Ce samedi matin 11
avril 2011, lorsque nous arrivons, nous les amateurs
d'archéologie de Moissey, sur le site de
Gredisans, la lumière est belle et seuls de
lointains coups de burins émaillent le silence de
la forêt profonde.
Le gouillat qui
rafraîchit quelques petites amphores en verre
transparent nous rappelle que les tailleurs meuliers ne
vivaient pas que d'amour et d'eau fraîche. Ce
sentiment est consolidé quelques mètres
plus loin par la découverte du camp de base qui
contient tout un attirail -évolué-
destiné à la préparation des repas
dont la cuisson des aliments.
Ensuite viennent à notre
rencontre le chien noir et le chien blanc qui aboient
ostensiblement, afin de nous signifier qu'ils font leur
boulot consciencieusement, à savoir qu'ils montent
la garde contre les divers prédateurs qui
squattent dans cette forêt, dite de la
Serre.
Nous voilà enfin sur le
plateau technique, la brouette, la meule à
aiguiser, les burins et les marteaux, juste en contre-bas
du chantier, celui que nous sommes venus voir. Là
s'affairent dans une belle harmonie trois tailleurs de
pierre, deux tailleurs et une tailleuse, qui s'appelle
heureusement Marie-Pierre. Ils ont été
embauchés par Luc Jaccottey, l'archéologue
francomtois qui monte, chargé d'un vaste programme
par l'INRAP (Institut National de Recherches
Archéologiques Préventives).
"Le travail d'aujourd'hui
s'inscrit, nous dit Luc, dans un vaste programme de
recherche, c'en est une brique". Pour nous, les amateurs
locaux, ce chantier est dans la suite naturelle de
recherches sur les ateliers meuliers, en particulier il
complète de belles fouilles entreprises avec
bonheur sur la parcelle 41 des bois d'Offlanges.
En 2005, une
fouille méthodique conduite par Luc Jaccottey
avait révélé trois ateliers
d'extraction de meules, de toute beauté.
Les vestiges découverts
à Offlanges laissent à deviner la
procédure d'extraction, qu'il fallait simplement
aujourd'hui, vérifier, dans la carrière au
moins deux fois millénaires, installée
à la jonction de Gredisans, Menotey et
Frasne-les-meulières.
En somme, il s'agit de choisir
un banc, une plaque d'arkose suffisante pour en sortir un
cylindre du type fromage (d'ailleurs, pour le
Comté, on emploie bien le mot "meule"). Si le bloc
a bonne mise, on trace sa future circonférence, et
au-delà, on creuse un canal, profond à la
demande et large de façon à permettre le
travail des outils. Enfin, au fond du canal, on creuse
horizontalement dans le but de décoller le fromage
de son socle. Selon la taille de la meule, les
procédés de décollage sont divers:
on peut utiliser des coins métalliques, ou encore
des coins en bois, enfoncés profondément,
qu'on arrosera pour les faire gonfler.
L'expédition du jour
s'est révélée un vrai succès,
et si le décollage final a foiré, il a au
moins montré et démontré comme
l'extraction reste bien aléatoire, et que sur les
milliers d'extractions reconnues ou supposées, il
a dû y avoir une bonne quantité de
"loupés".
Christel
Poirrier
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