la maison
Thérèse Durot [AB
204]
Dans ce grand ensemble qu'on
soupçonne être un hospice, le morceau Est
fait l'objet d'une construction à part, et dans la
facture, et dans le temps.
Jean-Baptiste Durot, qui s'est
trouvé un jour à la tête de AB 203 et
AB 204 (anciennement 299 sur le plan ancien de 1824), a
légué à son décès
chacune de ces deux parcelles à ses deux filles,
Ernestine, qui a épousé Albert Dubief et
n'a pas eu d'enfants, et Thérèse qui est
restée célibataire pour cause de carence
d'hommes due à la guerre de 14.
Par ailleurs, si ces parcelles
se sont retrouvées un jour jumelées, c'est
dû aux oeuvres d'un médecin Claude Sireguy
qui a dû construire le troisième morceau de
cet hospice, l'étage de 203 qu'il a unifié
avec 204. Ces deux étages communiquent abondamment
par deux portes, les planchers sont à la
même altitude malgré la
déclivité forte de la rue, les
fenêtres sont aussi à la même hauteur.
Même une cheminée est commune à ces
deux étages.
Est-ce plus tard qu'un escalier
a été construit, au bout de AB 205, pour
accéder à l'étage de 203, escalier
en pierres, couvert mais non
fermé ?
le
rez-de-chaussée, les caves
La cave de cette maison est
creusée aux trois-quarts, soit qu'on n'a pas pu
creuser plus bas, soit qu'on jugeait qu'une cave n'avait
pas besoin d'être entièrement
enterrée. Toujours est-il que le
rez-de-chaussée de l'édifice démarre
à plus d'un mètre au-dessus du sol. La
plupart des caves de Moissey sont enterrées aux
trois-quarts, d'autres aux deux-quarts, d'autres enfin,
comme à la gendarmerie ont un seul quart dans le
sol. En tout état de cause, il fallait ventiler et
voir clair et rien ne contraignait qu'on enterre aux
quatre-quarts.
Selon les lieux, on peut
accéder aux caves de plusieurs façons,
escaliers extérieurs et parfois intérieurs,
trappe d'accès depuis l'intérieur, enfin un
entonnoir pour faire tomber le raisin. Par les escaliers
extérieurs, on descend et on remonte les
tonneaux.
Quelques parois de cette cave
sont en roche et laissent à penser qu'il aurait
été laborieux de descendre plus bas. Le sol
est largement pavé et encrassé.
Le rez-de-chaussée
était couvert de tomettes, la partie Sud contient
une grosse cheminée, grosse signifiant qu'un homme
s'y tient debout et qu'un veau y tient largement
couché, la partie Nord contenait un four et un
siège d'alambic. Cette partie Nord, au niveau de
la chaussée de la rue haute, ouvrait tout son
flanc sur la courette AB 205, par deux grosses arches de
facture simpliste. En 1972, l'arche la plus occidentale
avait déjà été
rebouchée, remplacée par une simple
fenêtre. Près du siège de l'alambic,
un gros entonnoir conduisait le raisin à la cave.
Cet entonnoir, tout près de la courette,
était néanmoins à
l'intérieur.
Tous les plafonds de cette
construction sont en corbes, nom patois pour dire
courbes. Tous les plafonds sont construits avec des
poutres en coeur de chêne de 4,20 à 4,30 m.
En effet, en bas comme en haut, chaque pièce
rectangulaire a une largeur de 4 m. Ces bois sont des
coeurs de chêne ou des demi-coeurs,
vraisemblablement cintrés (avec une flèche
de 10 à 15 cm) par la main de l'homme (contrainte
au moment du séchage, ou emploi du feu ?), et
ont une section trapézoïdale, la petite base
en haut. Entre deux poutres, des pierres sur chant
comblaient l'interstice de 35 à 45 cm de
l'intervalle.
On peut imaginer la charge
considérable que pouvaient supporter de telles
structures.
On peut penser que cette
façon était plus économique, en tout
cas plus rapide que la construction d'ogives
croisées. La grosse dépense était la
fourniture des poutres, mais la pose de ces poutres, une
fois qu'on les avait, devait se faire en très peu
de temps.
On retrouve cette façon
de faire dans de nombreuses maisons du village et
notamment au château.
l'étage, le
grenier
L'étage est fait comme
le rez-de-chaussée, un escalier intérieur
en bois y accède. Notons pour l'avoir
constaté en ménageant une ouverture pour y
installer le chevêtre d'une autre cage d'escalier,
plus modeste, que l'épaisseur plafond-plancher
mesure 50 cm. En effet, une fois ces bois et ces pierres
mis en place, on avait déposé de la terre,
des débris de construction avant de poser des
planches sur des lambourdes. Des planches ou des carreaux
assez mal calibrés, mais aucun
parquet.
Au dessus de la grosse
cheminée du bas, une cheminée moyenne
accueille dans son âtre une belle plaque de fonte,
avec écusson et griffons, et signée Claude
Siregui-1688. Il a dû y avoir une "dynastie
Sireguy" puisque 100 ans plus tard, une Dame Sireguy a
vendu un petit bout de terrain à la commune pour y
bâtir la première école du village,
en 1771, AB 436, qui a été lontemps la
seule école du village.
Le grenier, accessible par un
petit escalier meunier n'offre rien de remarquable, son
sol est lourd et porte deux belles fermes comme on en
trouve partout. Ces fermes, pour ce qui est de l'entrait,
la longue partie basse, ont une section à peu
près carrée de 40 cm et mesurent 10 m de
longueur. Les chevrons sont des petits chênes, pour
la plupart coupés en deux longitudinalement.
Nombreux sont encore là parmi les chevrons
d'origine, avec quelques coyaux, chevrons plus courts qui
provoquent un relevé (ou un brisé) dans le
pan du toit.
la cour et le
déambulatoire (AB 205)
La courette entre la maison et
sa grange distribue les accès à ces deux
bâtiments. Son sol est dallé (était)
pour une moitié et pavé pour la
moitié la plus proche de la rue haute. La
présence de deux grandes arches est
étonnante, et semble unique dans le village. Ce
qui a pu être pris pour une "promenade de
méditation" serait plutôt de larges
entrées pour rentrer et abriter des
charrettes.
La grange est construite
suivant les mêmes règles que la maison, mais
elle est un peu plus petite. Une grande entrée
pour véhicules, à côté, une
écurie (mot courant pour dire une étable),
un petit poulailler, au fond, une pièce sombre
pour les lapins. Au-dessus, plusieurs niveaux peuvent
accueillir le fourrage.
L'architecte a relié les
deux façades par une jolie arche Louis Quinze
à crossettes. Une grosse porte à ceux
battants closait l'ensemble.
le linteau de la porte
d'entrée
C'est lui qui à la fois
nous apporte le plus d'informations et aussi le plus de
questions. Le Tau est la marque incontestée de
l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine, ce qui permet
une belle corrélation avec les deux autres
morceaux adjacents de la rue du Dieu de Pitié. De
plus, il cousine parfaitement avec ce qui est
écrit sur la plaque de cheminée.
Voir les images qui
suivent.
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