Racines
et famille
Le nom
Simonin se retrouve dans la France
entière mais il est
particulièrement plus répandu dans
la région Est, du Jura à la Haute
Saône. Vieille souche de Français,
notre généalogie nous informe de
notre longue histoire Jurassienne.
Nos racines
les plus anciennes se retrouvent en l'an 1650
dans ce joli Jura à Brans où vit
Pierre Noël Simonin. Son fils Claude se
marie et il est le premier à
s'établir à Moissey en novembre
1747. En cette période, règne de
Louis XV, notre ancêtre est vigneron dans
ce village couvert au deux tiers de vignes.
Claude aura un fils nommé Eloy qui
décèdera à Dole en 1831.
Eloy à Claude Jean Baptiste qui
naît le 23 juin 1786. Claude Jean Baptiste
aura Claude Joseph en 1814. Il faut souligner
que tous les garçons de ma famille sont
nés à Moissey. Ils seront tous
vignerons, couvreurs ou maçons,
professions retransmises de père en fils
jusqu'à mon père André
Simonin. Claude Joseph Simonin (1814-1867) aura
sept enfants, dont une fille Marie née en
1864, rue des Gorges, pas très loin de
chez ses grands parents qui habitent dans la rue
du fort griffon. Marie est mon arrière
grand-tante. Elle part travailler à Paris
à vingt et un ans vers 1885, mais revient
régulièrement pour voir sa
famille. Elle utilise le moyen le plus
simple : le train de Paris à Dole
et le tacot «petit train de Dole à
Moissey». Elle veille sur Victor son neveu,
ses frères, et sa nièce
Philomène. Pour le mariage de mes
grands-parents elle offre en cadeau un superbe
service en argent et envoie souvent des livres
ainsi que des albums aux enfants.
Philomène a un handicap qui lui procure
quelques difficultés pour marcher.
Couturière de métier, elle habite
Rue Haute avec son frère. Elle se rend de
temps à autres à Paris chez Marie
qui l'emmène à l'opéra ou
au bord de l'océan au Tréport. Mon
grand-père Victor est né à
Moissey en 1879. Il fréquente
l'école où il est très bon
élève et obtient son certificat
d'études primaire à 12 ans 1/2.
Remarqué par son instituteur celui-ci
insiste près de ses parents pour qu'il
continue l'école. Mais son père
refuse et lui fait commencer un apprentissage de
maçon à 13 ans. Victor
débute ce métier très jeune
mais une mauvaise nouvelle va changer sa vie.
Alexis son père disparaît fin1899
en laissant ses quatre enfants Victor, Alexis
junior, Philomène et Jules ainsi que la
mère de mon grand- père. Alexis
est parti en laissant derrière lui un
mystère et nos recherches et
investigations ne nous ont pas donné
à ce jour de réponses sur ce
rapide départ. A 20 ans Victor reprend
l'entreprise. La famille Simonin est semblable
à beaucoup de familles, avec ses hauts,
ses bas, ses petites histoires, ses petits
secrets! En voici quelques uns-racontés
et présentés
ci-dessous.
1954-1964
Les
années tendres (5)
Dix
années jurassiennes trop rapides
Je suis
né au milieu des années 1950 en
Bourgogne à onze kilomètres de ce
village Jurassien de Moissey où je vivrai
"ma tendre enfance".
Ces dix
premières années, je les passerai
dans ce petit bourg qui a connu une histoire
très riche de l'ère gauloise
à nos jours.
Nous sommes 2
enfants issus du mariage de mes parents
Madeleine et André. Aînée de
la famille ma soeur Nicole naît dans le
petit appartement que mes parents louent
situé au dessus de l'épicerie
Guillaume en face de la fontaine du village.
Quelques mois avant ma naissance la
maternité d'Auxonne vient de se
créer et je verrai le jour dans cette
petite ville bourguignonne début janvier
1954. Cette année là est
particulièrement rude et froide, à
tel point qu'en février Henri
Grouès (l'abbé Pierre) lance un
cri d'alarme afin de mobiliser tous les
volontaires ainsi que les partis politiques
français pour aider les sans-logis. Il
fondera les Chiffonniers d'Emmaüs le 12
mars 1954.
Mes parents
se sont connus en1939. Ma mère a
rencontré son mari par
l'intermédiaire de son frère qui
fréquentait Yvonne la soeur de mon
père.
André
naît au village le 11 novembre 1911, il
est l'aîné; le premier
garçon de Victor maçon et Fernande
mère au foyer qui auront quatre
garçons et deux filles. A cette
époque les couples avaient beaucoup
d'enfants et les familles nombreuses
étaient fréquentes. Ma
grand-mère est une fille Pitot-Belin,
très vieille famille moisseyenne dont les
racines se perdent au règne du roi
soleil. Mon père est un homme gentil qui
affectionne tous les plaisirs de la vie. Vivant
simplement, il est chauvin de son pays, la
France et fait sa scolarité à
l'école de Moissey où son dernier
instituteur, Edmond Guinchard, écrira en
1913, le beau livre: la Monographie de
Moissey. Il effectue son service militaire
à 20 ans, classe 1931, dans l'artillerie
où il s'occupe de la cuisine et des
chevaux.
A la
deuxième guerre mondiale, le 6 septembre
1939, il rejoint le 47e régiment
d'artillerie pour la mobilisation
générale afin de participer
à la campagne contre l'Allemagne qui a
envahi la France. De septembre 1939 au 25 juin
1940 il est canonnier servant actif.
(5) les
années tendres, chanson de Denis
SIMONIN
Il sera
démobilisé le 17 juillet 1940. De
ces cinq années de guerre, il reviendra
marqué et il recevra la carte de
combattant pour citation à l'ordre de la
division qui lui permettra d'obtenir la croix de
guerre avec étoile d'argent.
J'ai
conservé ces deux documents concernant
cette citation.
Il consignait
sur un carnet que je garde précieusement
quelques faits de guerre de cette vie
d'armée. Témoignages de bravoures
et vaillances d'hommes courageux qui
combattaient en voulant défendre la
patrie. Soldats anonymes qui sont tous pour la
plupart morts pour leur pays «la Grande
France». Ces hommes étaient de vrais
patriotes. Ils voulaient refouler l'envahisseur
pour la deuxième fois. Malheureusement
l'histoire à démontré que
les généraux de cette
époque étaient des pantins
incapables de gérer le conflit et
manquaient de stratégie. C'était
pour la plupart des fous de guerres qui
envoyaient les hommes au «casse-pipe»
sans prendre en considération le facteur
humain.
Si toutes les
guerres sont des absurdités le dicton est
vrai: «la guerre est une chose
décidée par des gens qui se
connaissent et qui restent en vie, et elle est
faite par des soldats qui meurent et qui ne se
connaissent pas». L'obéissance et la
foi étaient des valeurs, pas de vains
mots. Aujourd'hui par manque d'éducation,
les valeurs morales et les usages ont perdu
leurs sens au fil du temps. Car dans la vie
chacun a des droits et des devoirs. Nos parents
furent élevés par leurs parents
dans la rigueur et le droit chemin. Devenant
à leur tour parents, ils nous ont
retransmis cette éducation.
Nous
étions les héritiers et nous
voulions retransmettre la même
éducation à nos enfants. Mais la
réussite finale est discutable trois
générations plus tard.
Tout à
changé! Tout a trop changé! Le
temps présent est à des
années lumières de celui de notre
jeunesse. C'est bien connu les enfants ne voient
jamais les choses comme leurs parents. Cela
s'appelle le conflit des
générations. Je leur souhaite de
tout coeur qu'ils vivent aussi heureux que nous
l'avons été. La
société a énormément
changé il faut tout et tout de suite. Il
n'y a plus de place pour l'attente et la
réflexion. Vite, toujours plus vite.
Dès 1990 cette génération
est devenue robotisée et difficile
à gérer.
La
société est chamboulée et
souvent les deux parents travaillent.
Résultat
pas le temps de s'occuper des enfants.
L'école doit assumer et assurer un
encadrement qui devrait se faire à la
maison. Mais l'éducation nationale n'est
pas faite pour cela et l'éducation par
les parents est inévitable.
Quand nous
étions enfants, toutes les tentations
actuelles n'existaient pas et dans nos
têtes tout était clair:
école, apprentissage, vie active.
Notre voisine
se nommait Madame Eulliot. Cette grande dame
élancée était veuve et elle
passait la moitié de son temps entre
Paris et Moissey mais elle possédait une
grande bibliothèque et mon père
lui empruntait des livres volumineux de grandes
dimensions et très épais avec des
couvertures reliées. C'était
souvent des ouvrages d'histoires, ou traitants
des grands conflits de 1870 ou de la
première guerre 1914-1918
«surnommée la Grande
Guerre».
Mon
père était un homme de carrure
imposante par son quintal mais avec un
caractère à ne pas trop se faire
emm
! C'était un peu le Lino Ventura
des maçons. A 31 ans il reprend
l'entreprise de maçonnerie de son
père qui lui passe le relais le 21
décembre 1942.Victor mon grand
père a 63 ans et il s'occupera de ses
poules et des lapins, de sa vigne à Roche
ainsi que de son jardin car il est excellent
jardinier. Dans ce temps là les outils
mécaniques n'existaient pas, et tout le
travail se faisait à la pelle et à
la pioche. Le métier de maçon
était très dur physiquement et les
hommes étaient usés avant
l'âge. Peu de gens possédaient des
véhicules à moteur avant guerre.
Les brouettes, les échelles, le sable et
le ciment étaient amenés dans des
charrettes tirées par des chevaux. Vers
les années 1946-1948 l'on commence
à voir les premières voitures
à moteur dans les grandes villes. Elles
arrivent ensuite un peu plus tard dans les
villages achetés par des gens
fortunés.
Comme je l'ai
écrit plus haut, le dernier conflit avait
beaucoup marqué les habitants du village
et la guerre était toujours
présente dans les esprits mais les gens
en parlaient peu. Mon père n'aimait pas
les allemands qu'il appelait "les Boches" car
ils avaient tué son frère Gaston
âgé de 27 ans, le 16 juin 1940,
à Guigneville dans le Loiret.
Douloureusement
marqué il n'abordait pas du tout ce sujet
avec moi jeune gosse. Mes grands-parents
habitaient en bas du village au lieu dit du Fort
Griffon. Rien à voir avec un quelconque
fort du Far-West, c'était une petite
impasse d'un des plus vieux quartiers avec des
maisons accolées près de la place
centrale en bas du pays. Je n'ai pas connu mon
grand père décédé en
1954 année de ma naissance. J'allais de
temps à autres chez ma grand-mère
qui cuisinait des gaudes (farine de maïs)
et du lapin. Au mois d'octobre, moment des
vendanges, on tirait des raisins "Baco" du marc
(appelé la goutte) distillé
à la cave dans notre alambic car ma
grand-mère avait hérité du
droit de "bouilleur de cru" de sa
famille.
Pour ces
jours-là, mon père prenait trois
jours où il n'allait pas chez les clients
faire le maçon. La famille et tous les
gens employés faisaient des grands repas
après ces journées de ramassage et
de transfert des raisins ramenés chaque
jour à la cave.
Nous
distillions dans nos caves personnelles et ce
droit sera changé vers 1968 chaque
bouilleur de cru devant se servir de l'alambic
municipal dans un local destiné à
cet usage. Ma soeur aînée a
passé du temps chez ses grands-parents
qu'elle a mieux connus que moi du fait de notre
différence d'âge.
Deux
frères de mon père, Gaston et
Georges, sont décédés
très jeunes avant ma naissance. De la
famille, ma grand-mère, mon oncle
Fernand, et mes tantes Yvonne et Lucienne seront
ma famille la plus proche.
Ma
mère consacrait son temps à coudre
ou à s'occuper de la maison familiale,
des lapins, des poules et du jardin et de trois
grands champs:
celui de la
Cerise surmontant le Fort Griffon, celui du
dessus des vignes et l'autre près de la
carrière.
Ce ne fut pas
facile pour cette fille qui venait de la grande
ville de Besançon de devenir une
campagnarde mais elle était courageuse et
elle s'est adaptée rapidement en
travaillant dur pour piocher, et planter en
légumes ces énormes champs et ces
jardins. On ne chômait pas chez les
Simonin tout le monde travaillait dur
très jeune. J'étais petit et elle
m'emmenait avec elle. Tout autour de ces grands
prés, je jouais pendant ses occupations
de jardinage. Elle aimait cuisiner et nous
régalait de plats simples, de produits
frais cultivés cueillis tôt le
matin ou tard le soir. Elle cuisinait des
terrines ou préparait des légumes
pour l'hiver, qui étaient
conservés dans des petits saloirs en
ciment que mon père avait
fabriqués. Nous les gamins, habitant
à la campagne, nous étions
forcément proches de la nature, car il
n'y avait que cela pour jouer et s'occuper. Nous
étions les «écolos» de
l'époque ! A chaque saison je
ramassais des pissenlits, des pêches, des
cerises, des noix, mais aussi des champignons
dans les prés ou dans la forêt de
la Serre au-dessus de la
carrière.
Il y avait
toujours du monde à la maison, le
dimanche les frères ou soeurs de mes
parents avec mes cousins et mes cousines se
réunissaient chez nous.
Nous
déjeunions tous ensemble sur la grande
table dans la salle à manger de notre
maison.
Mes parents
avaient acheté à une dame
âgée une vieille maison au milieu
du village, Grand Rue et mon père la
retapait de temps en temps. Mais le cordonnier
est souvent le plus mal chaussé. Il
aimait construire ou réparer le
bâtiment chez les autres mais peu chez
lui
Avec une
remorque attachée derrière mon
vélo j'allais dans les champs Rue Basse
chercher de l'herbe pour nos lapins et des
panais (cela ressemble à des grandes
feuilles de rhubarbe) que je ramassais sur la
route de Frasne.
Dans de
grandes gamelles, nous donnions du pain aux
poules aux coqs et diverses graines.
La petite
entreprise de maçonnerie Simonin tournait
bien, et ma mère faisait la gestion et
toutes les charges administratives encore
simples en ces années 60.
Quelquefois
le dimanche mes parents allaient voir des
clients pour du travail ou pour rentrer les
paiements en retard ce qui était
relativement fréquent.
Il
n'était pas rare de voir des paysans
payer avec de la nourriture, du lard, du jambon,
mais le plus fréquent moyen de
règlement était le prêt de
chevaux et de charrettes! Ces outils permettant
de se déplacer avec les grandes
échelles les échaffaudages et le
reste étaient utilisé pour livrer
les chantiers de Menotey, de Rainans ou de
Pesmes. Mon père avait quelques passions:
le jardin et les champignons des bois qu'il
connaissait bien, où je l'ai
accompagné deux ou trois fois. Pompier
bénévole de 1949 à 1962, il
s'occupait des manoeuvres chaque dimanche matin
mais également des tombes des gens du
village qui décédaient. Ses deux
vignes de la «Carrière et de
Roche» l'occupaient le dimanche. Le raisin
nommé Baco (raisin noir) ou du Noah
(raisin blanc) produisaient un vin bourru de
qualité moyenne, pas très
alcoolisé de 9 à 10 degrés
environ. Elaboré entre 1895 et 1900 ce
vin rouge ou blanc était produit dans le
village. Avant 1895 je ne sais pas quels
cépages étaient utilisés
mais les maladies du raisin, phylloxera et
mildiou, détruisaient
énormément la vigne
A Moissey il
avait de nombreuses festivités et tous
les gens se rendaient service entre eux
simplement. Quelquefois nous allions au
cinéma à Dole ou au carnaval
d'Auxonne une fois par an pour assister au gala
des petits pompiers de Dole qui effectuaient un
spectacle de gymnastique à
Montmirey-le-Château.
Mon
père obtient son permis moto en
décembre 1936. Passionné de moto,
il partage avec son frère Gaston une
Kolher-Escoiffier 350cc sous marque Monet Goyon.
Il passe son permis voiture plus tardivement en
1953.
Sa
première voiture achetée cette
année-là est une Citroën C4
à plateau.
Datant de
1930, c'était une «vieille bagnole
d'occasion» qui démarrait à
la manivelle. C'est seulement vers 1958 que ma
mère insista pour que l'on change cette
relique pour une nouvelle 403 Peugeot
bâchée neuve.
Un petit
camion Renault d'occasion arriva vers 1963 que
de temps en temps je conduisais très fier
en tenant le volant sur ses genoux.
A partir de 3
ou 4 ans nous allions à l'école
communale de la maternelle au
primaire.
Le certificat
d'études primaires se passait à
l'âge de 13 ans et demi ou 14 ans. Je
vivais dans l'allégresse et l'insouciance
sans penser aux difficultés de
l'âge adulte qui attend et que rencontre
tout homme dans sa vie.
J'ai connu
les deux écoles qui se trouvaient tout
près de l'église.
De 1956
à 1964 j'ai fréquenté
l'école publique.
Tout d'abord
l'école Joubert (nous disions les
Tilleuls) installée en dessous de la
mairie et de 60 à 64 l'école
Besson qui se trouve au dessus du caveau. Elles
étaient entourées d'un très
vaste préau où nous courions comme
des fous. Nous faisions des batailles de billes
en terre cuites, plus tard arriveront les agates
en verre. On joue aux osselets et autres jeux
d'enfants.
Je quitterai
l'école de Moissey en juillet1964. Tous
mes premiers instituteurs et institutrices
étaient compétents. Ils savaient
enseigner aux élèves en sachant se
faire respecter et pas question de se plaindre
quand nous étions punis et surtout pas
à nos parents. Car le double de la
punition aurait était appliqué
avec peut-être en sus une correction.
C'était notre monde: jugulaire
jugulaire.
J'allais
également au catéchisme avec mes
autres copains chez l'abbé Paget, le
curé, au presbytère. A cette
époque le monument aux morts était
placé plus en avant de la rue et il y
avait des marronniers énormes. La famille
Simonin était catholique mais pas
très pratiquante. Mais nous étions
baptisés, communiés et les
mariages se passaient à l'église.
Pas d'autres choix pour nous que d'aller
à la messe et au catéchisme et de
servir la messe du curé le dimanche. Pour
les enterrements et les mariages nous portions
des soutanes en rouge et blanc, plus tard
remplacés par des aubes blanches. Les
enfants de choeur se trouvaient deux devant et
deux derrière à droite et à
gauche de Monsieur le curé. J'ai servi la
messe comme beaucoup de gosses, coté
gauche et après à droite car celui
de droite sonnait une petite cloche. J'ai
dû goûter je crois le vin de messe
une fois ou deux peut être
Comme
à l'école, chez le curé le
respect et l'obéissance étaient de
rigueur. L'éducation était stricte
sans grande tolérance à
l'égard des élèves dont
l'époque est aujourd'hui révolue.
Nous disions "bonjour, au revoir, merci et s'il
vous plaît". Ma première
institutrice était cultivée et
douce. Elle s'appelait Germaine Guillaume. Je
passais mon temps à l'écouter pour
les cours de Français, de math,
d'histoire et de géographie. Il fallait
respecter et obéir en se pliant à
la discipline tout en respectant les usages, les
bonnes manières. Chaque matin en arrivant
en classe le rituel était les
leçons de morale suivi d'une
interrogation de calcul mental qui faisait
travailler la mémoire. Tous les enfants
collectionnaient des bons points et dès
que l'on avait réussi à en
comptabiliser dix nous avions droit à une
image.
Malgré
cela nous faisions des petites bêtises
comme tous les gosses. Les saisons
étaient très distinctes et
j'aimais ces quatre périodes aux
sensations différentes.
L'hiver la
neige dense et les sapins recouverts de blanc;
le printemps (6) avec son parfum de fleurs et la
couleur des arbres blancs ou roses et
l'été avec ses odeurs de foins
coupés. Puis l'automne arrivait avec ses
milliers de couleurs et le cycle
recommençait.
Pas
très loin sur la route d'Auxonne il y
avait un petit bois avec du muguet et je
ramassais pissenlits et cressons à
l'ancien moulin du «père
Jacquet».
Fin du
printemps les paysans faisaient les regains en
coupant le trèfle et de petites herbes
comme le serpolet. Quand l'été
arrivait, c'était la période de la
moisson. Les blés ou l'orge coupée
le matin au réveil répandait une
odeur qui était un régal. Au mois
de juillet nous allions cueillir de grosses
mûres à Frasne ou au Mont
Guérin pour en faire des confitures.
Elles avaient
un goût très parfumé et nous
les mangions par gourmandise.
Au champ de
la Cerise, voisin de chez ma grand-mère,
dans les noyers avec l'aide de grandes perches,
nous gaulions ou lancions des bâtons, et
de grosses noix de quatre à cinq
centimètres de diamètre tombaient
dans l'herbe!
Je n'en ai
jamais revu de si imposantes depuis ce moment
là. On cueillait de la
«doucette», appelée aussi
mâche, qui poussait en-dessous des ceps de
vignes. A la période des cerises que de
bons moments: nous allions à la maraude
et nous revenions barbouillés de rouge,
quelle rigolade. A la fin de l'automne noisettes
et châtaignes étaient
ramassés. Et puis les vendanges
arrivaient et c'était une fête dans
les vignes où tout le village se
retrouvait. Les hivers étaient bien
marqués avec de la neige et quelquefois
du verglas, car il faisait froid dans le jura de
ces années-là. Au milieu de la
salle de classe trônait un poêle
avec un coffre à bois. Nous étions
de corvée de bois à tour de
rôle. Gérard Lenorman chantera une
chanson "les matins d'hiver" reflet exact de ce
que nous avons vraiment connu et vécu.
Que de souvenirs marqués au fer rouge
pendant ces dix années sublimes. Tout
m'émerveillait surtout les voitures; des
premières "quatre chevaux Renault", aux
Panhard, Simca, et puis la radio, les bandes
dessinées, tout cela dans une grande
insouciance. En décembre 1958 les
Français élisent Charles De Gaulle
Président de la République au
premier tour.
On entend le
nom d'un nouveau chanteur: Johnny
Hallyday.
Les anciens
ne comprennent pas et disent: c'est un
blouson noir et un zazou!
Il cassait
ses guitares mais remplissait les salles de
concert.
6) "Et
ça sent le printemps" chanson
Pierre et Denis Simonin.
Moissey
et sa longue Histoire (7)
L'église,
la fontaine, le château
Tout d'abord
quand on arrive à Moissey par la route de
Dole, on longe pendant environ trois
kilomètres une haie d'arbres
appelée «les platanes»
où l'on aperçoit l'église
et le bas du village. Cette église
perchée en hauteur fut construite vers
1525 au 16e siècle. Après cette
grande descente on arrive au pied de la grande
fontaine en grès rose. Dessinée
par l'architecte Attiret en1765 elle est
inscrite aux monuments historiques.
Ce village
existait déjà à
l'époque néolithique et bien
entendu du temps des gaulois à
l'occupation romaine où des tuileries ont
été découvertes ainsi que
de nombreux vestiges comme le château de
la fin du moyen âge. Il existe encore une
partie de ce château construit vers le 13e
ou 14e siècle bien que les dates exactes
de construction soient à ce jour encore
inconnues.
Moissey
étant le nom d'un seigneur, le nom du
village vient sûrement de cela.
Nous savons
que ces seigneurs appartenaient à une
communauté riche et puissante qui
régnait sur les paysans. Ceux-ci
étaient exploités et
affamés et ils ne vivaient pas
très âgés. Le château
fut ruiné pendant les guerres sous Louis
XI vers1479-1480. Puis arrivent les grandes
batailles entre la France et l'Espagne. En 1525
en revenant de sa défaite de Pavie en
Italie où il fut capturé le 23
février, le roi François Premier
prisonnier aurait passé une nuit au
château, avant d'être dirigé
sur Valence et Madrid en Espagne où il
restera détenu un an. Dole est la
capitale de la Franche- Comté, ville sous
l'emprise et le contrôle des espagnols.
Henri II de Bourbon, Prince de Condé
arrive à Moissey en ce mois de mai 1636
et prend sans se battre le château
occupé par les paysans.
Après
sa défaite à Dole contre les
impériaux où il n'arrive pas
à prendre la ville, il repart le 14
août 1636 en brûlant le
château qui sera ravagé en partie,
et qui sera de nouveau reconstruit au XVIIe
siècle. Mais un nouvel incendie en 1963
détruira deux des trois tours
restantes.
Ndlr: mon
père effectuera des travaux de
maçonnerie entre 1958 et 1962 dans les
dépendances du château. Viennent
ensuite les trois guerres:1870, 1914,
1939.
En 1870
: guerre contre la Prusse nous avons peu
d'informations.
En1914-1918
appelée «la Grande
Guerre» Moissey paie un lourd tribu
avec 22 enfants du village
tués.
A la
dernière guerre mondiale les allemands
occupent le Jura, la ligne de démarcation
se trouvant à quelques kilomètres
de Moissey.
(7) Village
d'enfance chanson de Pierre Simonin
Les allemands
installent une Kommandantur (quartier
général) dans la maison Masson
réquisitionnée à cet effet.
Les villageois aident les résistants et
se méfient des "schleuhs" surnom
donné aux soldats allemands. Le 6
septembre 1944, deux FFI (Force Française
de l'Intérieur = résistance)
attaquent un convoi allemand et tuent plusieurs
soldats. Les deux résistants sont abattus
et les allemands brûlent en
représailles la ferme Gilles
située près des platanes. Le 9
septembre le village est libéré
mais un gendarme veut annoncer trop vite
l'armistice. Il sera tué sur sa moto sur
la route de Montmirey-la-Ville.
Plus haut en
direction d'Amange, l'on entre dans la
forêt de la Serre avec sa carrière
de pierre rare, l'Eurite dite «le
porphyre» dure comme le granit.
Ce minerai
que l'on concasse forme des petits cailloux gris
que l'on mélange à des additifs
devient le goudron appelé l'asphalte des
routes.
Outre la
fontaine Attiret de la place, il y avait deux
autres «grandes» fontaines, l'une en
bas du village, l'autre près de la maison
Masson au dessus de chez nous à l'angle
du chemin qui allait au Mont Guérin. Un
petit train appelé le tacot existait de
1900 à 1933, il desservait Dole-Moissey,
Pesmes-Gray et d'autres petites gares.
Bondé de villageois et de leurs bagages,
ce train était quelquefois trop lourd et
les gens descendaient pour le pousser. Trop
jeune je n'ai pas connu le petit tacot et
l'ancienne gare mais quelques décombres
subsistaient et mon père avait ses
entrepôts de maçonnerie à
cet endroit. Vers 1905 Monsieur Bel "papa de la
vache qui rit", fond ses premiers fromages et
Monsieur Béjean reprendra cette petite
fromagerie quand Monsieur Bel partira à
Dole pour créer une grande usine, puis
à Lons-le-Saunier où elle existe
toujours. Je me rappelle de l'abattoir sur la
route d'Auxonne où dans ce local
près de la gare avant sa fermeture vers
1962-63 j'ai vu les derniers porcs tués
pour la boucherie Clair qui se situait dans le
bas des escaliers de l'église. De cette
petite enfance, il ne me reste que dix ans de
bons souvenirs de gamin où j'ai
vécu heureux et insouciant.
Fréquemment,
nous nous retrouvions un groupe de gosses du
même âge, nous allions nous amuser
autour du village. Garçons et filles se
séparaient après l'école,
mais en classe cohabitaient sans
problème. J'étais un
élève moyen et sur mes cahiers les
annotations étaient différentes en
fonction des années où je
travaillais toutes les matières
studieusement.
J'adorais
lire les livres de bibliothèque que
j'empruntais et que «dévorais»
rapidement. J'avais d'autres passions, bricoler
des morceaux de bois ou de fer. Nos jeux
étaient très simples, très
basiques.
Avec mon
copain Edouard on jouait avec des petites autos
militaires Jeep Willis, petits camions en fer de
marque Dinky-Toys et quelques soldats de plombs.
Toute ma vie à différents endroits
je rencontrerai des gens aux sensibilités
et aux affinités semblables ou proches
des miennes. Ne dit-on pas «qui se
ressemble s'assemble». Dès la
première rencontre cela se pressent et se
remarque et je compare cette attirance à
l'amour; nous avons tous connu cela je crois.
Beaucoup de copains m'ont entouré, peu
sont toujours là, mais quelques-uns sont
devenus des amis. Je n'accorde pas facilement ma
confiance et celui qui l'a trahie s'en
rappellera toujours à ses
dépens.
C'était
encore l'époque de l'accordéon et
des chanteurs d'avant guerre dans l'esprit des
gens.
On
écoutait les musiques à la radio
que l'on appelait «le poste»,
sur les grandes ondes et petites
ondes.
Les chanteurs
Brel, Brassens et Ferrat débutent; on les
entend très peu encore sur les ondes. Ils
commencent leur carrière chacun de leur
côté en galas et petites salles, en
connaissant galères et vaches maigres. Je
ne m'intéresse pas encore à ces
«monuments» qui deviendront de grands
noms de la chanson française. Ce n'est
que beaucoup plus tard que je découvrirai
tous ces artistes qui ont imprégné
de leur talent le répertoire
français.
Tous les
grands artistes de cette
génération ont travaillé
dur pour y arriver et prouver leurs talents
à la France entière et certains au
monde entier.
Il n'y avait
pas de star académie ou d'autres
télés-réalités
où dès qu'une chanson est finie on
proclame n'importe qui «star».
Quelle manque
de culture et d'originalité ces
émissions de m
qui se ressemblent
toutes.
Les
commerces du village
Pendant ma
jeunesse à Moissey il y avait trois
épiceries, une boucherie et deux
boulangeries. La boucherie Thomszyk a
fermé (de mémoire) vers 1956-57 et
la boucherie Clair était la seule ouverte
avec le camion itinérant de Mme Buisson
de Montmirey. Il y avait deux cafés sur
la place et le coiffeur Grebot en face du bureau
de tabac de Madame Bordiaux veuve de
guerre.
Nous
achetions en douce à cette vieille dame
qui n'était pas dupe quelques gauloises
bleues ou P4 que l'on «fumaillaient»
dans le bois en cachette en faisant très
attention aux parents car cela aurait
été terrible de se faire prendre.
La poste était vers le bureau de tabac
mais je me souviens de la poste temporaire au
bord de route avant la fontaine prés de
chez Mayeur vers les années 63-65. On se
faisait couper les cheveux en brosse, et bien
entendu pour mon père ce n'était
jamais assez court. Je retournais chez le
coiffeur une deuxième fois.
La menuiserie
avec le poste à essence d'André
Guillaume se trouvait à l'angle de la rue
qui part à Peintre et l'entreprise de
maçonnerie Simonin «à la
gare» en direction d'Auxonne. Les quelques
chevaux de la gendarmerie rue basse laissaient
la place aux premières voitures noires
Panhard avec de grandes antennes radio. La
laiterie a changé plusieurs fois
d'endroits et nous allions chaque soir chercher
le lait dans des bidons d'aluminium ou de fer
blanc. Des camions itinérants de
boulangerie, boucherie et de fruits et
légumes passaient durant la semaine en
klaxonnant pour prévenir les femmes du
village qui allaient acheter les victuailles
pour faire la cuisine. Je me rappelle des
odeurs! Comme ça sentait bon dans ces
camions remplis de fruits et de légumes.
Les tentations étaient moins importantes
que de nos jours. A l'épicerie, seuls les
bonbons vendus à l'unité
étaient en devanture dans des bocaux de
verre transparents. On nous envoyait chercher de
la moutarde ou de la crème dans des
verrines à confiture et
l'épicière servait cela au
détail. J'allais chercher dans un bidon
en fer deux litres d'essence chez Guillaume pour
0,50 francs. Et puis il y avait le pain! Que le
pain était bon à la boulangerie
Jacquinot au milieu de la grande rue à
cinq maisons de chez moi. On rentrait dans ce
magasin et l'odeur était
je ne sais
pas comment la décrire! Je ne retrouve
plus cela! J'allais au fournil voir cuire ces
miches, couronnes et baguettes.
Ma
mère allait de temps à autre en
car au marché à Dole pour acheter
viandes et fromages et des choses que les
magasins locaux n'avaient pas.
On allait
chercher de l'eau dans des brocs en fer blanc
trop lourds pour nous les gosses. On appelait
cela la corvée, que l'on faisait sans
sourcilier.
Folle
époque, en short de mai à octobre
quelquefois. En 1955 ma soeur suit des cours
dans une école religieuse privée
et stricte: "la Providence" à Dole. En
1958-1960 elle travaille comme vendeuse de
chaussures ou elle se rend en mobylette bleue
dans le magasin de Madame Bailly à
Auxonne. Tous les deux nous nous sommes peu
côtoyés enfants. En 1961 elle se
marie et sa première fille naît en
1962, la seconde en 1964 et la dernière
en 1968.
Je deviens
vite un jeune tonton. Je gardais mes
nièces et ma soeur pouvait sortir un peu.
Je me souviens de sa première voiture une
Dauphine rouge (couleur rubis) une
révolution en 1962. Renault fera un
carton avec ce modèle.
Nous mangions
ce que nous trouvions dans la nature sans
contracter de maladies et sans trop faire
attention car nous étions
immunisés.
Jusqu'en 1960
on chauffe l'eau et on prend notre bain dans une
lessiveuse en fer blanc. Et puis mon père
avec les ouvriers creuse un puits de six
mètres dans notre jardin au bout de la
ruelle Penez et limitrophe du jardin de Monsieur
Ortiger pour approvisionner de l'eau à la
maison par une pompe mais cette eau est non
potable. Nous installons un chauffe-eau
Chaffauteaux et Mory au dessus de l'évier
de la cuisine vers 1962. L'eau courante arrive
seulement en 1963, le village sera
équipé du réseau
terminé un an plus tard. Quelquefois je
retrouvais deux frères "fils de
bourgeois" plus âgés que moi qui
avaient de beaux bateaux
téléguidés qu'ils
manoeuvraient sur le lavoir du village.
Ces gosses de
Paris venaient dans la maison secondaire de
leurs parents ou chez leurs grands parents
pendant les vacances. J'étais ravi car je
pouvais utiliser leurs jouets notamment des
beaux bateaux à moteur
téléguidés que nous
faisions voguer sur le lavoir. Je me souviens
aussi de l'épicerie Spar et des
Economiques. Je lisais dans la revue Spar une
page ou deux des aventures de Sylvain et
Sylvette ou d'autres comme Pim Pam
Poum.
Madame
Eulliot était la grand-mère d'une
petite fille qui habitait à Paris et elle
venait à Moissey pendant les vacances
d'été ou du printemps. J'adorais
cette petite gamine de mon âge et nous
passions des heures tous les deux assis sur un
banc à discuter et à
s'écrire des lettres de gosse.
Les soldats
de la caserne d'Auxonne passaient devant la
maison dans de gros camions GMC pour aller en
manoeuvres en forêt de la Serre, et ils
nous disaient bonjour en nous faisant de grands
signes. Je jouais aux soldats et ma mère
m'avait confectionné un petit calot en
laine grise.
C'était
la guerre d'Algérie et je ne comprenais
pas ce conflit.
Nous
possédions peu de jouets des magasins car
nos parents ne nous achetaient pas trop cela
ça coûtait cher. Les jouets
à moteur existaient mais nous les
regardions dans les vitrines des magasins de
Dole.
Nous allions
souvent près du ruisseau de la gare, au
lavoir ou vers les Gorges pour faire des ponts
et construire des cabanes dans les bois.
A quatre
heures, le rituel était le pain et le
carré de chocolat ou de sucre.
Quelquefois
pour changer le quatre-heures on nous donnait de
la confiture.
Nous vivions
dans un cadre modeste, mais nous n'avons jamais
manqué de rien, la table était
toujours garnie. A 10 ans je lisais beaucoup car
j'avais récupéré toute la
collection de livres de ma soeur de la Comtesse
de Ségur, une romancière Russe du
19e siècle. Tous ces livres
éloquents avaient les titres suivants:
les Malheurs de Sophie, les Petites filles
modèles, le général
Dourakine, un Bon petit diable et tous les
autres.
C'est aussi
à ce moment là que j'ai
découvert les livres d'aventures en
bibliothèque rose, puis verte et la bande
dessinée Rintintin et Rusty en couleur.
Je suis malade, cloué au lit, quand on
m'abonne à cette revue pendant quelques
temps. Je reçois cette grande bande
dessinée chaque mois vers avril
1960.
Notre chat
Misou (8)
Mon animal de
compagnie était un beau chat noir et
blanc avec les poils angora surnommé
Misou qui était docile et gentil à
la fois. Né d'une portée de chats
vers 1950, il vivra heureux 14 ans en
liberté totale rentrant
régulièrement chez nous pour se
frotter dans nos jambes et chercher à
manger. Il courait librement dans le village, et
je le retrouvais en sortant de l'école
pour jouer avec lui. Il ramenait des oiseaux ou
des petites souris trouvées dans la cave
et il était toujours là à
miauler quand mon père
dépeçait les lapins de notre
clapier. Il vécut bienheureux jusqu'au
jour où il commença à
être malade. En ce temps-là les
chats et chiens n'étaient pas suivis
comme aujourd'hui et les visites chez le
vétérinaire n'étaient pas
coutume. Je le revois vers l'été
de 1963 titubant devant notre maison. Je me
doutais que quelque chose n'allait pas car il
cherchait à se sauver et traverser.
La
première fois il traversa la route et je
le suivis sans penser au danger.
La
deuxième fois, une voiture passa et
l'évita de justesse. En le
récupérant pour le rentrer
à la maison de nouveau il
s'échappa, et cette troisième fois
lui fut fatale.
Une auto
heurta violemment sa tête et il fut
tué net projeté sur le bord du
trottoir. Je crois qu'il n'a pas trop souffert.
Je le pris dans mes bras et pour la
première fois dans mon coeur de gosse, je
fus blessé et malheureux, pleurant de
toutes les larmes de mon corps ce chat mort. Ce
fut une de mes premières douleurs. Ce
n'était qu'un animal, mais les animaux
sont quelquefois plus importants que certains
hommes. Ce chat était mon confident, il
connaissait tous mes secrets d'enfant et toute
ma vie je me rappellerai ce douloureux moment.
Je mis longtemps avant de décider d'aller
l'enterrer dans un petit coin de jardin, au pied
d'un cerisier en plantant une toute petite croix
de bois dans la terre. Ce geste était il
un reflet du subconscient de ce que je voyais
dans les cimetières pour les humains?
Toute la
famille fut affectée par la perte de ce
beau matou angora qui faisait partie de notre
quotidien.
(8) "Ce sont
nos amis" chanson Pierre et Denis
Simonin
Les mais,
la fête du village, les
cinémas
Les
mais
Au mois de
mai les Catherinette (les jeunes filles qui
avaient plus de 25 ans et qui n'étaient
pas mariées) recevait chacune un mai.
C'était un arbre, du hêtre
principalement pas très gros mais assez
long que les jeunes garçons du même
âge «les conscrits» disposaient
la nuit devant leurs fenêtres aux volets
fermés. Ce rite durait depuis longtemps
pour les filles pour qu'elles se marient dans
l'année.
Le matin les
habitants faisaient le tour du village pour voir
ce «spectacle».
La
fête au village
Vers les mois
de mai juin sur la place du centre du village il
y avait une grande fête qui durait une
semaine où tous les adultes se rendaient
et surtout les enfants.
Nous faisions
des tours de manège et des autos
tamponneuses.
Les plus
grands tiraient à la carabine ou jouait
aux concours de quilles et de boules. Et les
adultes en profitaient pour flirter au bal sur
des airs d'accordéon ou s'embrasser
discrètement un peu plus loin du
bal.
Le
ciné
C'est dans le
courant de l'année 1960 que ma soeur et
mon beau frère m'emmènent au
cinéma. Les cinémas à Dole
ont pour noms le Vox le modern et l'Omnia. Ils
possèdent des fauteuils d'orchestre et le
balcon.
Avant chaque
diffusion du film il y avait la projection d'un
télérama d'actualités en
noir et blanc et la publicité de Jean
Mineur. A six ans c'est la découverte, de
films de capes et d'épées en
couleur sur un grand écran.
Pendant trois
années environ, je verrai plusieurs longs
métrages, j'en ai oublié mais je
me souviens de quelques films
célèbres: le capitaine Fracasse,
le Capitan, le Bossu de André Hunnebelle
réalisateur des films de capes et
d'épées avec ce très grand
acteur bondissant Jean Marais.
Premier
vélo et jeux d'enfance
Premier
vélo
Un jour mon
père me ramena un petit vélo de
garçon qu'il avait
récupéré dans un triste
état chez un fermier voisin et qui
n'avait qu'un frein.
Il me dit de
le réparer, je me souviens de l'avoir
désossé et repeint en rouge, puis
bleu. Je connus aussi ma première
«grande gamelle» en descendant une
pente vertigineuse du Mont Guérin juste
avec le frein de devant.
Un peu
casse-cou les gosses
dans ces
années-là !
Un an plus
tard, je suis rentré avec les cailloux
incrustés aux genoux et aux bras. J'ai
nettoyé tout cela avec de l'alcool
à 90 degrés qui me fait mal encore
quand j'y pense !
Jeux
d'enfance
A partir des
années 60-63 mon père m'emmenait
quelquefois les jeudis avec lui sur les
chantiers. Patron d'une petite entreprise de
maçonnerie, il travaillait dur avec
son frère Fernand ainsi que d'autres
collègues employés.
Je jouais sur
les immenses tas de sable ou je l'imitais en
faisant du ciment que je transportais dans une
petite brouette en acier que j'avais reçu
pour Noël.
J'étais
content au grand dam de ma mère qui me
regardait monter trop haut sur les toits des
maisons du village de la grande rue, de la rue
haute ou basse.
Pas toujours
très rassuré, j'avais un peu peur
en haut de ces vieilles
bâtisses.
Mon
père était très
occupé et je le voyais peu. Dans sa
courte vie je n'aurai pas trop l'occasion de
parler avec lui. Il travaillait souvent les
samedis et dimanches et puis j'étais
souvent couché quand il rentrait le soir
tard à la maison.
Je bricolais
surtout les vélos avec les outils dans la
remise qui était attenante à notre
maison.
Mes passions
étaient les jeux de
sociétés et les petites voitures
ainsi que construire des maquettes de
mécano. La télévision noir
et blanc commence à arriver vers 1950.
Nos voisins Monsieur et Madame Aubert qui
habitent rue haute en face de chez nous en
possèdent une achetée vers 1954 et
j'irai voir quelques émissions dans leur
salle à manger vers l'âge de 6
ans.
L'événement
des journaux:
19 mai 1962:
Marylin Monroe chante au Président
Kennedy «happy birthday Mister
Président». Elle le connaît
intimement bien sûr!
Triste sort
final: l'icône du cinéma mondial
décèdera deux mois plus
tard.
1962
"De Gaulle
à Moissey"
Cette
nouvelle année qui arrive commence par la
reprise de l'école après les
quelques jours de vacances de Noël. Il
neige sur le Jura et les enfants vont en classe
emmitouflés dans des petits cabans. Dans
nos chaussures nous avons froid malgré
nos chaussettes épaisses.
Cela ne nous
empêche pas de sortir les luges pour aller
glisser au Mont Guérin le jeudi. L'hiver
passe, en mars et avril il tombe quelques fortes
giboulées, mais le printemps arrive en
redonnant un nouvel éclat au
paysage.
Ce 15 juin
1962 est un grand jour pour le village. Le
président de la France le
général De Gaulle se rend en
visite dans l'Est. Il se rend de sa
résidence Colombey à Vesoul et de
Gray à Moissey direction Dole. Charles de
Gaulle représente un mythe pour beaucoup
de Français car il a participé
à la libération de la France. Il
fut le Général qui a lancé
l'appel du 18 juin 1940. Il est assez populaire
dans le pays malgré l'existence de
plusieurs partis politiques opposés. En
cette période, la guerre d'Algérie
dure depuis 9 ans.
Les gens du
village s'activent pour recevoir le
président le mieux possible.
Tout le
village est là ce vendredi vers onze
heures. La France du jour est Gaulliste
même si tout le monde ne se rallie pas
à ce mouvement néanmoins
majoritaire. Tous les enfants de l'école
sont là en blouses grises et shorts, avec
de petits drapeaux bleu-blanc-rouge. Notre
maître nous a demandé de dire "Vive
de Gaulle". Il y a un grand service d'ordre,
mais tout se passe bien
La stature du
grand général et sa femme Yvonne
sont bien accueillis.
J'ai quelques
souvenirs de ce jour me rappelant le maire
Besson avec son écharpe tricolore autour
de la taille, des sapeurs pompiers dont faisait
partie mon père, et de la foule
condensée sur la place. Difficile de voir
pour nous les petits gosses des écoles.
Marcel Daudy capitaine des pompiers
précise que le Général a
serré la main de tous les pompiers. Mon
père étant présent ce
jour-là a dû être très
fier. Il reste quelques images de ce samedi de
juin1962 sur le site Moissey. (9) Deux mois plus
tard la DS Citroën noire du
général sera mitraillée par
un commando et il échappera de justesse
à l'attentat du petit Clamart à
Paris. La guerre en Algérie est là
tout près, de l'autre côté
de la méditerranée. Elle va
bientôt se terminer par
l'indépendance du peuple algérien.
Mais je ne
comprends rien et surtout je ne
m'intéresse pas à cela à 8
ans.
Heureusement
personne de notre famille ne
décède dans cette
guerre.
Monsieur et
Madame Aubert ont une télévision
noir et blanc depuis quelques temps. Ils
habitent rue haute en face de chez nous et
j'irai voir quelques émissions dans leur
salle à manger vers l'âge de 6 ans.
De temps à autre mon père
était invité à aller voir
le catch le soir.
On
écoute la famille Duraton sur Radio
Télé Luxembourg. Ce long
feuilleton a commencé en 1937 avec Jean
Jacques Vital et Noël-Noël fut le
narrateur de cette histoire dans le début
de l'année 1939.
Je fabrique
des lance-pierres et je tire sur des cibles en
carton ou en bois, en prenant grand soin
d'éviter tous les animaux oiseaux, chats
et chiens car je déteste faire du mal aux
animaux.
Pour gagner
un peu d'argent de poche, dans le jardin de
notre voisine j'ôte les herbes des
allées ou je retourne à la
bêche le carré de terre comme je
peux.
A
l'école Besson de dresse en
décembre un très haut sapin de
Noel de 5 mètres que les gardes
forestiers ont coupé dans notre belle
forêt de la Serre. Nos maîtres et
maîtresses offrent des petits cadeaux
à chaque gosse. On chante tous en choeur
les chants de Noël, mon beau sapin, minuit
chrétien. Je reçois un petit
parachutiste en plastique gris avec quelques
bonbons colorés vert et orange, les
copains ont des papillotes, des chocolats, des
oranges: chacun a son cadeau.
En cette fin
d'année 62 on entend une chanson
«Belles, belles, belles»
chantée par un certain Claude
François.
On passe les
fêtes avec la famille, tout va
bien.
(9) (site web
de Moissey)
Note:
- je
retrouverai par hasard de longues
années plus tard des images de ma
jeunesse. Une nuit me rappelant avoir vu De
Gaulle passer (voir chapitre ci-dessus) mes
recherches avec internet me permettront de
découvrir l'excellent site de Moissey
et son auteur.
Quelle
joie de revoir toutes ces photos et de
retrouver une multitude d'informations.
Je
crois que l'intuition due à mon signe
capricorne m'a beaucoup aidé tout au
cours de ma vie.
(site web de
Moissey) www.moissey.com
1963
Année
riche en évènements
Souvent le
dimanche matin, j'écoute des chansons
à la radio télé Luxembourg
sur le vieux poste Sonolor à lampes
pendant que ma mère prépare le
repas, lapins, poulets ou
rôtis.
Quelles
bonnes odeurs ces plats mijotés dans
leurs sauces succulentes.
A
l'école, le maître a des
problèmes de santé et il ne me
plaît pas trop car il est un peu violent.
L'académie le remplace par un jeune
maître plus posé.
La photo de
classe est réalisée en couleur,
quelle chance! Je reverrai cette photo 48 ans
plus tard sur le site de Moissey. (9 voir
ci-dessus)
Nos
instituteurs nous passent de temps à
autres des films en noir et blanc de Charlot ou
sous titrés de Laurel et Hardy sur le
vieux projecteur.
Nous faisons
du vélo, allons à la maraude des
prunes à Offlanges, des poires vers le
Mont Guérin! Nous grimpons sur des arbres
qui sont très hauts au risque de nous
fracasser les bras ou les jambes.
Les gosses se
déguisent en Thierry la Fronde gros
succès télévision avec Jean
Claude Drouot. En 1963 nous assistons à
de très nombreux événements
dans le monde entier.
Voici une
sélection de quelques-uns:
Visconti a la
Palme d'or avec le film le Guépard et un
jeune acteur nommé Alain Delon. En juin
Jean XXIII "le bon pape décède au
Vatican à Rome".
Juillet:
Jacques Anquetil gagne son 4e tour.
Août:
un des plus grand hold-up du siècle dans
le train Glasgow-Londres en Angleterre.
Plusieurs films seront réalisés,
tirés de ce casse dont le Cerveau avec
Belmondo et Bourvil.
Le 28
août, le pasteur Martin Luther King
prononce la superbe et grandiose phrase "I have
a dream", "j'ai fait un rêve" suivi d'un
magnifique sermon contre l'apartheid. 250.000
noirs défilent pacifiquement pour
demander l'arrêt de la
ségrégation entre les blancs et
noirs.
Le 10 octobre
une grande voix de l'après guerre
s'éteint: Edith Piaf.
Jim Clark est
champion du monde de formule I.
On ferme la
grotte de Lascaux superbe endroits contenant des
peintures préhistoriques.
L'assassinat
de Kennedy au Texas
Le 22
novembre 1963: coup de tonnerre dans le monde:
Président Kennedy killed! Le
président Kennedy est assassiné
à Dallas. Les télés
retransmettent ce meurtre en boucle. Son
meurtrier Lee Oswald est assassiné deux
jours plus tard par Jack Ruby. Cette affaire sur
fond de services secrets restera dans beaucoup
de têtes et de nos jours encore des
suppositions et interrogations diverses existent
à ce sujet.
C'est aussi
le début d'un phénomène que
l'on qualifiera d'éphémère
les yeah-yeah (yéyé contraction du
mot yeah) issus d'un terme anglais car
toutes les chansons se terminent par cette
ponctuation!
Richard
Anthony, Sylvie, Sheila, Françoise,
Monty, Franck Alamo et même Adamo sont
qualifiés de
yéyés.
Et puis une
déferlante se prépare avec
l'arrivée du rock-n-roll! Johnny, les
Chaussettes noires, Danyel Gérard, les
Chats sauvages sont tous qualifiés de
blousons noirs. Et Gene Vincent compose «Be
bop a lula».
Le 22 juin
à Paris il y a un gigantesque concert
place de la nation
C'est
l'émeute où 150 à 200.000
jeunes en liesse puis les blousons noirs se
battent avec la police.
De Gaulle
dira «si ces jeunes ont trop
d'énergie, qu'on leur fasse construire
des routes». A ce sujet il se trompe il ne
connaît pas le rock !
On sait
maintenant qu'il était un meilleur
stratège militaire que
musical.
Le rock
'n'roll est là et il sera là pour
toujours qu'on se le dise.
Et puis les
quatre Beatles sortent leur premier 33 tours,
les Stones leur premier 45 tours
La radio
diffuse une quantité de chansons:
Une chanson
dansante anglaise "If I had a hammer"
chanté par Trini Lopez reprise en
France sous le titre de « Si j'avais un
marteau ».
- Johnny
Halliday chante "Pour moi la vie va commencer"
et "elle est terrible"!
- Enrico
parle des "Enfants de tous pays"
- Et Alain
Barrière écrit un beau texte:
"Elle était si jolie
."
1964
«Année
de perturbations, maladie de mon
père»
Au printemps
de 1964 nous avons connu l'approche des mauvais
jours qui allaient commencer. Mon père se
plaignait de douleurs au ventre et tentait de
les atténuer sur les chantiers en
appuyant un ou deux agglos de dix kilos sur son
corps quand il avait mal. Les consultations
commencèrent et les médecins
diagnostiquèrent de graves
problèmes intestinaux. Une année
difficile passa. On me préservait
en évitant de parler de cette maladie
devant moi comme savent le faire les grands. Ce
n'est pas facile de faire comprendre à un
jeune enfant et d'expliquer la gravité
des choses. Mais gosse je ressentais cette
situation et j'étais perturbé au
niveau de mes études en ne manifestant
pas grand intérêt aux devoirs et
aux cours. Je me renfermais
intérieurement sans parler de ma
situation familiale. J'habite à
Foucherans chez ma soeur en suivant les cours de
6ème tant bien que mal, mais quelque
chose se cassait au fond de moi. Je ne me
sentais pas bien intérieurement. Je me
souviens juste de mon maitre un peu
âgé juste et rigoureux qui
s'appelle Monsieur Escoiffier. Grand mangeur de
noix, il récompensait les
élèves brillants en distribuant
ses noix qui étaient entassées au
fond de dizaine de cageots de son
grenier.
Les
événements en
1964:
Cassius Clay
devient champion du monde de boxe.
Anquetil
«gagne encore le tour» et Poulidor
reste deuxième
Les USA
bombardent le Vietnam. Atroce conflit qui
s'enlise depuis
des
années.
Puis Jean
Moulin «entre au Panthéon» en
décembre dans un superbe discours de
André Malraux dit avec cette voix que
l'on n'oubliera jamais.
Martin Luther
King reçoit le prix Nobel de la
paix.
Les chansons
de l'année qui passent:
- A
présent tu peux t'en aller, Richard
Anthony,
- Paris tu
m'as pris dans tes bras, Enrico
Macias,
- The house
of the rising sun des Animals qui devient le
pénitencier par Johnny,
- Donna
Donna, tiens une ballade!
- La
montagne, superbe chanson de Ferrat,
- Vous
permettez Monsieur d'Adamo,
- A hard days
night par les Beatles,
- Mathilde
par Brel etc.
1965
"Année
noire: mort de mon
père"
Je me revois
aller avec ma mère à la clinique
rue Mont Roland ou du Parc de Scey à
Dole. La maladie empirait et la souffrance
était dure. Ma mère a
soigné son mari du mieux qu'elle a pu
avec une grande dignité. Ma soeur
était régulièrement
présente dans ces moments difficiles.
Pendant l'attente je lisais le livre de "deux
orphelins qui font le tour de France". Ce livre
mélangeant histoire, géographie et
morale cm2 de G. Bruno le tour de France
que font ces deux gamins abandonnés
à eux-mêmes me marque fort car
l'histoire est décrite en petites
scènes tristes et émouvantes.
Début juillet ce fut le vide, notre
père disparaît. La dame à la
faux avait fini son acte! Nous ne prononcions
pas beaucoup le mot "cancer" mais notre vie
était bousculée d'un coup. Image
atroce pour ce petit garçon que
j'étais: la dernière vision du
père allongé sur son lit dans
notre maison.
Ces
mots cruels: «embrasse ton papa
pour la dernière fois»
résonnent toujours en moi aujourd'hui. Je
me souviendrai toujours du haut de mes dix ans
passés de cette rage contre tout ou
contre tous. Mais je ne montrais rien, tout
restait à l'intérieur. Alors je me
suis fais la promesse de me battre dans cette
vie future que je trouvais injuste. Je devais
grandir vite
très vite
et en
finir avec cette enfance en devenant rapidement
un homme. Petit je n'aimais pas la violence et
j'évitais toute forme de provocations que
les gosses connaissent à l'école.
J'esquivais sans trop répondre !
Mais à partir de ce jour-là, j'ai
compris que la vie de chaque jour, de chaque
heure serait un combat et une carapace se
formera en durcissant d'années en
années.
Le temps met
du temps pour forger un homme mais plus
les années passeront moins je ne me
laisserai écraser ou
manipuler.
Je pense que
cette disparition m'a donné la force de
me forger ce caractère de battant que je
garderai "toute la vie
toute ma
vie".
Toujours ne
rien devoir et ne jamais baisser les yeux devant
personne.
Ma
mère décida de vendre
l'entreprise, tous les ouvriers furent
reclassés dans des entreprises proches.
Elle voulu déménager de cette
maison où tous nos souvenirs
étaient gravés, c'était son
choix car elle devait finir de m'élever
seule pour démarrer une nouvelle vie en
ne consacrant son temps qu'à son travail
et sa petite maison. Je ne la jugeais pas et je
la suivais sur son nouveau chemin.
Au
deuxième semestre nous partîmes en
Bourgogne près de Dijon, près de
la petite ville d'Is-sur-Tille pour aller vivre
et habiter dans un petit hameau où il y
avait un café, une école, et notre
petit magasin d'épicerie de 25 m2. Dans
notre famille, nous avons toujours
affronté et combattu les embûches
que nous a tendu la vie. Ma mère
gérante d'une petite épicerie
semblait mieux en travaillant beaucoup tout en
s'occupant de moi le mieux possible. Mais ma vie
était triste et j'étais
renfermé sur moi-même, vu que je
n'avais pas beaucoup d'amis pour m'amuser dans
ce village étranger.
Le magasin
était bien achalandé et je
mangeais de petits morceaux de jambon
découpés à la machine ou je
suçais des glaces à l'eau.
Difficile de nous adapter dans cette Bourgogne
rude, l'accueil étant froid et les gens
se refermant sur soi. L'école ne me
passionnait plus, je la subissais. L'hiver
arrivait et il faisait froid dans cet
appartement humide sans toilettes et sans
douche!
Ce manque
total de commodités et de confort
était un frein de plus pour
nous.
Seul le
souvenir de ma communion solennelle en mai 1966
me reste en mémoire. De temps à
autres ma soeur et mes nièces passaient
nous voir le dimanche avec leur voiture, je
crois que c'était une Renault R10
blanche.
Il y avait du
travail pour les gens et des petits boulots
à foison et l'on parlait moins de
chômage.
Les jeudis,
je les passais à livrer à pied aux
gens du village les caisses de boissons diverses
ou des bouteilles de gaz dans une petite
remorque et je ramenais des pièces de
monnaies pour la récupération des
consignes en verre des bouteilles de vin ou
d'eau. Quand c'était fini je devais
remplir les rayons du magasin ou achalander la
cave. Je faisais la navette entre la remise et
le magasin en l'aidant du mieux possible.
Quelquefois j'apportais les journaux chez les
gens du pays en recevant des petites
pièces en échange et le soir nous
découpions ces journaux invendus pour se
les faire créditer.
L'on nous
avait inculqué la valeur de l'argent que
nous manipulions de mains en mains. Chaque fois
que nous donnions ou recevions de l'argent
«des sous» nous touchions les
pièces et plus rarement les billets. Ce
rapport physique était psychologique et
très différent d'aujourd'hui car
la valeur était dans nos mains
C'était complètement
différent d'une carte ou d'un
chèque bancaire.
Comme tout le
monde quand on est jeune, on a des envies ou des
objectifs.
A 12 ans je
pensais au vélo pour m'évader!
J'allais à pied ou avec le vieux
vélo de fille de ma mère qui
était de couleur marron.
J'essayais
d'économiser par mes petits boulots pour
commander un vélo à une boutique
d'Is-sur-Tille.
Les gens se
disaient bonjour ou au revoir avec des
discussions dans les petits magasins, chez
l'épicier le boulanger ou le boucher. Pas
de téléphones portables, pas
d'ordinateurs rien de technique, l'âge de
la pierre en somme. Je bâtissais ma vie
sans père, ma mère me couvant un
peu plus peut-être. Certainement comme le
font toutes les mamans se retrouvant seules avec
leurs enfants. Fin juillet je commande une
bicyclette demi-course couleur bleu roi, le bleu
que j'affectionne particulièrement avec
des pneus très fins que l'on appelait des
boyaux et un guidon en forme de s. Depuis
juillet une place est faite dans la remise
à coté du magasin et chaque jour
j'attends l'arrivée de ce joyau des
vélos. Et puis arrive les grandes
vacances. Sans vélo et sans poste de
radio les vacances d'été
sont dures et les copains sont tous partis
à la mer ou à la
montagne.
Assez patient
mais cela changera par la suite, fin septembre
mon rêve de gosse devient
réalité et avec ce premier
vélo tout neuf qui arrive enfin je
m'évade un peu plus sur ces routes de
Bourgogne serpentées. Mais nous
étions nostalgiques de notre Jura et le
blues pour moi était
régulier.
Cette
année-là des chansons marqueront
l'été et particulièrement
deux titres devenant des énormes
succès:
- Aline de
Christophe,
- Capri c'est
fini de Hervé Vilard.
Le 5
décembre De Gaulle est
réélu président. Mitterrand
est battu.
Il reviendra
tard, 15 ans plus tard.
Quelques
chansons tirées du hit parade:
N°1
Même si tu revenais, suivi de la Nuit
d'Adamo, Satisfaction par les Stones, Aline et
les Marionnettes de Christophe, chez Laurette de
Delpech etc.
Musicalement
les dix années qui arrivent de 1966
à 1976 seront riches et intenses en
France et outre Atlantique notamment avec toutes
les tendances rock, blues, rythme and blues,
soul, hard rock et la musique
progressive.
1966
Notre
première télé en noir et
blanc
Le premier
Teppaz et les disques vinyles 45 tours et 33
tours
J'ai 12 ans
et à cet âge la curiosité
incroyable d'un gamin qui veut tout
savoir.
Pour
éviter de trop nous morfondre au fond de
ce pays Bourguignon austère ma
mère décida d'acheter une
télévision, notre première
télévision en noir et
blanc.
C'est
l'époque de l'ORTF (office public de
radiodiffusion télévision
Française) avec qu'une seule chaine, la
une.
C'était
le paradis car nous n'avions jamais eu
d'appareil comme cela chez nous.
Les seules
rares fois que j'ai vu la TV c'était chez
des voisins à Moissey.
C'était
l'époque des feuilletons
télévisés d'une demi-heure
ou d'une heure.
Les cinq
dernières minutes avec Raymond Souplex,
Maigret avec Jean Richard, Zorro, et une
série les Globe-trotters ou les acteurs
passent de pays en pays avec Yves Renier et
Edward Meeks.
Beaucoup de
variétés aussi étaient
diffusées: télé dimanche,
la piste aux étoiles avec Roger Lanzac,
le palmarès des chansons de Guy
Lux.
Emissions
sympathiques. J'étais aux anges en
regardant la télé le plus possible
mais pas assez à mon gré. Mais
malgré tout cette idée de revenir
dans le Jura nous taraudait de plus en
plus.
En1966 on
écoute beaucoup de succès sur les
radios :
- La
poupée qui fait non, l'amour avec toi,
une chanson censurée de Polnareff
et love me
please love me où Polnareff compose au
piano une plus belle musique.
- Ton nom
d'Adamo, les élucubrations
d'Antoine
- Et moi et
moi et moi de Dutronc avec les playboys
-
Kilimandjaro de Pascal Danel,
-
Céline d'Hugues Aufray
- Black is
black qui devient noir c'est noir repris par
Johnny et une quantité d'autres
succès.
Dole
ville natale de Pasteur
Ville de mon
adolescence
Et puis
l'occasion se présente un jour pour nous,
une société doloise recherche une
vendeuse de commerce en gros. Ma mère
n'hésite pas et prend ce boulot qui lui
plaît et qui nous rapproche de la famille,
de ma soeur et de mes trois
nièces.
Pour ma
mère et moi c'est un autre tournant. Une
nouvelle ville avec une nouvelle vie et l'on se
retrouve dans un petit appartement au premier
étage d'une rue calme, rue Bernard
à Dole en septembre 1966.
Dole est une
superbe ville avec le Doubs qui la traverse au
pied du Pasquier.
Une ville
animée avec ses usines et qui bouge
à ce moment-là.
Jacques
Duhamel le Député-maire proche
d'Edgar Faure travaille pour rajeunir cette
ville car certains quartiers sont très
vétustes.
Dole est une
ville architecturale avec vestiges du temps de
Vauban.
Ville de
naissance de Louis Pasteur, la vieille ville et
les ruelles sont pittoresques. Années
musique et beaucoup de cinés où je
découvre des films policiers, ou des
westerns américains.
Le film La
grande vadrouille sort: un triomphe
national.
J'écoute
de nombreuses émissions de radios
recevant des chanteurs et des groupes sur RTL et
Europe N°1.C'est l'époque des
tourne-disques et des électrophones et ma
soeur écoute Enrico Macias ou Salvatore
Adamo.
Ma passion
pour la musique grandit de jour en jour.
J'écoute
de la variété mais pas trop le
rock n roll qui devient de plus en plus
présent sur les radios avec toutes les
versions originales traduites en
Français.
Les chanteurs
et chanteuses se battent pour avoir
l'exclusivité des hits anglais. Donc Je
choisis sur un catalogue de commander un
tourne-disque Teppaz grande marque
réputée du moment en faisant un
colis épargne achetant les points et les
collant sur un carnet et payant chaque mois un
produit que l'on obtient une fois tout les
points soldés.
C'est long
d'attendre 6 mois ou plus un colis
!
Oui nous
étions patients en ce
temps-là.
Les
chanteurs yéyés
Et les
chansons de variétés
Comme
cité dans les pages
précédentes, la musique fut
présente tout au long de mes jours. Nos
parents écoutaient de l'accordéon
car ils dansaient valses et tangos ou du Tino
Rossi, Trenet ou Piaf, mais ce n'était
pas notre génération.
Les chanteurs
de variétés arrivent dans les
années 60-65.
Bifurcation
fin 1969 avec les années "flowers and
power" et "peace and love".
En 1975
arrive le hard rock suivi du rock
progressif.
Des disques
45 tours des chanteurs et chanteuses les plus
importants sortaient régulièrement
et tous les jeunes se les procuraient chez les
disquaires. Les nouvelles chansons des chanteurs
en vogue sont attendues comme le père
Noël. De nouveaux chanteurs en 64-65 comme
Christophe ou Polnareff, Fugain, Sardou
débutent. Ces gens-là bousculent
les Yéyés car ce sont des
auteurs-compositeurs. J'achète en mai 66
mes premiers 45 tours et quelques 30 cm.
J'écoute particulièrement un
chanteur un peu survolté nommé
Claude François.
En
décembre 1966 j'achète le premier
33 tours "Belles belles belles" avec la pochette
bleue, qu'il avait enregistré trois ans
auparavant en début d'année 63 et
comprenant douze chansons. A part un titre:
"pauvre petite fille riche", tous les autres
morceaux de "belles, belles, belles" à
"si j'avais un marteau" sont des reprises
anglaises ou américaines sur des paroles
de Claude travaillant avec Evelyne Buggy, grande
parolière des années 60-70, qui
composait pour plusieurs artistes: Hugues
Aufray, Les chats sauvages, Johnny ou
d'autres.
Je lisais le
magazine salut les copains et j'avais entendu
quelques chansons de ce nommé Cloclo
à la radio. Attentif il était venu
voir chez elle une petite fille Lisette
très malade et cela m'avais ému.
Avec une énergie débordante je
décide de commencer la collection de ses
disques. J'avais un besoin de me raccrocher
à quelque chose. Dans mon parcours
musical qui débute, j'écoute du
yéyé et je ne renierai jamais
cela. C'est comme çà. Il y avait
les adeptes de Johnny et les autres, chacun
avait le choix. Cette jeunesse n'était
pas stoïque et les chanteurs bougeaient
beaucoup leur corps.
Nous
étions dans une société qui
changeait et nous n'utilisions pas de substances
pour nous éclater donc chacun trouvait
une solution pour passer ses nerfs, pour
certains en sport, pour d'autres en
musique.
Il y a eu une
quantité de musiciens amateurs
doués ou non, des batteurs, des chanteurs
et des guitaristes en surnombre! La musique
était un défoulement.
Je n'aimais
pas le sport à part le handball que je
pratiquais au lycée et le vélo que
je faisais seul ou avec un copain.
Je ne me suis
intéressé qu'aux groupes rock que
vers 1967-68 que j'ai connu grâce aux
"boums" chez des copines. Epoque Beatles, ou les
Pink Floyd que j'aimais bien mais sans plus. Les
groupes anglais marchaient forts dans cette
période qui sera marquante jusqu'en 1975
en France. Je passais et repassais mes 33 tours
et 45 tours tout en augmentant ma
discothèque par troc car je n'avais pas
beaucoup d'argent. Certains de mes copains
achetaient tous les nouveaux disques. Je leur
empruntais pour les recopier en les enregistrant
sur des mini cassette (K7) ce qui évitait
de les acheter. Il y avait un disquaire Dalloz
à Dole qui avait un choix très
important avec toutes les nouveautés et
ou j'ai passé des heures. Je
dépensais beaucoup d'argent dans cela car
ce plaisir était cher et ma mère
râlait beaucoup .Mais pour moi elle
n'avait pas raison.
J'ai toujours
aujourd'hui mes disques et mes livres et j'y
attache beaucoup d'importance! Esprit
conservateur sans doute. Nous achetions tous
"Salut les copains" le mensuel des jeunes et
nous écoutions l'émission de radio
à 16 h sur Europe N°1. Il y avait
aussi la revue rock et folk et des bd
américaine qui furent importantes, j'y
reviendrai. La grande période dite
yéyé était là. Les
bourgeois avaient nommé la
précédente celle des "blousons
noirs" jeunes mal vus des bourgeois
«bcbg».
En fait, une
jeunesse en mal de s'éclater mais pas
méchante. Bien sûr des bagarres
étaient fréquentes et comme
toujours il y a des débordements divers
par des garçons qui sont des têtes
brûlées.
Je n'ai pas
fréquenté trop jeune cette
période dite blousons noirs, mais par
contre j'ai bien connu les yéyés
et celle plus proche de 1968 les années
baba cool. Excellentes années et que des
bons moments.
A la
télé, on regarde un feuilleton en
septembre et octobre qui s'appelle les
compagnons de Jéhu sur fond de batailles
du directoire d'après l'oeuvre
d'Alexandre Dumas avec Claude Giraud, batailles
de capes et d'épées et duels dans
les bois que les scénaristes tournent
souvent en décors naturels.
Et des
petites scénettes ou mini séries:
la séquence du spectateur, les saintes
chéries.
Une
émission culturelle me branche :
cinq colonnes à la une des trois Pierre:
Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes et Pierre
Dumayet assisté d'Igor
Barrère.
Et de
nombreuses autres émissions.
1967
De "Comme
d'habitude" à "âme
câline"
Année
de travail un peu plus soutenue à
l'école avec la préparation au
CEP
(certificat
d'études primaires) car je suis les cours
à l'école Pointelin avec
quelquefois des cours supplémentaires. Ma
mère décide de faire construire
une petite maison pour être plus libre. Il
faudra attendre un an que tout soit
terminé car la location n'est pas
le mieux et dans cette maison elle aura son
petit jardin avec des roses et un potager.
J'aurai à tondre le gazon mais
ça ne me passionne pas du tout de
jardiner. Ma tête pense à tout sauf
à faire des travaux d'extérieur.
Je lis des petites bandes dessinées que
j'achète chaque semaine, Buck John, Kit
Carson. En juillet nous visitons la capitale
Paris en bus pour la première fois. Je
trouve cette ville déjà
survoltée. En octobre 1967
j'achète l'album blanc n°5 Claude
François avec le titre
«j'attendrai » la version
originale anglaise " Reach out ill be there"
tube des Four tops.
Les
événements de l'année
1967
En mars le
Torrey Canyon, un pétrolier, coule au
large des côtes anglaises ce qui entraine
une énorme marée noire en
Bretagne.
En juillet de
Gaulle à Montréal prononce la
phrase " vive le Québec libre
"
En octobre
Che Guevara meurt exécuté en
Bolivie sur ordre de la CIA.
Le 1er
octobre la télévision couleur
débute en France avec la première
et deuxième chaîne. En
décembre sortie de l'album «Comme
d'habitude» chanson qui fera le tour du
monde quelques années plus tard sous le
titre de "my way". Le 3 décembre
première greffe du coeur par le
Professeur Barnard en Afrique du sud. Puis l'on
réalise la greffe en France. Barnard
forme un jeune Docteur qui deviendra le
Professeur Champsaur et qui lui-même
formera à Lyon le Docteur Ninet qui
opèrera notre fille en 1989 à
l'âge de 6 jours. Ce médecin
deviendra lui aussi professeur de
cardiologie.
Le hit parade
ou chart (mot anglais) est le
suivant:
- "A whiter
shade of pale", Procol Harum, superbe slow
à l'orgue Hammond,
- "Inch
Allah" d'Adamo, retrace la guerre
Israélo-Palestinienne.
- "Hey Joe",
chanson de Hendrix un des plus beaux rifs de
guitare du monde,
- "Le pauv'
guitariste" et "ta ta ta ta" de Michel
Polnareff
- "Sergent
Pepper" des Beatles: ce 30 cm sera
considéré comme le must des albums
des Beatles. Je sors un peu en allant à
la MJC de Dole où tous les jeunes se
retrouvent. Je ne rate pas "au
théâtre ce soir" de Pierre Sabbagh
émission qui a débutée en
1966. C'était pépère, mais
bien, ces émissions.
1968
«Année
révolutionnaire»
"Le temps des
boums, les disques, les bandes
dessinées"
J'ai 14 ans
et ce début d'année n'est pas
très agité. Début avril
l'on commence à entendre le ras le bol
des Français.
De Gaulle est
au pouvoir. La politique de l'après
guerre bascule doucement. Les
événements à Paris
débutent en mai et sont importants mais
moins marqués dans les petites villes et
les usines de province Je survole les
événements sans plus car je ne
suis pas encore dans le monde du travail comme
ces ouvriers qui réclament un peu plus de
pouvoir d'achat. C'est le conflit patrons
ouvriers
Il n'y a pas
de grandes bagarres à Dole. Dans la
capitale il y a des centaines de blessés.
A la télé sur la première
chaîne on diffuse toutes les interventions
de Charles De Gaulle et de ses discours
musclés. On déménage vers
septembre et l'on arrive dans notre nouvelle
maison des hauteurs de la Bedugue à
Dole.
En passant
mon certificat d'études j'ai la surprise
de croiser un garçon de mon âge et
homonyme, Denis Simonin habitant Villette, petit
village à 7 km de Dole.
Nous avons le
même nom et nous ne nous connaissons pas.
L'on a juste évoqué cette
similitude en échangeant quelques mots
ensemble à cet examen. Le 18 juin
diplôme en poche (le 18 juin est aussi une
date mémorable de l'appel de De Gaulle
depuis Londres en 1940 pour continuer de se
battre contre l'envahisseur germanique) je
fête ce CEP à mon café
habituel près de l'église Saint
Jean avec compétitions de baby foot et
flipper. Pour Denis et moi, le hasard nous fera
nous retrouver quelques années plus tard
et ces retrouvailles seront importantes dans
notre vie à tous les deux.
(voir passage
le temps des sam).
Nous allons
aux spectacles à la nouvelle salle des
fêtes de la ville place Barberousse voir
les galas de Gilles Dreu, des Compagnons de la
chanson, d'Albert Raisner. Septembre arrive avec
la date de rentrée au collège.
J'avais choisi de me diriger dans la section
mécanique du lycée les Mesnils
Pasteur de Dole, car plusieurs choix
étaient proposés dans trois
sections crées:
électricité, mécanique
industrielle ou menuiserie.
L'électricité ne me plaisait
guère et la menuiserie pas du tout. De
plus deux ou trois de mes bons copains avaient
choisis la section mécanique donc je vais
aller dans cette voie-là
évidemment.
Je passerai
ces trois années au lycée à
apprendre un futur métier de
mécanicien d'usinage qui comprend trois
métiers: tournage; fraisage et
ajustage.
C'est
à ce moment-là, à
l'arrivée au lycée que je commence
à fumer des cigarettes. Des gauloises
bleues avec filtre en balançant mon
argent de poche dans des paquets à dix
Francs.
Mais
l'année d'après j'arrête de
fumer juste par la volonté sans patch ou
autres additifs, pendant plus de vingt
ans.
Travaillant
toujours mes matières
préférées français,
histoire, dessin et les deux technologies:
générale et
spécialité ainsi que la pratique
sur les machines-outils j'apprends un
métier dit valorisé. Mais la chose
principale pour moi est toujours la musique
l'écoute des disques sur le juke-box des
cafés et sur mon nouveau pick-up
(électrophone) Philips flambant neuf.
Nous
échangeons des photos entre copains.
Chacun a un groupe ou un chanteur
préféré. Je collectionne
les bandes dessinées et les disques et
c'est aussi à ce moment là que je
participe aux premières boums chez
Martine qui est la soeur d'un bon copain. Un peu
plus âgée que moi de deux ans elle
est très branchée musiques
anglo-saxonne et c'est elle qui me fait
découvrir tous les disques anglais du
moment l'album des Pink Floyd, "my year is a
day" des Irrésistibles et enfin toute la
pop anglaise. J'écoute toujours les
variétés françaises en
regardant les shows
télévisés qui s'appellent
le palmarès des chansons de Guy Lux ou
numéro 1 des Carpentier.
En 1968 je
suivais la mode comme tous les autres, look
cheveux longs et jeans, achetés à
la Ville de Roubaix, grand rue à Dole.
Pantalons pattes d'éléphant en
jeans ou en tergal, veste et boots en cuir. Look
de fou!
Trois ans de
formation me permirent d'apprendre un
métier pour mon CAP (certificat
d'aptitude professionnelle) et puis mon copain
Thierry Pierre me fait découvrir deux
bandes dessinées américaines: le
fantôme et Mandrake tout en couleur. Ces
petites revues ne coûtaient pas
excessivement cher dans les bureaux de
tabac-presse. Je me procure ces BD chaque
semaine en débutant une collection que je
vais reprendre 35 ans plus tard.
L'événement:
le Pasteur Martin Luther King est
assassiné à Memphis.
On
écoute :
- Rain and
tears des Aphrodites Child l'intro est celle du
Canon de Palchebel
- Hey jude et
Lady Madona des Beatles
- Baby come
back des Equals
- Night in
white satin ce super slow du groupe Moody
Blues
- Cours plus
vite Charlie de Johnny - My year is a day des
Irrésistibles
- Jumpin jack
flash des Stones-
- Il est cinq
heures Paris s'éveille de Dutronc avec un
contrechant de flûte magique
et
d'autres!
1969
Georges
Pompidou élu Président
"On marche
sur la lune"
Nous avons
tous un vélo et d'autres un cyclomoteur
et les tours de la ville de Dole avec mon copain
Clerget ne se comptent plus. Il possède
toute la collection des Saluts les copains
depuis le début et on lit et relit cela
le jeudi.
Il aime les
mêmes chanteurs que moi passant de Cloclo
à Johnny mais cette année
là il découvre Elvis Presley que
notre pote Thierry Pierre adore.
Il a tous les
disques de ce chanteur américain par son
oncle un peu plus âgé.
J'écoute
toujours de la
«variétoche» mais en
prêtant une attention à tous ces
anciens et nouveaux venus en musiques
anglo-américaine.
Je vais de
plus en plus au cinéma qui devient une
passion qui me plaît.
Vers mai ou
juin, j'assiste au concert public en plein air
de Michel Delpech au stade du Pasquier à
Dole. N'ayant pas d'argent je me suis
"faufilé " et malgré une pluie
battante je trouve ce gala pas mal. Delpech
cheveux longs pantalon pattes
d'éléphant blanc et chemise
blanche, chante Wight is Wight, chez Laurette et
tous ses tubes. Je suis très
impressionné par cette ambiance live des
shows avec tous les instruments, les projecteurs
et le reste. Pour gagner un peu d'argent je
travaille comme aide à tout faire au
magasin de commerce en gros pour coller des
étiquettes sur des objets textiles, les
chapeaux et les chaussures. J'ai
travaillé comme apprenti dans une
fabrique de ballons en cuir Pickball et fus
employé à tout faire chez un
entrepreneur local de bâtiment et travaux
public dans le sanitaire et chauffage,
charpente
Plus tard je
vais voir un gala de Sardou en bal monté.
Ce sont ses débuts.
Il chante
bien mais je le trouve froid avec le public! Il
interprète plusieurs chansons dont "les
bals populaires" et "mourir de plaisir" et
l'album «le rire du sergent».Je vois
d'autres groupes dans ces bals de villages:
Variations, Zoo
oui beaucoup de
concerts.
Le 15 juin
1969 Pompidou est élu Président.
Le Gaullisme est en baisse mais la doctrine
Gaulliste est forgée, la France est
à droite.
Et puis
l'homme marche sur la lune grand reportage que
je n'ai pas manqué: c'est magistral et
impensable Neil Amstrong et Buzz Aldrin marchent
sur la lune !
Je suis
resté réveillé une partie
de la nuit pour voir cela. Le monde entier est
devant les télévisions.
Beaucoup de
belles chansons à écouter
:
"Que je
t'aime" d'Halliday énorme tube
N°1chanson osée pour
l'époque!
"Tous les
bateaux tous les oiseaux" de Polnareff,
"Eloise" de
Barry Ryan,
"Wight is
wight" de Delpech
"Obladi
oblada" et "get back" des Beatles
"Daydream des
Wallace Collection
"I want to
live", des Aphrodites Child avec Demis
Roussos
"Laissons
entrer le soleil" extrait de la comédie
musicale Hair avec un nouveau chanteur
Julien Clerc
"Venus" de
Shocking Blue
"Proud Mary"
des Creedence
"Adieu jolie
Candy" le slow de Jean François Mickael
avec intro à l'orgue
Et
l'excellente musique du film "il
était une fois dans l'ouest"
de Ennio
Morricone,
C'est aussi
l'époque des westerns spaguettis
(westerns italien).
Un beau film
passe au cinéma à l'Omnia: les
Grandes gueules de José Giovanni avec
Bourvil et Lino Ventura tourné dans les
Vosges près de Gérardmer en
décors naturels.
Et puis c'est
le début de nouvelles séries
télévisées
américaines en couleur à la
télévision:
- "les
envahisseurs" et "l'homme de fer" dont je
regarde tous les épisodes attendant la
suite en haleine chaque semaine.
1970
Première
mobylette
(La fin des
Beatles)
Belle
année de mes 16 ans car j'organise ma vie
et je fais comme je veux.
Je continue
mon CAP de mécanique qui se fait sur 3
ans. Je reçois une tige en acier sur
l'épaule car le professeur a mal
réglé la machine, c'est la baraka
(chance) qui m'évite d'être
tué. Je travaille au lycée mais je
m'éclate beaucoup avec les copains. J'en
ai toujours un ou deux, selon les années
avec qui je traîne. Et des copines,
quelques flirts (10) mot du moment.
J'allais aux
boums de plus en plus et fit la connaissance de
nouveaux copains et des soeurs des copains. En
mai le groupe Magma chante au tumulus ces
musiciens sont issus d'une formation jazz et je
retrouve par hasard Denis qui assiste à
ce concert. Ce mois de juillet j'ai
trouvé un job et je fais chaque jour le
trajet pour aller travailler chez un boulanger,
Monsieur Petit, un papy sympa qui me montrera
comment se fabrique le pain. J'adorais ces
odeurs au fournil et le travail m'occupait de
quatre heures du matin à midi. Je me
lève à trois heures, et je fais
huit kilomètres à vélo dans
la nuit sur la route de Besançon pour
arriver à Rochefort à 3 h 45 et
être prêt à bosser
jusqu'à midi. C'est un travail fatiguant
dans la chaleur du fournil mais ça me
plaît. J'apprends à couler l'eau du
pétrin à la bonne
température pour ne pas détruire
le pain, à peser et mettre la pâte
dans la façonneuse. Je farine et coupe le
dessus des baguettes. J'en garde un bon souvenir
surtout à la remise de l'enveloppe avec
quelques billets en Francs. Le transistor est
branché en permanence sur (RTL ou Europe
N°1). Les mêmes chansons passent et
repassent sans arrêt. A midi je rentre
à Dole en pédalant de nouveau huit
kilomètres.
En septembre
je veux arrêter l'école et aller
travailler mais ma mère insiste pour que
je continue mes études de
mécanique. Que serait devenue ma
vie si j'avais suivi la boulangerie?
Forcément différente, mais le
destin en a décidé autrement. J'ai
regretté de n'avoir pas continué
en direction d'un métier
manuel.
(10) "Pour un
flirt" chanson de Michel Delpech
Cette
idée-là a couru très
longtemps dans ma tête, envisageant
à plusieurs reprises de créer un
commerce. Le goût pour le vélo
s'estompait et un autre rêve me tenait en
haleine: les mobylettes qui étaient
très à la mode.
Les fameuses
bleues, (encore le bleu) nous faisaient
rêver les copains et moi. Ma mère
me dit d'aller travailler pendant les vacances
car je la bassinais pour avoir une mob trop
chère. Tant pis j'économiserai. Je
travaillais comme aide à tout faire au
magasin pour coller des étiquettes sur
des objets textiles, les chapeaux et les
chaussures. Arrive la première mobylette
avec de nouvelles aventures. Comparé
à une bicyclette ce moyen de locomotion
permet de faire de plus longs trajets dans un
meilleur confort. Que de kilomètres
parcourus sur ces routes jurassiennes cheveux au
vent sans casque pas encore obligatoire!
Sensations de liberté et de pouvoir aller
quand on veut où l'on veut; que de bons
souvenirs. En septembre je commence ma
troisième année CAP qui est
importante dans le domaine que j'ai
choisi.
Les
événements de 1970
- coup de
tonnerre sur le monde: les Beatles se
séparent!
Les quatre
garçons dans le vent groupe mondial
mythique s'en vont chacun de leur
côté après une route de dix
années très constructives.
Créé par Paul et John le groupe
laisse en héritage douze albums et
près de 200 chansons.
Quoi que l'on
pense ou que l'on dise les fab-four laisseront
une trace dans l'histoire musicale et des
chansons qui sont pour la plupart des chefs
d'oeuvres musicaux repris par tous les artistes
autour du monde et par des orchestres
symphoniques pour certaines de leurs chansons.
Jamais un groupe ne s'est autant
diversifié. C'est mon point de vue chaque
chanson était complètement
différente de la
précédente. Les albums Sergent
Pepper et Abbey Road sont
considérés les meilleurs mais je
préfère Abbey Road.
En mai 1970
sort l'ultime et dernier album Let it Be des
quatre de Liverpool.
Les Creedence
sortent leur cinquième album Cosmos
factory considéré par les
connaisseurs comme le meilleur des neuf
albums.
Quelques
chansons du hit parade de l'année
:
Johnny: "Ceux
que l'amour a blessés", ""on me
recherche" et "Jésus Christ",
Polnareff :
"Dans la maison vide" et "Gloria".
1971
Corse et
Palavas les flots
«Concerts
publics aux arènes de Claude et
Johnny»
Ce
début d'année passe très
vite. CAP en juin. Et dès le 20 juillet
un nouveau travail m'attend dans une petite
société de mécanique pour
un job de tourneur. Pour 10 jours seulement car
en juillet départ en vacances en Corse
avec le groupe Aéroven de Besançon
pour une découverte de Corse, pays
superbe. Nous arrivons à Marseille. Etant
le plus âgé du groupe l'on me
demande de donner un petit coup de main et de
veiller toute la nuit sur le bateau qui nous
emmène à Calvi. Il y a beaucoup de
filles de 15-16 ans dans notre groupe et les
quelques monos sont débordés. Il
faut sans cesse garder l'oeil sur nos copines
car ce bateau ramène une quantité
de légionnaires à Calvi. Pas que
des belles gueules et pas des tendres ces
gars-là qui se font les ongles avec des
poignards effilés qu'ils sortent de leurs
treillis. Nous on ne parade pas mais tout se
passe bien sur le bateau où nous passons
la traversée de nuit sur le pont du
rafiot sur des chaises longues que nous avons
louées. L'on passe 3 semaines à
l'Île rousse entre mer et
montagne.
Nous faisons
l'ascension du Monte-Cinto connu pour son GR 20
à 2710 m d'altitude à grimper
entre les cascades sur des pierres roulantes,
enfin assez dur si l'on n'est pas très
sportif. Et puis des excursions avec nos sacs
à dos et tout le reste et des
journées au bord de la mer avec ce sable
blanc fin et divin.
L'on revient
à Nice en 3 heures par le Comté de
Nice un beau bateau.
Les filles
sont sympas et cool et tout est pour le mieux
dans le meilleur des mondes. En août, je
prends le train à Dole pour Marseillan
avec un copain Gérard pour deux semaines
de vacances à Marseillan Plage avec tout
le matériel tentes, gamelles. Arrêt
à Montpellier ou l'on fait des
photos.
Polnareff
sort "Nos mots d'amour" et l'excellente
chanson "Qui a tué grand Maman" en
hommage à Lucien Morisse patron d'Europe
N°1.
Joel Dayde
qui fait aussi partie du groupe Zoo chante "Mamy
blue"
"Viens avec
nous" du groupe Triangle (anciens musiciens des
artistes en vogue)
"Wild world"
de Cat Stevens
"The fool"
premier succès de Gilbert
Montagné
Et Joe cocker
"Cry me a river" et "Hight time we went" sont
deux 45 tours que je me procure de suite.
Déjà, quelques copains fument de
l'herbe qu'ils appellent drogues douces mais je
ne les suis pas.
Apparté
Sex drug and
rock n roll
Je n'ai
jamais voulu rentrer dans ces daubes. Je pense
qu'un homme doit savoir et pouvoir gérer
sa vie et en décider comme il veut sans
utiliser de produits stupéfiants ou
dérivés divers. Tout cela n'est
qu'une question de volonté et
d'intelligence et la force et l'esprit du corps.
Fuir devant la vie, ne rien vouloir affronter
est sûrement une faiblesse! Les «psy,
médecins de l'âme»
n'existaient pas. Je conçois que certains
individus aient besoin d'avoir recours à
ces gens-là. Personnellement, jamais je
ne pourrais m'asseoir sur un divan pour parler
pendant des heures de choses qui ne les regarde
pas. Je pense que pour guérir une
tête c'est impossible. La thérapie
d'un cerveau doit se faire par sa propre
volonté, sa propre force. Mais je
comprends et respecte les gens qui ressentent le
besoin de consulter une tierce personne, puisque
ma philosophie est de dire chacun fait comme il
veut. Pour revenir aux drogues pourquoi essayer
des paradis artificiels si on est bien dans sa
tête
pas besoin! Mais à cette
question posée les gens concernés
répondent qu'il faut essayer, tout
essayer! Je mourrai idiot, c'est sûr! En
1970 drogues douces ou dures étaient
à portée de main, je n'y ai pas
touché. Des millions d'hommes ou de
femmes hier et d'aujourd'hui se refugient dans
cela. Ce sont leurs problèmes. Certaines
gens ne veulent pas ou ne peuvent pas
régler leurs vies par eux-mêmes
sans additifs extérieurs. Quel manque de
volonté ! Il y a tant d'autres
choses à voir et à faire pendant
une vie sur terre. Nous avions aussi nos
déboires que l'on réglait
différemment, par le sport ou la musique,
il n'y avait rien
pas d'autres solutions.
Sommes-nous ringards d'avoir vécu comme
ça et de dire que ce qu'il se passe
actuellement est fou ou débile ?
Posons les bonnes questions et regardons
en face toutes les choses actuelles. Le monde
est un enfer télécommandé
par des machines. Qu'y a-t-il de bien
aujourd'hui ? Que des gamins finissent
étranglés au jeu du foulard
au lycée? De boire un litre d'alcool
à 45 degrés avant d'entrer en
boîte pour finir bourré sur un
trottoir ou tué à 20 ans sur la
route?
D'écouter
du bruit en se dodinelant tout seul dans la boue
devant des amplis qui diffusent sur des
enceintes des centaines de milliers de
décibels ? (11)
Est-ce que
vivre comme ça est merveilleux ?
Non basta! Il
n'y a plus grand chose
(11) chanson
de Denis et Pierre du bruit en tête
Parfois nos
enfants disent «vos années furent
les plus jolies». Oui
sûrement.
Nous devons
essayer de comprendre ces jeunes. Mais
comprendre quoi ?
Est ce que le
20ème siècle était pire que
le 21ème ? Et comment sera le
vingt-deuxième ? Tout le monde peut
manger aujourd'hui même sans ressources
car l'assistanat est devenu monnaie courante et
des associations pleuvent à chaque coin
de rue.
Etre ou ne
pas être disait Shakespeare ? Danser
tout seul, manger seul, faire la fête
seul, faire l'amour seul ? Est ce cela
vivre ?
Nos enfants
ont des centaines d'amis dans leurs
téléphones (12) mais en fait
ont-ils un seul ami ? Tout cela n'est que
du virtuel.
C'est
complètement démentiel de raconter
sa vie intime ou de montrer tout de soi sur
internet à des inconnus qui exploitent ce
filon. Le web est une grande avancée,
tout peut être trouvé mais il faut
exploiter la toile rationnellement. Les jeunes
ne nous comprennent pas et inversement. La vie
est mal faite car simplement chacun voit les
choses différemment.
Regarder et
voir ces garçons et ces filles mourir
dans leur tête «tout
seuls» pour la daube est affligeant. Nous
ne désirons qu'informer pour
protéger, mettre en garde en disant que
la vie n'est pas faite pour se
détruire.
Mais
l'écoute de nos jeunes est impossible,
ils ne nous entendent pas
Si penser
comme cela est ringard alors oui je suis ringard
et nous sommes sûrement beaucoup de
parents ringards dans ce
cas-là.
En pensant
aux risques que prennent nos enfants ou nos
petits enfants, nous sommes simplement des
parents, juste des parents.
(12).
chanson de Denis et Pierre: un ami dans
tes amis
1972
La plus belle
année, celle de mes 18
ans
J'ai 18 ans
en janvier et je pense que c'est le plus bel
âge de la vie.
Malgré
la majorité encore à 21 ans, cela
ne me dérange pas du tout car j'ai pris
ma vie en mains depuis plusieurs années
en décidant de chaque jour, et de chaque
heure, permis de conduire, musiques, sorties,
copines, tout va bien. Le groupe musical que
j'écoute est le Creedence Clearwater
Revival ce qui signifie: foi, eau claire,
revisité. J'achète quelques
disques de ces quatre américains
issus du sud ouest des USA. Ma passion musicale
amorce un changement avec ce groupe qui revisite
les rocks et country US. Le leader John Fogerty
écrit ses plus belles créations
Proud Mary, Wholl stop the rain, Lodi de grands
succès. Je bascule vers d'autres
découvertes dans le domaine musical avec
une autre vision qui m'emporte dans des musiques
moins commerciales et différentes de ce
que j'écoutais avant.
En
mars-avril, je traîne beaucoup avec Alain
un copain qui travaille avec moi.
Nous sommes
tous deux mécaniciens-tourneurs sur
métaux. Enfin je débute dans une
petite société de mécanique
doloise. Mes premières pièces
à tourner sont des pales en acier, pour
les bateaux, assez impressionnantes, sur un gros
tour parallèle assez âgé.
Alain a un an de plus que moi et il a son permis
de conduire avec l'avantage de posséder
une R8 major Renault, jantes larges, petit
volant, cette auto a la cote en 1972. Chaque
jeudi nous allons à Besançon
à la grande surface Mammouth pour draguer
des filles et chercher des disques nouveaux.
Travaillant d'équipe c'est-à-dire,
une semaine de matin ou une semaine
d'après midi, nous avons une semaine sur
deux nos après-midis de libres. Cette
situation durera de mai à
décembre. Vers janvier je passe mes
premières leçons de conduite
automobile à l'auto école Thielley
rue Wilson à Dole. J'ai choisi une
voiture pas trop pop: une Ami 8 Citroën
break couleur marron clair avec une
particularité: les vitesses sont au
tableau de bord.
Notre
préoccupations du moment? Les filles! On
passe l'été à Parcey au
bord de la Loue avec les copains en mangeant des
frites et des sandwichs chez «le
cowboy le patron du café, je ne
sais même pas son vrai nom». Nous
écoutons sur le juke-box Polnareff qui
chante Holidays et on ira tous au paradis, ou
Christophe avec le tube: Oh mon amour! Et puis
il y a les bals locaux toutes les semaines avec
chaque samedi soir et le dimanche après
midi des groupes qui se produisent. Mon salaire
passe en partie à la petite pension
versée à ma mère, le reste
brûle en fringues et en essence, disques,
cinés, boums!
Les
orchestres de bals «
montés »
Des Talismans
à Michel Balland
Comme dit
précédemment je suivais de temps
à autre en fonction de la voiture des
copains depuis plusieurs années un
orchestre de Dijon qui s'appelait «Les
Talismans». Formation de huit musiciens de
haut niveau, dont certains viennent du
conservatoire. Ils jouaient les «tubes en
vogue Français et étrangers»
avec quelques prédilections pour le
groupe Chicago Transit Authority, mais leur
répertoire était un programme de
bal avec la variété
Française du moment «mis à la
sauce pour les danseurs c'est-à-dire avec
des tempos soutenus pour les rocks et plus lents
pour les slows ». C'était la
loi des séries 5 rocks-5
slows.
Chansons de
variétés de Gérard
Lenorman, Martin-Circus, Triangle, Gilbert
Montagné Fugain et j'en passe. Le
chanteur maîtrisait très bien
l'anglais et le groupe comportait des cuivres,
orgue Hammond, guitare Gibson, Basse Fender et
les très bons amplis à lampe du
moment Ampeg ou Marschall. L'été
ils allaient sur la Côte d'Azur jouer dans
les casinos ou donner des concerts publics. Cet
orchestre était considéré
comme des professionnels. Je connaissais tous
les musiciens que j'ai enregistrés en
live à la Pentecôte de Dole avec
mon magnéto Philips, un gros poste
très lourd. A force de les suivre en
tournées j'étais connu et je
faisais des photos au polaroid. Les filles se
chamaillaient pour avoir ces photos surtout
celles du chanteur beau gosse.
Bizarre! Je
n'en ai gardé aucune
des
photos bien sûr!
Michel
Balland and co
J'ai vu
chanter Balland à Chaussin ou aux Hays et
je vais voir de plus en plus
régulièrement ce groupe qui passe
dans les bals locaux proches de chez moi.
Formation bien huilée, le guitariste
Paulo un grand sec, assure sur sa Gibson SG
suivi des autres musiciens et Michel fait le
show avec les reprises des morceaux du moment
quatre heures durant avec sa voix inimitable
grave-médium. Presque tous mes samedis
soir et quelquefois le dimanche, je me rends
dans les bals de la région Doloise ou en
Bresse pour écouter ce groupe.
J'étais
conquis par ce répertoire fort en couleur
et aussi par la musique des ces cinq musiciens.
J'allais régulièrement à
Besançon chercher des disques dans le
magasin de Michel à la galerie marchande
et mon seul regret est de n'avoir pas pu
conserver de traces audio des bals de ces
moments-là.
Michel est
également auteur-compositeur il sort son
premier 45 tours comportant deux chansons
«dites à textes»: "et moi je
l'aime" et "les raisons de vivre". Un album
très bien réalisé
intitulé «la dérive»
suivra comportant 10 titres signés
Balland.
Note
Ecrire
et composer est un art. Je porte une
admiration pour les auteurs ou les
compositeurs pouvant se permettre de poser
des notes sur une portée avec des
paroles en rimes, en vers ou en prose pour
écrire et inventer une histoire
sensée
Il
existe dans ce monde des milliers d'anonymes
qui ont du talent dans chaque domaine des
arts mais qui resteront des inconnus par
malchance.
Tout le
monde ne peut pas être artiste mais
certaines personnes que j'ai
rencontrées au cours de ma vie
mériteraient d'être connus ou
reconnus dans leurs arts
respectifs.
Autrefois
il existait des découvreurs de talents
qui aimaient l'art avant l'argent. Les
Jacques Canetti ou Eddy Barclay, Lucien
Morisse et d'autres ont disparu. Un grand
merci pour les grands noms que ces
gens-là ont découverts et fait
connaître.
Aujourd'hui
money is money ! L'art on s'en fiche; c'est
triste !
L'argent
a tout tué
Cette
année-là est une riche explosion
dans le monde dans le domaine des disques:
100 tubes !
What I am to
be du groupe Zoo
Harry
Nilsson: Without you, superbe
mélodie
Polnareff
écrit Holidays
Mort Schuman:
Le lac majeur
Gerard
Lenorman chante Les matins d'hiver et De toi
Led Zeppelin:
Black dog
Johnny
interprète: comme si je devais mourir
demain
Au printemps,
mon copain Alain m'annonce que son frère
joue dans un petit groupe de musique pop qui
démarre.
Il
m'emmène un samedi après midi voir
une répétition
L'époque
des Sam débute à ce
moment-là.
1973
300 chansons
Passionné
de la langue française et de ses
subtilités, j'essaie de débuter en
écrivant quelques textes. J'avais
commencé à écrire il y a un
an ou deux en notant quelques mots sur des
papiers. Je veux écrire des textes oui
c'est sûr, surtout des mots qui racontent
quelque chose de la vie, le monde, l'amour, la
joie, la peine mais surtout faire des paroles en
rimes sur des musiques qui collent à
cela. Pas facile! Il faut un sujet et le
travailler. Alors quelques chagrins d'amour ou
des séparations m'aident. Et ça me
calme de poser des mots et des phrases. La
musique adoucit les moeurs dit-on ? C'est
elle qui fut sûrement ma psy. Denis ayant
aussi cette passion musicale a
déjà écrit quelques
chansons complètes. L'idée
d'écrire ensemble se concrétise,
l'on en parle et l'on démarre ce
binôme en faisant chacun un job qui
débutera vraiment cette
année-là. Il composera des
musiques sur mes paroles principalement et nous
sommes tous les deux sur la même longueur
d'onde. Les premiers se ressemblent tous: drames
d'amour et d'autres moins tristes. Il y a
quelques corrections mais la trame est
faite.
Eternel
insatisfait, je corrige sans cesse un mot une
phrase, une rime. Pour ne pas oublier les
mélodies qui ne sont pas encore sur
portées, l'on note tout en enregistrant
systématiquement toutes les musiques sur
mes différents magnétos à
cassettes Philips ou Grundig.
Les premiers
essais dont difficiles et les montages des
chansons aussi du fait de notre manque de savoir
dans ce domaine. J'apprendrai de texte en texte
et de musique en musique comment bâtir
cela. Notamment en lisant un grand auteur,
Pierre Delanoé, auteur de 3000 textes et
des livres faits par des musiciens
célèbres. Il faut de la rigueur
dans les rimes ou les pieds d'un morceau, je
corrige toujours et encore, un mot ou un accord.
J'apprends. Pour ces débuts, nous mettons
le pied à l'étrier écrivant
toujours ensemble, fidèles à nos
idées. Pour faire des chansons il y a des
astuces mais la vraie alchimie c'est de trouver
la bonne inspiration.
Voici
ci-dessous la méthode que nous
choisirons :
1)
J'écris les paroles du texte
complet,
2) Denis
écrit la musique sur ce texte et sur
portées quelquefois,
- Nous
procéderons comme cela pour la plupart de
nos 300 chansons.
J'ai fait
quelques musiques sur des paroles de Denis mais
c'est plus rare.
On finalise
comme des alchimistes de façon à
ce que le nombre de pieds soient respecté
et il m'est arrivé de changer un mot ou
une phrase 4 ou 5 fois ou plus. Pour ce qui est
de mes propres compositions paroles et musiques,
la plus grande partie a été faite
en écrivant le texte et la musique en
même temps.
L'idée
de base existe toujours dans ma tête.
Comme un peintre, je m'inspire de ce que
j'entends ou de ce que je vois autour de moi,
rien de plus.
Comme font
certainement tous les auteurs ou compositeurs,
certaines de mes chansons seront écrites
d'un trait, l'histoire sortant du stylo, mais
d'autres ont été faites par
paliers.
Mon premier
texte mis en musique par Denis s'appelle
«la séparation» fait en janvier
1973 avec musique en avril. Peine de coeur, ce
texte relate mon départ au service
militaire et une rupture avec une fille en
novembre 72.
Nous ne nous
prenions pas la tête avec ces petites
chansons qui pour certaines auraient pu
être tout à fait
présentables bien arrangées avec
des instruments.
Quelques
morceaux que nous avons écrits passaient
bien comparativement à certains morceaux
de ce moment-là. Notre violon d'Ingres
était né. (13)
Nous serons
les Souchon-Voulzy de l'Est (rires).
Cette
collaboration dure encore aujourd'hui et ils
nous arrive de jouer quelques premières
chansons.
Et la
troisième chaîne couleur arrive au
soir du 31 décembre 73.
Les disques
de cette année sortent par dizaine chaque
semaine
Là
encore 100 tubes dont voici quelques
titres :
"La maladie
d'amour" de Sardou
"Angie" des
Rolling Stones
"Money" Pink
Floyd
"Can the can"
Suzie Quatro
"Belle": slow
doux de Christophe
"I love you
because" de Polnareff
Denis m'a
fait découvrir Michel Polnareff qui est
un musicien qui à fait le conservatoire
et qui est un très bon pianiste. Ses
chansons les moins connues, mes regrets ou jour
après jours et beaucoup d'autres sont
presque les plus belles
harmoniquement.
On
écoute ce qui est considéré
par tout le monde son meilleur album
Polnareff's
enregistré à Londres avec des
musiciens d'orchestre symphonique.
Sur cet album
figure une chanson très peu connue
appelée "l'homme qui pleurait des larmes
de verre" c'est la plus belle de ses
chansons.
(13) Document
Radio plastic vallée de 1990
L'armée
«ce service» militaire!
(décembre
1972 décembre 1973)
(Ou comment
passer douze mois en restant enfermé dans
une caserne)
Dans les
années soixante-dix beaucoup de
garçons de 18-20 ans se disaient
antimilitaristes. Les appelés qui avaient
passé 18 mois d'incorporation rentraient
avec dégoût de cette armée
qui leur avait pris ce temps civil.
La guerre du
Vietnam avec ses atrocités faisait rage
depuis de longues années et ce
dédain était entretenu par des
groupes antimilitaristes dits pacifiques qui
s'étaient formés. Des groupes
célèbres, des chanteuses ou
chanteurs américains de folk Song comme
Joan Baez, ou le plus virulent Bob Dylan
entretiennent avec la protest song cette hargne
contre l'armée.
En France
quelques uns écrivent des chansons comme
Christophe : cette vie là () relatant ses
mois passés au service militaire, Johnny
chante une mélodie non violente retiens
la nuit. Nous ne savions pas de quoi
était faite cette vie de caserne et le
service militaire était un passage
obligatoire. De nombreux futurs soldats devant
quitter leurs familles à 20 ans avaient
principalement cette réaction
négative. Je suis parti pour faire mes
douze mois le 30 novembre 1972 prenant le train
de Dole direction Verdun dans la Meuse. J'arrive
au 54ème régiment d'artillerie
où pendant deux mois je fais mes classes
en B11 où je subi les corvées
comme tous les copains. Pendant deux mois pas de
permissions de sorties; je trouvais le temps
long en côtoyant toutes les couches
sociales et en croisant toutes sortes de
personnes dans cette caserne. De suite un petit
noyau de 4 bons copains se forme parmi 20
appelés de la chambrée. En
février, après avoir passé
les permis poids lourds, moto et
véhicules à chenilles, on me
dirige comme chauffeur de jeep du capitaine de
la batterie B2 pendant les dix mois
restants.
Bonne
planque que j'ai eu par hasard n'ayant
rien demandé et une place
intéressante pour le deuxième
classe que j'étais car ça
m'évitait marches et corvées. (Ce
ne fut pas forcément la même chose
pour tous mes copains).
J'ai donc
évité un maximum de contraintes et
tout ce que je pouvais. Effectivement au contact
de différents individus j'ai
rencontrés des gens très bien mais
aussi de parfaits fadas, des durs et des mous,
des forts et des faibles, des intelligents et
des dégénérés, des
objecteurs de conscience (truc à la
mode), enfin de tout.
Nous
étions deux chauffeurs pour assurer un
roulement pour véhiculer notre capitaine
en nous relayant pour partir en permission
chacun notre tour.
J'avais
besoin de revoir les copains et comme j'avais la
voiture depuis quelques temps j'envisageais de
repartir à 200 km de la caserne dans mon
Jura nostalgique.
Malgré
le club musique où je gratouillais
quelques morceaux sur une guitare
électrique, je trouvais les permes trop
rares et je me morfondais de ne pas voir les
amis durant des semaines. Quelquefois je
grattais malhabile sur une guitare sèche
d'un copain des chansons pour la chambrée
que reprenait les appelés.
Le
pénitencier de Johnny ou des chansons de
Le Forestier comme Parachutiste, très
engagée, ou d'autres comme «le
Galérien» ou le déserteur, de
Boris Vian, pas du tout apprécié
des (crocs) les gradés.
Texte
majestueux cette chanson reprise par les
Compagnons, Reggiani, Montand et d'autres, fut
écrite en 1942 pour les paroles par
Maurice Druon (futur académicien) et par
Léo Pol le père d'un certain
Michel Polnareff pour la musique.
Dans cette
caserne j'arrive avec le grade de 2ème
classe. Eh bien je sortirai 2ème
classe et ce sera bien ainsi. Après
les classes, j'ai refusé de faire les
élèves gradés (EG) pour
avoir un mini grade de caporal ou caporal-chef
et pour éviter d'emm
mes copains
car souvent ces petits caporaux s'y croyaient!
Les adjudants choisissaient à notre
arrivée les futurs élèves
gradés du contingent et prenaient les
plus mauvais pour former les
sous-officiers.
Je me
décide de partir en faisant le mur un
samedi. A 20 ans pour un garçon, les
filles manquent loin de chez soi et j'avais une
petite copine à Besançon. Tout
était dit "organisé" en cas de
contre-appel c'est-à-dire qu'en pleine
nuit si un officier de garde vient compter les
consignés, ils doivent tous être
présents. Bref organisation bidon qui ne
marchait jamais et nous le savions. Nous
étions environ 20 par chambre et au moins
10 soldats manquaient à l'appel. Parti
avec ma voiture en rentrant à la caserne
dans la nuit du dimanche au lundi j'appris de
suite qu'il y avait eu un contre appel.
Nous
fûmes convoqués tous en tenue de
ville chez le capitaine de batterie le lundi.
Même si je le conduisais,
j'écoperai du même nombre de jours
que mes copains pour qu'il n'y ait pas de
favoritisme. Je crois que presque chaque fois
que l'on a fait le mur l'on s'est fait prendre,
et je reste persuadé que quelques petits
copains jaloux caftaient au responsable de
chambre, un appelé comme nous
caporal-chef frustré qui n'était
pas de ma classe et qui était un
enfoiré de première.
Ce parfait
imbécile a frôlé plusieurs
fois que je l'empoigne, mais je voulais
éviter les arrêts de rigueurs qui
repousseraient la date de sortie finale de cette
caserne. Il existe sur cette terre des
«vrais traîtres» que nous
croisons chaque jour sans le savoir. Je n'ai
jamais accepté la délation ou les
lèche-bottes.
Le capitaine
avait besoin de ses chauffeurs et mon
binôme faisait régulièrement
le mur pour aller voir sa copine en ville et
notre officier avait des difficultés pour
avoir ses deux conducteurs à sa
disposition car quelquefois nous étions
tous les deux consignés. Nos
journées se passaient en batterie
normalement, et le soir après dix-huit
heures nous rejoignions les arrêts simples
avec une couverture sans ceinture et sans
lacets.
Nos
soirées s'organisaient entre quatre et
cinq copains, à préparer et
à manger des victuailles tard le soir
à la bougie car la cuisine de la cantine
pour les appelés n'était pas bonne
et pas copieuse et à vingt ans la faim
tenaille.
L'on ramenait
chacun de nos régions en revenant de
permission diverses nourritures. Au
supermarché nous achetions des
boîtes de corned-beef (du boeuf)
appelées singe et du thon ou autres
conserves dévorées autour de la
table de la chambrée. Nous allions les
après-midis ou le soir au foyer de la
caserne et nous consommions bières ou
cafés.
De permanence
avec une jeep une fois par mois derrière
le poste de garde à l'entrée de la
caserne, j'avais une chambre seul pendant une
semaine avec l'accès aux cuisines et mon
rôle était d'emmener les deux
gradés en courses en ville ou ailleurs
mais la majorité du temps à ne
rien faire, glander, lire, jouer ou
écouter de la musique.
L'adjudant et
le sergent chef se trouvait de l'autre
coté dans le poste de garde. J'amenais
leurs repas en profitant d'aller aux cuisines
pour voir un appelé de ma classe
cuisinier.
Nous coupions
nous-mêmes dans les demi-quartiers entiers
de boeuf quatre ou cinq steaks énormes
d'un kilo que je cuisais avec des petites
échalotes sur un réchaud camping
gaz bleu dans ma chambre de garde en invitant
deux ou trois bidasses proches pour partager ce
repas non frugal. Rien à voir avec les
steaks des appelés de la cantine. Cette
viande-là de parfaite qualité
était tendre et réservée au
mess des officiers
et pour nous.
C'était divin ces repas avec un bon vin
rouge. Et puis les gardes de nuit d'octobre
à décembre 1973
commencèrent au Fort des Roseliers
près de Bar-le-Duc. Celles-ci, pas
question de les éviter. Seul au milieu
des bois par étape de deux heures en
novembre à se les geler par moins 10 ou
20°.
1973
Rupture
Apparté
Une
chanson
Une chanson
doit accrocher à la deuxième ou
troisième écoute pour rester dans
les mémoires. Cela s'appelle un tube, mot
barbare commercial employé par les hits
parade et les faiseurs de tubes de
l'époque.
Mais un tube
ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval et
les découvreurs se trompaient souvent.
Espérant le tube sur la face A du disque,
il se trouvait sur la face B.
Michel Sardou
chante la maladie d'amour. Dès que
j'entends ce titre je sais que ça va
cartonner, car bien écrite avec une jolie
ligne harmonique, cet air populaire se retient
de suite et je déchiffre les accords
à l'oreille juste en écoutant le
disque.
Johnny, Mike
Brant, Dassin sortent des tubes
récurrents.
Les Rolling
Stones sont impressionnants.
Angie morceau
lent est diffèrent et change du
répertoire rock n roll des Stones, c'est
doux, c'est musical et les filles adorent!
J'achète le 45 tours.
Cette chanson
est superbe avec la sonorité de la
guitare acoustique Gibson
Hummingbird.
J'apprends ce
titre en la mineur que je passe à tout va
en voiture et partout. Mais j'écoute de
plus en plus le groupe Creedence Clearwater
Revival dit CCR. Ces quatre musiciens du
sud-ouest des US John et Tom Fogerty, Doug
Clifford et Stu Cook jouent du rock n roll, du
country, du cajun, avec leur style farmer. Cette
sonorité et ce style me branchent
beaucoup et surtout le leader auteur compositeur
John Fogerty qui écrira au sommet de sa
gloire huit albums.
Le
neuvième et dernier Mardi gras est le
moins bon, étant un mélange des
trois Creedence restants et Tom Fogerty ayant
quitté le groupe.
Cela me
servira quelques années plus tard pour
faires des reprises avec mon groupe mais j'y
reviendrai dans le prochain volume.
A Belfort, je
travaille environ 45 à 48 heures selon
les semaines en équipe de matin ou
d'après midi. Je fraise les rings qui
sont des anneaux qui ferment la partie du rotor
ou l'on engage les ailettes qui ont une forme de
queue d'aronde et qui sont fermées par
des goupilles matées. Bien entendu
dès le vendredi soir ou plutôt
l'après midi du samedi une semaine sur
deux je rentre à Dole où je
retrouve tout le monde. 300 à 400 km
chaque week-end du fait des sorties qui
augmentent les kilomètres.
J'emmène Denis quelquefois voir le groupe
de Michel Balland (voir plus haut) un chanteur
local à Bellevesvre, Chaussin ou aux
environs de Dole. C'est la période des
rocks et des slows langoureux.
Denis et moi
écrivons morceau sur morceau et l'on
commence à composer des chansons
individuellement. 1974 est l'année
où l'on écrira le plus de chansons
ensemble, soit 31 titres contre seulement 23
en1975.
Effectivement
notre collaboration est accrue et j'essaie
d'écrire des musiques mais mon trip reste
les textes et mes nouvelles chansons sont
écrites sur des feuilles bien proprement
avec les accords. Sans écrire les
partitions il faut arranger les textes en
fonctions des musiques. Nos copines respectives
passent beaucoup de temps avec nous et nous
sortons moins le soir!
Le 8 mai 74
on décide de partir à Paris au
studio Europa Sonor avenue de Wagram pour faire
une maquette d'un titre qui s'appelle
"rêve d'enfant" écrit par Denis. Un
camarade d'armée nous hébergera
à Montreuil.
L'on est peu
fortuné avec quelques sous en
poche.
Nous partons
avec ma petite Fiat de l'époque,
complètement insouciant sans emporter
d'instrument. Denis enregistrera à Paris
le jeudi 9 mai 1974 la chanson «rêves
d'enfant» au studio avec une guitare aux
cordes de nylon que l'on louera dans un magasin
de brocante en laissant nos cartes
d'identité en caution! Car bien
sùr on est partis comme des citadins!
Deux mois plus tard on recevra un disque d'une
face ou plus exactement la maquette de la
chanson.
Cette
maquette souple 45 tours s'efface quand on
l'essuie c'est fou.
Le 27 mai
1974, Giscard d'Estaing est le 20ème
Président élu de la
République pour sept ans. A 38 ans c'est
le plus jeune président de la
cinquième république.
En juillet je
réserve un petit logement meublé
rue Hoche à Belfort, une cuisine, une
chambre et des toilettes en prévision
pour ma future qui viendra bientôt me
rejoindre.
Pourtant il
n'y a rien de confortable dans ce meublé.
Evier en pierre, eau froide, chauffage avec un
vieux fourneau au bois et charbon, mais les
toilettes sont chez nous à
l'intérieur et pas sur le
palier.
La
fabrication Alsthom turbines de Belfort se
dirigeant à Bourogne à vingt
kilomètres, je décide de rester
à Belfort. On essaie de vouloir me
diriger vers d'autres ateliers qui ne me
plaisent pas.
Mais
j'affirme ma personnalité en
résistant contre tous les arguments ou
les manoeuvres des «petits
chefaillons» qui se prennent pour ce qu'ils
ne sont pas.
Et je suis
muté comme tourneur, mon premier
métier, à la petite
mécanique.
C'est un
atelier difficile car la moyenne d'âge est
élevée mais j'arrive à
faire ma place. en travaillant d'équipe
(une semaine du matin de 4 h à 12h et une
semaine d'après midi de 12 à 20 h.
On bosse mais on bricole aussi pour nous sur nos
machines. Je suis très copain avec
Jeannot, en fait de son vrai nom Jean Herriot,
qui a une dizaine d'années de plus que
moi et qui est un bon ouvrier professionnel.
Nous bossions ensemble à l'atelier des
turbines et nous nous sommes retrouvés
tous les deux dans ce nouvel atelier, nos autres
copains disséminés ailleurs ou
à Bourogne. Je me lie d'amitié
avec ce collègue qui
décèdera d'une pneumonie à
l'achèvement de sa maison.
Le 18 juillet
l'on part en vacances avec ma tendre sous tente
à Saint Sorlin en Haute Savoie
près de Saint Jean de Maurienne. On
visite le col de la Croix de Fer, très
beau paysage.
Le 2
août 1974, j'emménage dans ce
meublé rue Hoche à Belfort. La
propriétaire loue trois ou quatre
appartements à des jeunes. On s'entend
bien tous mais sans vraiment se
fréquenter. Fin août ma future
vient habiter à Belfort avec moi. Octobre
premier frigo qui coûte 700 francs, une
fortune, je gagne 1800 francs. On paie en 3
fois. Puis en octobre nos allons ramasser du
bois pour allumer le poêle. En
décembre janvier on va chercher du
charbon, un sac ou deux transportés dans
ma voiture, une galère car il pleut et
l'entrée de cave est toute noire. On a
froid, mais l'amour réchauffe. La vieille
télé de ma mère
lâche. Nous n'avons pas beaucoup d'argent
et nous achetons une nouvelle télé
d'occasion à Xicluna Dole, pas vraiment
une affaire cet achat. Le tube lâche, on
tape dessus, l'image revient et repart, la
galère et la télécommande
n'existe pas encore.
Les
événements:
On
écoute des chansons qui sont un peu moins
des grands crus mais il y a
- "rock and
roll man" de Johnny,
- "oh les
filles" par le groupe déjanté "au
bonheur des dames",
- "San
Francisco" de Maxime Le Forestier,
- "Le premier
pas" de Schönberg,
J'ai
préféré les
créations et les disques de 68 à
72.
Après
je trouve qu'il y a moins de bonnes
chansons.
-
1976
Année solfège,
-
1977
"Nora",
Les premiers
magnétoscopes à cassettes VHS
arrivent sur le marché et je me procure
un appareil avec une camera achetée
d'occasion à mon coiffeur. Toujours mes
cours de solfège. J'apprends les rouages
et le plus important mais cela devient
contraignant avec les cours de deux autres CAP
que je fais en candidat libre en pensant
à attaquer le Brevet Professionnel. Le 14
juillet, ma soeur nous amène à
Offemont une toute petite boule grise
argentée, une chatte demi-chartreuse
grise que l'on prénomme Nora qui se joint
à notre couple. Cette chatte est
très intelligente et maligne avec un
caractère mi-figue mi-raisin. Elle ouvre
les portes en sautant sur les poignées,
mange du melon et des oeufs qu'elle lèche
sur sa patte. Nous prendrons grand soin d'elle
pendant 19 années jusqu'en 1993 où
nous l'emmenons une nuit chez le
vétérinaire car elle fait une
hémorragie interne dans la tête.
Elle mourra d'une piqûre par euthanasie:
une difficile séparation (14)
Août:
décès de Presley le King of
rock-n-roll et du comique
Charlot-Chaplin.
Le 8 novembre
concert de Maxime le Forestier au centre Benoit
Frachon.
C'est ma
période d'écoute des chanteurs
à textes et pour lui ses deux premiers
albums avec ses premières chansons San
Francisco, Parachutiste, Février de cette
année là
Je vais lui parler
après le concert. Par la suite il
changera de style et aura moins de titres
engagés ou politiques. Le CE de notre
usine invite Serge Reggiani. Ce concert avec son
pianiste Raymond Bernard reste dans ma
mémoire. Cet homme vit ses chansons c'est
un vrai acteur qui sait manier le geste et
l'émotion. Malgré tout Brel reste
le meilleur pour vivre en vibrant ses chansons
.J'écris un texte d'un trait pratiquement
appelé la part du rêve
(15).
Les
événements: le France le plus gros
bateau du monde est vendu a un saoudien
après une longue polémique entre
1974 et 1977. Triste fin pour ce fleuron
Français. Sardou avait écrit sa
chanson en 1975 et quatre années plus
tard ce bateau devient Norvégien: le
Norway !
On
écoute: Rock collection de Voulzy un
panachage des chansons anglaises
compressées, Ma Baker de Boney M et
Lettre à France que Polnareff
écrit depuis les USA sur des paroles de
Jean Loup Dabadie.
- "Magnolias
for ever" et "Alexandrie Alexandra" de Claude
François
- Hôtel
California un monument musical super morceau du
groupe Eagles,
- "We are the
champions" des Queens, "Je pars" de Nicolas
Peyrac,
- "S'asseoir
par terre" de Souchon.
(14) chanson
Denis et Pierre "Histoire de chats", 15 chanson
Denis et Pierre "La part du
rêve"
1978:
Et Cloclo
s'en va
J'obtiens une
classification «méritée
non sans mal à l'usine».
Je compose un
morceau sur ma guitare qui s'appelle "une petite
mélodie".
Cette chanson
je la considère comme une des meilleures
que j'ai écrite musicalement. Mon but est
de l'enregistrer en studio. Avec 4 dièses
en clé de sol cette musique pourrait
très bien passer en orchestre acoustique
avec piano violon cuivre etc. Quand j'ai entendu
cette mélodie jouée au piano par
mon professeur de solfège je l'ai
trouvé si mélodique et nous avons
décidé de l'écrire sur une
portée afin de l'inscrire à la
Sacem. L'aide pour les arrangements d'orchestre
en clé de sol, clé de fa et
clé d'ut que m'apporte Joseph Zemp est
importante et l'on termine cette partition le 12
janvier. Finalement quinze ans plus tard on
l'enregistrera dans un studio près de
Dole et je ressortirai ce titre en 2014 par un
enregistrement de ma voix en studio à
Montbéliard. En mars la France
prépare les élections
législatives. Aux premiers rayons de
soleil printanier ce samedi 11 mars nous
flânons dans les prés de Dorans
à la recherche de quelques pissenlits.
Vers quinze heures les chansons de Claude en
boucle relayée par toutes les radios
attirent mon attention et puis on annonce sa
mort en pleine gloire, il a trente neuf
ans.
Ses chansons
populaires et dansantes ont
imprégné la jeunesse et passent
encore chaque jour à la radio ou en
boîtes!
En août
l'on va au Camping de Valras. C'est super sympa
le camping, détente et oubli des soucis
quotidiens. On fait excursion à Lunel
chez Denis qui campe dans une petite bicoque de
son père. Fin Août je reprends mon
boulot avec des idées plein la
tête. Du 25 novembre au 2 décembre
Belfort et la région sont bloqués
sous des pluies verglaçantes qui
entourent les arbres, les fils
électriques et tout ce qui est à
l'extérieur. Les routes sont
impraticables .Tout l'Est et une partie de la
France sont sous les glaces. Les arbres cassent
et la centrale électrique en face de
notre appartement prend feu, du jamais vu pour
moi !
Le sept
décembre diplôme de
solfège.
Les disques
français et étrangers à
écouter :
- Johnny:
"elle m'oublie"
- Brel son
dernier 33 tours avec "Orly",
- Julien
Clerc: "ma préférence",
- Police:
"Roxanne",
- Bob Seger:
"old time rock n roll",
- Stones:
"Miss you".
1979
«La
grande grève du centenaire
Alsthom»
Début
mars j'investis dans une «bonne»
chaîne américaine Scott pour avoir
des sons optimaux.
Mon copain
Jean-Luc est équipé en Akaï
avec une pièce complète pour le
son.
Je vais
souvent chez lui et on écoute beaucoup de
musiques surtout des Beatles car il est
très fan et il me fait découvrir
toute «leur oeuvre».
Ce groupe est
sans doute un des meilleurs du monde. Il a su
musicalement toujours se diversifier sans
sombrer dans les mêmes choses. Simples au
début, les mélodies se sont
enrichies énormément avant
l'éclatement de Let it be.
Je conseille
à mon copain d'apprendre la guitare
basse. Il n'est pas intéressé.
Il a des
jumeaux à élever et cela devient
sa priorité.
Je le
reverrai en 2009 à Belfort où il
m'apprendra qu'il joue de cet instrument depuis
dix ans dans plusieurs groupes de la
région, en me précisant que c'est
grâce à ma remarque qu'il a appris
cet instrument. C'est sympa. Mon copain qui est
le voisin de Brézovar m'enregistre son
album anglais 33 tours rue du Salbert. Rien
à rien à voir avec la musique
d'Ange un des groupes les plus connus de France
du moment. Les «Ange groupe
Belfortain» cartonne mais leurs musiques
sont particulières et ne me passionnent
pas.
En musiques
je crois avoir fait le tour de ce que j'aime. De
la variété, du rock, du rythme N
blues, des musiques progressives au hard rock.
Après 1990, plus rien vraiment ne
m'accroche. Des compagnons de la chanson
à Enrico, de Sacha aux
yéyés, des beatniks, de Polnareff
aux Beatles, d'Elvis à Pink Floyd, des
groupes rock aux groupes hard rock, de la soul
au blues, de Scorpions jusqu'au classique: j'ai
fait le tour.
Je termine le
solfège en mai. En août, retour en
camping à Valras-Plage.
Du 27
septembre au 26 novembre la grande grève
Alsthom à Belfort fait mal.
Deux mois de
lutte de 8500 salariés avec occupation de
l'usine, défilés, blocages et pas
de salaires.
On essaie de
vivoter avec ce que l'on a, on n'est pas les
plus à plaindre car ma moitié a
son salaire mais certains ont des jours
difficiles.
Tous les
médias s'emparent de ce conflit qui prend
une ampleur nationale. Mitterrand premier
secrétaire du PS vient à Belfort
à la rencontre des syndicats et des
grévistes. Il sera président deux
ans plus tard.
Tous les
politiques défilent pour soutenir le
fleuron Français «Alsthom» qui
a une renommée dans le monde entier.
Notre maire Chevènement se
démène. Peu importe les critiques,
il a fait de bonnes choses pour la ville de
Belfort.
Je n'ai pas
de favoritisme pour untel ou untel mais je pense
qu'il faut savoir apprécier le travail
d'un maire pour sa commune par rapport aux
mandats politiques de député ou de
ministre. Le bord m'importe peu. Que ce soit
sous l'égide de n'importe quel parti, il
faut savoir reconnaitre les actions faites ou
les engagements des élus qui
défendent leurs communes. Rendre à
César ce qui appartient à
César! A l'origine de la grande
grève de 1979 pour fêter les 100
ans de l'usine, le directeur Mr Dufour propose
aux 8000 salariés, à la place
d'une prime ou d'un treizième mois, un
stylo ou un décapsuleur
(découpé en tôle inox
à la chaudronnerie de
l'usine).
Alsthom
dégage des dividendes importants mais ne
veux pas mettre la main au porte-monnaie pour
les ouvriers. Les salaires sont bas bien que
l'usine tourne à plein régime. La
goutte d'eau fera déborder le vase et les
ouvriers s'enflamment.
Premières
expérience pour moi et le
côté prise de conscience. J'ai 25
ans.
En fait je
participe aux actions et aux
défilés, mais je joue surtout de
la guitare autour des feux de bois avec les
salariés qui occupent l'usine.
Il y a 5 ou
6000 manifestants dans les rues, du jamais vu.
Les commerçants, les sous-traitants les
élus sont tous solidaires. Il y a cinq
syndicats représentés dans l'usine
et trois véritablement importants et bien
sûr, des tendances différentes, ce
qui crée des tensions évidemment.
Il faut
maintenant oublier les loisirs et se consacrer
à la reprise des études car en
septembre je démarre la première
année du brevet professionnel; c'est une
autre chanson.
Le hit
parade: Supertramp joue Good bye
Stranger
Aline de
Christophe ressort en 45 tours. Accusé
par Jacky Moulière et Salvador de plagiat
de la chanson romance Christophe gagne le
procès après 15 ans de
tribunaux.
Cabrel
compose: "je l'aime à mourir",
Johnny
reprend la chanson de Bob Seger qui
devient "le bon temps du rock n
roll".
1980
Belfort: les cours professionnels
1981Mitterrand
président
On vote et
ça ne change
rien (16)
Je continue
à employer du temps pour aller à
la commission juridique et pour aller aux
prudhommes. Les gens veulent un changement de
société. Depuis longtemps la
gauche cherche à accéder aux
fonctions suprêmes. Mitterrand têtu
et tenace ayant subi précédemment
des défaites se présente avec
beaucoup de promesses électorales. Cet
homme austère mais intelligent et fier,
accède au pouvoir en mai: c'est le
21ème président. Giscard se retire
par la petite porte.
On croit que
tout va changer, on espère le meilleur!
Personnellement je ne suis pas euphorique et
j'attends de voir. Erreur tragique! La tradition
capitaliste est ancrée, trop bien
ancrée. Quelques avancées sur des
sujets sociaux sont quand même à
reconnaître mais peu de gros changements.
Mitterrand s'est dit homme de gauche en ayant
proposé 81 mesures mais il pratique une
politique de droite.
Note: il faut
reconnaître que tous les présidents
gouvernant depuis de Gaulle ont
évité la guerre et ont su
gérer la politique
extérieure, c'est
déjà ça.
Depuis
longtemps, on a vu défiler
différents présidents politiques
de tout bord qui amènent peu de choses au
peuple. Le riche s'enrichit, le pauvre
s'appauvrit, la couche sociale moyenne se balade
entre deux. Le peuple a le pouvoir dans ses
mains mais le peuple doit être mené
et les politiques en profitent.
Dans ma vie
professionnelle rien à attendre d'une
hiérarchie qui est corrompue.
Seul choix:
continuer les cours de formation aux brevets
professionnels de niveau bac et me diriger
peut-être après vers la
préparation d'un bac F1. Je bosse les
maths qui me serviront à l'usine et
ailleurs. Pas facile de travailler et d'aller
aux cours. Moins de musiques, j'ai moins de
temps et ça m'altère.
Et des
devoirs en plus des cours; ce côté
m'ennuie mais je n'ai pas d'autres choix.
Avec le
recul, il me semble que j'étais courageux
car si c'était à refaire ce n'est
pas sûr que je referais ce même
parcours !
Le 4 juin: on
va voir le gala rock de Valérie Lagrange
à Valentigney.
La
comédienne qui tournait des films de
capes et d'épées avec
Gérard Barray en 1964 a un disque 30 cm
qui cartonne "faut pas me la faire". Elle
reprend aussi des titres de Dylan.
En
août, repos à
Argelès-sur-mer en camping, mariage de
Denis à Chaussin.
Changement
d'auto, j'achète avec un crédit
une Renault 18 neuve et chère d'un
collaborateur de l'agence Renault de Dole. Une
folie que je paie par un prêt de 4 ans. Je
me rappelle de cette douleur du premier au
dernier centime.
Ce sera fini,
plus jamais ça. 16 chanson Denis et
Pierre : nous allons tous
tomber
Epilogue
Les
années de référence
citées dans ce volume furent de belles
années pour la prospérité.
Quand le pays est prospère tout va bien.
Les gens consomment.
Dans notre
belle Franche Comté toutes les
technologies étaient présentes.
Filatures, machines-outils, fabrication de
voitures et de cycles avec Peugeot, fabrication
de trains et fabrication de turbines pour
l'énergie avec Alsthom, d'informatique
avec Bull ou fabrication d'armes avec la
société Manhurin proche et
d'autres entreprises moins connues mais
performantes.
Nous
étions baignés depuis des
générations par ces grandes usines
qui ont permis de générer des
milliers d'emplois en faisant vivre de
nombreuses familles de la région ainsi
qu'une quantité de petites entreprises de
sous traitance.
Un
siècle plus tard le bilan est
catastrophique car de très nombreuses
sociétés sont fermées et le
travail délocalisé.
Il n'y a plus
de textile, plus de machines, de moins en moins
d'automobiles et la valeur ajoutée d'un
pays issu de ses ressources et ses fabrications
est terminée!
La
mondialisation est ouverte à outrance et
les donneurs d'ordres des grandes entreprises ne
pensant qu'à la bourse ont oublié
qu'ils auront aussi un jour des petits
enfants.
Mais
consolons-nous: il nous reste les
spécialités
régionales:
-
le vin, le Comté et la
saucisse!
Ce
récit se termine avec une note
pathétique mais ne dit-on pas que les
Francs-Comtois gardent toujours leur bonne
humeur ?
Nous en
reparlerons.
Cela sera une
autre histoire racontée dans mon prochain
tome!
Influences
musicales
De
1960 à 1966
Enrico
Macias
Salvatore
Adamo
Claude
François
De
1967 à 1975
Michel
Polnareff
Christophe
Hugues
Aufray
Maxime
Le Forestier
Serge
Reggiani
Creedence
clearwater revival
Les
Beatles
Johnny
Hallyday
De
1975 à 1980
Barclay
James Harvest
Jacques
Brel
Serge
Lama
Pink
Floyd
Deep
purple
Status
Quo
Francois
Bernheim
Francis
Cabrel
Jean-Jacques
Goldman
François
Feldman
Crédit
photos
Michéle
Simonin, Josette Simonin, Denis Simonin, Jean
Luc Oriat
Studio
Hattiger Mireille Viard,
Christel
Poirrier pour l'accord photos du Site web
moissey.com
Remerciements
Ma soeur
Nicole pour le rappel des anecdotes
oubliées,
Ma tante
Lucienne pour sa grande mémoire et l'aide
apportée sur la famille
Simonin,
Denis Simonin
pour l'aide apportée en
généalogie,
Ma cousine
Mireille pour l'aide à la
réalisation de ce livre,
Ma douce et
tendre pour le rappel de «certains
faits oubliés»
Bernard
Grebot, l'homme de la mémoire de
Moissey,
Christel
Poirrier pour son écoute et son aide et
ses conseils
Et je finirai
par le titre d'une chanson «Et tant pis si
j'en oublie» (15)
(15) Album
Samourai 1976 de Christophe.
Table des
matières
Préambule
et avant propos page 3
Arbre
généalogique page 11
Racines et
famille page 12
«
1954-1964 »les années
tendres page 13
Moissey et sa
longue Histoire page 20
Notre chat
Misou page 25
Nous
connaissons tous des peines ou des
souffrances!
Mais
la musique peut guérir en
chantant à nos
oreilles.
Un
musicien ne peut pas
vieillir.
Tant
que je pourrai j'écrirai des
mots, des
phrases
des
paroles et des
musiques.
Encore
et encore
toujours.
Pierre
SIMONIN
Photo :
Jean Luc Oriat
Ecrire
l'autobiographie de sa vie incombe
à utiliser
un
article défini qui se nomme
« je » ou le
pronom personnel «
moi »
Pour
ce récit le lecteur
pardonnera les
répétitions
de
ces mots issus de notre belle langue
Française.
Pierre
SIMONIN
adresses
de chansons sur le web
https://www.youtube.com/watch?v=EYFezfZ0ULE&feature=youtu.be
https://www.youtube.com/watch?v=RfHSPU97j6U
https://youtu.be/rDTyFBA9xcY