village de moissey

la colo à la cure de moissey en 1943

par Nicole Mandin (1938)

épouse de Jean Michaut (1936)

1. Jacques Mandin, mon petit frère, né en 1940. 2. Nicole Mandin (moi), née en 1938. 3. Christiane Roy, née en 1930. 4. Mlle Ida, assistante de cure. 5. Jeannette Mandin, ma mère, monitrice et 6. Paul Grandvaux, le curé de Moissey et directeur de la colo.

Les colons de la colo de la Cure de Moissey image©Collection Nicole Mandin-1943

Nicole Mandin est née le 14 janvier à Paris (XIIIe)

de ses parents:

- André Mandin né en 1912 et originaire de Châteauroux

- Jeanne Briot née en 1915 et originaire des Vosges.

Les époux Mandin-Briot ont eu trois enfants:

- Nicole, née le 14 janvier 1938, (secrétaire au CNRS) mariée le 3 septembre 1960 à Jean Michaut, né en 1936, ingénieur mécanique au CNRS),

- Jacques, né en mars 1940,

- Marie-Thérèse née en 1946.

 

Les époux Michaut-Mandin ont eu trois enfants:

- Pascal, né le 17 novembre 1961 (père de Sandrine en 1983 et de Cyril en 1987)

- Catherine, née le 4 septembre 1963,

- Isabelle née le 30 janvier 1966.

la colonie pendant la guerre, courrier de Nicole Mandin, février 2005

 

préambule 

Je suis venue la première fois avec mon frère et ma mère, Jeanne Mandin dite Jeannette, dans une colonie gérée par monsieur le curé Grandvaux et sa servante Melle Ida. Ma mère en tant que monitrice était chargée de les aider dans cette tâche. Mon père était prisonnier de guerre en Allemagne (5 ans), dans une usine d'armement à Munich.

Nous sommes ensuite revenus à Moissey où nous étions alors logés dans une maison (voir photo en bas de la page). Ma grand-mère et mes deux cousins étaient avec nous.

Comment ai-je repris contact avec Moissey me direz-vous ?

C'est très simple. Mon mari et moi-même étions passés dans votre village en 2003 et à notre retour j'ai consulté le Web pour voir, si par hasard, nous trouverions quelque chose sur celui-ci. Surprise ! Nous avons trouvé un site très intéressant, très documenté et parmi les intervenants se trouvait une personne ayant participé à la colonie à laquelle je fais référence ci-dessus, elle venait de Paris. C'était Mme Christiane Beuvart, née Roy. Nous lui avons adressé un courrier ainsi que la photo que nous vous avons remise lors de notre passage. Très gentiment, malgré sa maladie, elle nous a adressé une longue lettre nous précisant qu'elle se trouvait au 3ème rang à gauche sur cette photo. Mon frère et moi sommes au 1er rang à gauche. Elle parlait aussi de la méchanceté de Mlle Ida, ce que j'avais pu moi-même constater lors de mon séjour dans cette colonie. Elle précisait également que Monsieur Grebot pourrait peut-être nous dire si c'était bien Monsieur Viénot qui habitait en face de la maison où nous logions. Nous comptions aller voir Mme Beuvart en juillet 2004 mais malheureusement elle décédait peu avant. Voici la conclusion de sa dernière lettre :

"En attendant peut-être de se connaître si Dieu le veut, je vous adresse ma profonde amitié".

 

Depuis quelque temps déjà nos enfants souhaitaient que nous écrivions nos souvenirs d'enfance afin que, nous disparus, ils puissent garder une trace de nos jeunesses respectives. C'est chose faite et je vous adresse un petit extrait concernant mes souvenirs de Moissey. J'espère ne pas me tromper dans ce que je rapporte, mais j'étais si jeune et jamais je n'ai osé demander à ma mère plus de précisions sur cette période.

 l'été 43 à la colo de la cure de moissey

Je ne sais comment, mais nous sommes allés un jour à Moissey dans le Jura. Maman avait obtenu un emploi de monitrice, de colonie ou quelque chose de semblable. Nous nous sommes retrouvés dans cette colonie dirigée par un dragon faisant office de bonne du curé (5ème rang à gauche sur la photo). Air revêche et cheveux tressés en gros macarons fixés sur les oreilles. Je devais avoir environ 5 ans, mon frère 3. De cette période j'ai gardé le souvenir d'une pâtée faite de farine de maïs appelée "gaudes", que mon frère et moi-même devions avaler, non sans peine d'ailleurs. Nous n'aimions vraiment pas cela. Une corvée de bois me laisse aussi de bien douloureux souvenirs. Je fus chargée, comme mes camarades de la "colo" d'ailleurs, de la corvée de bois. Nous entassions sur nos bras le plus grand nombre possible de bûches. Pour ma part cela n'allait pas bien loin vu ma hauteur, mais ce fut suffisant pour que je ne voie plus où je mettais les pieds. La resserre à bois se situait derrière l'immense cuisinière, et ce qui devait arriver, arriva ! Haute comme trois pommes je m'avance vers la remise à bois et oh ! surprise, et quelle douloureuse surprise, Melle Ida avait posé à terre une poêle où frémissait de l'huile bien chaude. Imaginez le résultat : chaussure, chaussette brûlées et mes jolis petits orteils du pied gauche transformés en affreux boudins (peut-être pas aussi noir, mais quand même). Résultat, balade en poussette pendant un mois, séance de perçage de cloques, pommade et bandages serrés. Les soins se passaient au fond du jardin pour éviter d'affoler de mes cris toute la colonie.

voir la photo de famille en tête de cette page

 

dans la maison de delphine thomas [AB 135]

Pour quelle raison sommes-nous retournés à Moissey ? Peut être pour échapper aux bombardements sur Paris. Ma grand-mère, Monique et André, cousins, cousine, furent du voyage. Nous étions logés dans une grande bâtisse avec une cour fermée par de grandes grilles donnant sur la route principale. C'était, sans doute, une maison trouvée par ce brave curé du village. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de montrer à votre père (), lors d'un passage dans la région, l'endroit où nous logions ; il était resté bien présent dans ma mémoire. Il faut dire que nous avions souvent très peur lorsque les Allemands, montés sur de petits chevaux, venaient faire une halte pour cueillir le raisin qui courait le long de la clôture et s'y cramponner lorsqu'ils étaient ivres. Un jour ils vinrent frapper à la porte. Grand-mère et maman ne devaient pas être fières. Cette dernière ne s'est pas démontée et leur a dit que son mari était prisonnier, qu'elle n'avait pas d'argent et qu'ils trouveraient asile et couvert au château. Ouf ! A l'arrière de la maison se cachaient souvent des résistants. Quand il y avait danger, ils s'enfuyaient par le fond du jardin. Quelles auraient été les représailles si les Allemands avec trouvé cette cache ? Vous pouvez imaginer la peur qu'on pu ressentir, bien des fois, ces deux femmes seules avec 4 enfants en bas âge.

Dans cette maison il n'était pas rare de voir passer, le soir, des petites souris qui couraient d'un placard à l'autre.

Pour des questions de survie, nous allions aussi aider au ramassage des pommes de terre à la ferme voisine (famille Schorsch, le nom je m'en souviens, l'orthographe moins). Pour améliorer l'ordinaire, maman glanait celles qui restaient après le ramassage. J'étais de corvée et pour me récompenser, elle m'offrit une jolie robe faite de tissu d'un joli vert avec impression de petits cœurs légèrement brillants. Quelle joie ! Nous allions aussi à la cueillette des cerises noires. C'était plus drôle et nous pouvions remplir le panier et aussi notre ventre. Nos lèvres et vêtements étaient maculés de jus noir, et nous devions avoir aussi, de temps en temps, les intestins un peu dérangés, mais c'était si bon !

En face de la maison vivait un très vieux monsieur, (toujours en rapport avec mon âge bien sûr). Il prêtait des livres et rendait de menus services. Maman et grand-mère aimaient bien ce "petit monsieur Viénot ". Il me semble ne pas me tromper quant à son nom. Cette amitié réciproque était pour elles d'un grand réconfort.

Nous les enfants nous jouions, insouciants des dangers. Et pendant ce temps les adultes vivaient autrement cette guerre. Des résistants furent tués au Mont Roland, près de ce petit village jurassien, sans doute dénoncés par des âmes charitables. Je me souviens qu'un jour il y eut un grand moment d'allégresse lorsque quelqu'un a crié. " Les Allemands sont partis". Dans l'euphorie du moment les drapeaux français furent accrochés aux fenêtres pour fêter l'événement. Ce fut de courte durée, l'information était erronée, et les premiers camions allemands réapparurent en haut du village. C'est fou comme l'information et les actions peuvent être rapides dans de telles circonstances. Les drapeaux furent retirés précipitamment. Quelles auraient été les conséquences si l'ennemi était entré dans une ville pavoisée aux couleurs françaises ?

 Nicole Mandin-Michaut, courrier adressé à moissey.com le 8 mars 2005.

La maison louée à la famille de Nicole Mandin: chez Delphine Thomas, AB 135. image©Collection Nicole Mandin-2005

La colo à la cure de Moissey en 1943 par Nicole Mandin (courrier de février 2005).

Nos activités d'adolescentes pendant la guerre 39-45, journal de Christiane Roy (année 1944).

Souvenirs de Christiane Roy-Beuvart la guerre à la campagne (1930-2004)

La vie du Club des Platanes, récit de Mme Beuvart, avril 2001.

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