Mon père, André
SIMONIN 1911-1965
Mon père naît à Moissey, d'un
père maçon et d'une mère au foyer,
le 30 novembre 1911.
Il est le fils de Victor, maçon-couvreur,
né le 5 novembre 1879 à Moissey et
décédé en 1954 et de sa mère
Fernande Pitot-Belin, née le 27 juillet 1887 et
décédée à Moissey en
1968.
Il y avait six enfants dans la famille et il
était le premier de cette lignée: Gaston
naît en 1913, Georges en 1915, Yvonne en
1920, Fernand en 1923 et Lucienne en 1925.
Il quitte l'école à quatorze ans pour
aller travailler dans la maçonnerie avec son
père qui est entrepreneur à Moissey,
à son compte.
Dès l'âge de 14 ans jusqu'à
l'âge de 20 ans, il travaille comme maçon et
en 1931, il effectue son service militaire dans le
47ème Régiment d'Artillerie en tant que
canonnier affecté au troisième groupe et
à la cinquième pièce.
Le 6 septembre 1939, il rejoint le 47ème
régiment d'artillerie pour la mobilisation
générale pour prendre part à la
campagne contre l'Allemagne du 2 septembre 1939 au 25
juin 1940 en tant que canonnier servant actif. Il sera
démobilisé le 17 juillet 1940.
De ces cinq années de guerre, il restera
très marqué, notamment par la mort de son
frère Gaston, tué à Guigneville dans
le Loiret à l'âge de 27 ans.
Il écrivit et consigna sur un carnet, que je
garde précieusement, sa vie d'armée pendant
ces années. Ce qu'il décrit, est ce qu'il
reste du témoignage de ces vaillants soldats ayant
combattu pour la France.
Nos soldats prenaient le temps de noter les faits de
guerre et de les raconter sur un journal à cette
époque. De vrais Français, des hommes ayant
l'amour de leur pays et des soldats anonymes, beaucoup
mourant pour leur patrie. André reçut la
carte de combattant ainsi que la Croix de guerre avec
étoile de bronze. Foi respect valeur
n'étaient pas des mots roulés dans la boue.
Une règle d'honneur existait.
Mon père était un homme simple, gentil,
apprécié par les gens du village et qui
aimait rendre des services. Vivant simplement, il
était "chauvin de son pays" et de cette France en
profondeur.
En 1939, il fait la connaissance de Madeleine
Bécanier, une "bisontine" (nom des habitants de
Besançon) qu'il épousera en 1942. De cette
union naîtront deux enfants, Nicole en
février 1944, et Pierre en janvier 1954.
Mon père lisait des livres volumineux de par
la taille et l'épaisseur qui étaient
empilés chez ses parents à la maison du
Fort Griffon ou qu'il empruntait notamment à
Madame Eulliot, une dame âgée, notre
voisine.
C'étaient souvent des ouvrages de guerre, ou
traitant des deux grands conflits, 14-18 et 39-45.
Il reprit l'entreprise de maçonnerie de Victor
Simonin, son père lui passant le relais le 21
décembre 1942.
Les outils mécaniques n'existaient pas. Tout
le travail se faisait à la pelle et à la
pioche. Le métier de maçon était
très dur physiquement et les hommes étaient
usés avant l'âge. Il n'y avait pas beaucoup
de véhicules comme aujourd'hui et les brouettes et
les échelles étaient amenées avec
des charrettes tirées par des chevaux.
Mon père avait très peu de passions ne
se consacrant qu'au travail et à "son village de
Moissey". Il passait une part de son temps à
s'occuper des "activités de son pays" comme il
disait. Les gens du pays se rendaient service simplement.
Ses seules distractions étaient d'aller aux
champignons et au cresson, ou doucette, et tailler ses
vignes "à la Carrière" ou "à
Roche ".
Ces vignes permettaient de distiller de la "goutte"
ou ce qui est appelé plus couramment le "marc".
C'était un rituel que beaucoup de villageois
avaient avec le "droit de bouilleur de cru".
L'entreprise Simonin André fut donc
créée en 1942 et tourna jusqu'en 1965 date
du décès de mon père.
Tout tournait bien et ma mère gérait en
faisant la comptabilité et les contraintes
administratives qui étaient simples dans les
années 60, pour une petite entreprise.
Passionné de moto, il avait une moto
Monet-Goyon et il a obtenu son permis deux roues en
décembre 1936.
Pour les voitures, il passa son permis de conduire
tardivement, en 1953.
Je revois sa première voiture d'occasion de
chantier une C4 Citroën à plateau, datant de
1930. Cette vieille bagnole démarrait avec une
manivelle qui lançait le moteur. La voiture a 23
ans quand il l'achète, et cette "auto" est
déjà bien usée. C'est seulement vers
1958, ma mère insistant, que l'on changera cette
vieille auto .
Un petit camion Renault d'occasion arrivera vers
1963.
Mon père était un homme très
occupé par son travail, et de ce fait, je le
voyais peu. Ma soeur Nicole aura beaucoup plus
d'occassions de parler avec notre père par rapport
à moi qui suis plus jeune, mais il me reste
quelques souvenirs de discussions au coin du feu.
Rentrant tard, il travaillait toujours le samedi et
le dimanche, il préparait les outillages à
l'atelier. J'étais souvent couché quand il
rentrait à la maison.
En 1963, il fabrique un puits de six mètres
dans notre jardin qui est derrière la maison de M.
et Mme Penez pour qu'on reçoive de l'eau sur
l'évier. On installe une pompe mais cette eau
n'est pas potable. On n'utilisera pas longtemps cette eau
car tout le village aura l'eau sur l'évier
dès 1964: une révolution qui marquera les
gens pour cette époque.
Etant pompier bénévole de 1949 à
1962 il s'occupera des manuvres du dimanche, et
aussi il creusera les tombes des gens du village qui
décédaient.
Ce 15 juin 1962 est un grand jour pour le
village.
Le Général De Gaulle doit passer et
s'arrêter à Moissey. De Gaulle
représente un mythe pour la France de cette
époque. Il est un peu le libérateur de
1945. M. Marcel Daudy, capitaine des pompiers,
précise que le Général a
serré la main de tous les pompiers.
Mon père, en étant présent ce
jour-là, a dû avoir une grande
fierté.
Le lavoir et les Gorges
Je me rappelle être allé plusieurs fois
aux Gorges avec mon père et ma mère.
Il était fier de la construction du lavoir,
réalisé avec son père Victor, son
oncle, et son frère Fernand.
Nous avions deux vignes qui donnaient du vin bourru,
le raisin s'appelait le "bacau".
La fin de l'entreprise
En 1965 ma mère décida de vendre
l'entreprise. Les ouvriers furent reclassés dans
les entreprises limitrophes. Afin de finir de
m'élever, ma mère et moi allons quitter ce
beau village de Moissey avec beaucoup de regrets.
Elle s'occupera d'une gérance en
épicerie.
C'est ainsi.
La vie passe, mais les souvenirs restent.
Pierre Simonin, mai 2011.
Post scriptum vinicole.
A Moissey il y a eu pendant des
décennies deux sortes de raisins
cultivés,
- le raisin noir appeleé "baco" du nom
de son "inventeur", vers 1902,
- le raisin blanc, appelé "noah" ou noa,
raisin hybride américain que Otto Wasserzicher
a élaboré en 1896.
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