubigney. Franchissant la
Résie, et coupant à travers champs, elle
traversait à niveau le GC2 (chemin de Grande
Communication), elle passait à la halte de
Sauvigney-les-Forges, entrait en gare de Pesmes,
traversait la ville et franchissait l'Ognon, sur un pont
routier, où se situait la limite des
départements de la Haute-Saône et du Jura.
Coupant le GC [Chemin de
grande communication] 112, puis suivant un VO, elle
desservait successivement Mutigney (halte), Dammartin, la
Halte de Champagnolot, Montmirey-le-Château,
Montmirey-la-Ville, la Halte de Frasne, puis rejoignait
le GC 113 à Moissey. Longeant le GC 113
[appelé plus tard N 475 puis D 475], elle
traversait la Halte de Peintre, les gares de Menotey,
Rainans, Jouhe, la Halte d'Archelange, Authume. La ligne
entrait, alors dans Dole, où elle possédait
trois stations : Faubourg de Gray, Dole-Ville où
se trouvait le dépôt et enfin le terminus de
Dole PLM (Compagnie Paris-Lyon-Marseille). La
traversée de la ville se faisait en sa grande
majorité par le boulevard Wilson (ex-rue de la
Liberté).
V. Le fonctionnement du
train, matériel, horaires.
L'horaire du 25 Mai 1912 nous
donne 3 trains par jour, plus 1 train les jours de foire
à Dole. Pour effectuer les 25 km du parcours
Dole-Pesmes, il fallait entre 1 h 36 et 2 h 04 soit une
moyenne de 12 à 15 km à l'heure. Aller
Gray- Dole (jours de foire) Moissey 5 h 23, 6 h 52, 13 h
47, 19 h 27. Retour Dole-Gray, Moissey 5 h 26, 11 h 36,
13 h 47, 18 h. Les trains s'arrêtaient à
toutes les gares. Des restrictions furent
apportées pendant la guerre 14/18 et après
en 1919/1922. Il n'y eut que deux allers-retours
quotidiens.
Pendant la guerre 14-18, le
matériel fut réquisitionné pour les
besoins militaires. 2 locomotives et 56 wagons furent
restitués sur 11 locomotives et 107 wagons pour
desservir les carrières militaires (Gorges de
Moissey, voir plan). Le compte d'exploitation pour les
chemins de fer de la Haute-Saône dont
dépendait Pesmes-Dole donnait en 1910 : 113
441 Francs de bénéfice et en 1935 : 4 053
394 Francs de déficit !
Les marchandises
transportées étaient très diverses.
Pour l'ensemble du réseau, en 1910 on comptait 2
410 porcs et veaux, 2 199 boeufs et vaches, 15 chevaux et
mulets, 7 288 tonnes de vin, 3 093 t d'engrais, 10 226 t
de blé, mais aussi du bois de la scierie
Béjean, et des matériaux de la
carrière. Le nombre de passagers
transportés étaient : en 1ère classe
2136, en 2ème classe 805 753.
VI. La mort du train.
Pourquoi?
En 1929, les automotrices
remplacèrent les trains vapeur, ce nouveau service
attira une partie de la clientèle qui
s'était détournée du chemin de fer,
mais cette nouvelle activité ne rendit pas au
réseau une aisance financière suffisante).
Malheureusement ce projet ne fut pas
réalisé sur Dole. Après étude
pour porter remède à la situation
financière, 3 solutions étaient
proposées.
1. Abandon des
voies ferrées et exécution des
transports par autobus et camions.
2. Abandon des lignes les
plus déficitaires et exploitation par autobus
de celles-ci.
3. Maintien des voies
ferrées pour le transport des marchandises et
exécution du transport des voyageurs par
autobus.
Seule la 3ème solution
fut acceptée par les CFV, mais aucun accord ne put
se faire entre elle et le département. Le 31
Décembre 1933, le Préfet du Jura fit
arrêter l'exploitation de la section Pesmes-Dole.
Le matériel du CDF (Chemin de Fer) a
été vendu ou cédé au CDF du
Doubs, de Morez, de La Cure, et d'Annemasse-Sext
(Savoie).
VII. Paroles
d'usagers.
Mr et Mme Guillaume
Marcel, Mr Jean Lalarme.
Leur meilleur souvenir est la
vie de famille qui existait dans les wagons (en fait =
voitures), et les promenades des jeunes qui partaient
tôt le dimanche, pour revenir tard le soir. Le
jeudi, le jour du marché où Mme Sirdey, Mme
Bon et Mme Bralet d'Offlanges allaient vendre leurs
volailles et les oeufs, ou les boules blanches de
cancoillotte que l'on faisait fermenter sous
l'édredon, et aussi M. Parat le marchand de
grains : parmi eux se mélangeaient les petits
cochons.
Par temps de grand vent, les
casquettes des messieurs s'envolaient dans la côte
d'Archelange. Les jours de foire, le tacot était
tellement chargé, que les messieurs descendaient
et poussaient dans les côtes, ou d'autres jours
aidaient le tacot sur ses rails.
Mais aussi les gamins du pays
qui empruntaient le wagonnet des employés,
montaient "au champ rouge" et se laissaient descendre
à toute vitesse jusqu'à la gare. Plein de
bons souvenirs pour ces personnes.
|
[un
lorry, image de Marc Hélin,
gracieusement
empruntée sur
internet]
|
VIII. Interview de M.
Pierre Dubois,
ancien cheminot et
amoureux des trains.
Cette personne m'a permis
grâce à des documents rares, de
connaître l'histoire du tacot, mais aussi ce qu'il
aurait pu devenir.
"Une invention, qui
révolutionne actuellement la Belgique, aurait pu
changer le mode du transport ferroviaire: Il s'agit d'un
brevet d'invention de 1932-1933 de M. Téliet.
C'était utopique en 1933 et pourtant ça
marche en 1989... en Belgique! Imaginez une plate-forme
cimentée de 2 mètres de large, au centre un
rail, allant de Pesmes à Dole, cela permettait de
faire circuler les wagons marchandises et
voitures-voyageurs montés sur pneumatique en
dehors du rail central, derrière un tracteur
automobile (ça fonctionne 56 ans après le
dépôt du brevet !) Un gros avantage, un
agriculteur pouvait envoyer un wagon de graines
d'Offlanges, par exemple, directement à Dole sans
transbordement. Nous avons trop vite, en France,
contrairement à nos voisins, supprimé ces
petites lignes (un autobus sur rail avait roulé
à 100 km/h en janvier 1934).
Partout où ces tacots
ont été conservés jusqu'en 1939, ils
ont amélioré les conditions de vie de nos
campagnes, alors que les autobus de remplacement ont
servi de transport de troupes... à
l'occupant."
IX.
Anecdote de M. Bernard Grebot [né en
1923].
Et le tacot sifflait,
sifflait!
Fallait-il, en ce
temps-là, être titulaire du bac, ou avoir
seulement un bagage de culture générale
suffisant, pour répondre à pas mal de
questions que nécessitait la "fonction de chef
de gare"? Qu'importe! Il fallait au moins et tout
simplement savoir, lire et écrire. En voici la
preuve :
Un bon gars trapu,
d'Offlanges, arrive en courant, à la gare de
Moissey, martelant le sol empierré de ses
sabots- bottes. Il ne voulait pas être en retard
pour que le paquet qu'il tenait à bout de bras
parte vite. Il faut signaler qu'à cette
époque, seul, le tacot assurait le transit
expéditions- arrivages, courrier, transport
divers.
"Salut! Bonjour!"
cria-t-il tout essoufflé, en entrant en trombe
dans la salle de la gare où seul, le "chef"
attendait déjà derrière son
guichet le premier client.
Tiens, dit notre gars, en
bouchant le guichet avec son volumineux paquet
ceinturé d'une ficelle de lieuse toute barbue.
(Les multiples noeuds auraient bien
découragé celui qui aurait voulu mettre
son nez dans l'envoi.)
Tiens, reprit-il, il faut
m'envoyer c'paquet! Notre Louis Viénot, le chef
de gare, décolle péniblement de son
tabouret, et vient se saisir du paquet pour le placer
sur la balance "Roberval".
Bon alors? Où
faut-il t'envoyer ton colis?
-Ah oui! Notre client
sort de sa poche un bout de papier journal sur le coin
duquel est griffonné l'adresse.
-Tiens, vas-y dit-il, moi
j'sais pas écrire,
La question appelait la
réponse. Mitaine, alors d'une voix chevrotante,
dont certains se souviennent peut-être, et avec
un sourire narquois, répond tout
simplement:
-Ben tu n's'rais pas chef
de gare!
oOo
Voilà l'une des
figures de nos chefs de gare dont on garde en
mémoire de nombreux souvenirs et les services
qu'ils ont rendus. A Moissey, c'était Louis
Viénot qui avait succédé à
M. Raget. A Montmirey-la-Ville, le chemin de fer
vicinal ne passait pas très loin du
café-épicerie-tabac. Aussi le tenancier
du "buffet" M. Gourras faisait fonction de chef de
gare. Puis il y eut Mme Gravelle Léontine, Mme
Veuve Gourras et Virginie Houlet. A
Montmirey-le-Château, on se souvient de Mesdames
Jeanne Bernardet, Paris. A Dammartin à nouveau
Mme Bernardet et M. Rieutor. En remontant sur Dole, la
gare de Menotey était tenue par Mme Louise
Barraux, celle de Rainans par Mmes Anita Verrier,
Marie Geai et Léontine Guyenot. Ainsi, bon
nombre de dames étaient employées comme
chef de gare.
oOo
On a très peu de
renseignements concernant la construction de la voie
ferrée des Chemins de Fer Vicinaux. Mais
beaucoup d'entre nous se rappellent que l'entretien de
la voie occupait bien des ouvriers de chez nous :
Messieurs Vernet de Marpain, Rieutor de Dammartin,
Lanaud de Montmirey-le-Château, Bernardet, chef
d'équipe, Paris, Lucien Nicolin, Aupy de
Moissey, André Barraux, Bouton André et
Joseph, Faivret, Durand Armand, Jacquinot Edgar de
Menotey, Aristide Lormet de Rainans et combien
d'autres qu'involontairement on
oublie.
Mais je gage toutefois
que bien peu d'anciens ont oublié
l'impressionnant Métadieu, le contrôleur
du tacot!"
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