1936,
Le Front Populaire arrive
à Moissey. Le premier mai, un défilé
avec drapeau rouge traverse le village. Il faut dire
qu'en cette année, les deux carrières
tournent à plein.
1937,
Les bruits de bottes
hitlériennes s'entendent jusqu'au village; la
guerre d'Espagne est bien loin et les quelques espagnols
du village ne sont pas chauds pour aller voir ce qu'il
s'y passe.
1938,
Les bruits de guerre
réveillent les villageois. Certaines classes sont
rappelées. Munich est signé. Les
mobilisés reviennent.
1939,
Les mobilisés de 1938
sont rappelés, puis d'autres classes suivent. En
août, la Pologne est attaquée par
l'Allemagne. C'est la mobilisation
générale.
Les affiches de la mobilisation
générale, en couleurs, sont
placardées. Le 3 septembre 1939, c'est
déclaration de guerre, le toscin sonne. C'est une
grande tristesse, les plaies et les deuils de 1914-1918
ne sont pas encore pansés. Les jeunes sont les
plus exaltés; certains parlent d'être
à Berlin dans 15 jours et de retour pour
Noël. A partir de cette date, la drôle de
guerre s'installe. Régulièrement les murs
sont placardés d'affiches à la gloire de
nos armées. Une compagnie d'infanterie de marine
de Marseille cantonne dans le village plusieurs mois. En
fin d'année, une triste nouvelle,
Maurice
Thoret est tué
à Dakar.
1940,
L'année commence, comme
1939 s'est terminée, dans l'atonie
générale. Puis au printemps ça
commence à bouger, la Belgique est envahie, puis
c'est la trouée des Ardennes, nos armées
sont enfoncées et c'est la retraite qui tourne
vite à la déroute. Dès le
début mai, on voit passer des
réfugiés et militaires belges nous
annonçant les méfaits des armées
allemandes. Beaucoup crient à la cinquième
colonne. Puis après les Belges, ce sont les
militaires français et les gens du Nord et de
l'Est de la France. Il en passe des milliers: à
pied, en voiture à cheval, en camion.
Bientôt on annonce les
"hordes de Huns" à Vesoul et à Gray se
livrant à moult exactions; les villageois prennent
peur. Le 15 juin, le village est quasiment
déserté. Certains sont partis dans la
forêt, d'autres en voitures, beaucoup en camions
des carrières Téliet ou Béjean. Ceux
partis en camions ne sont pas allés bien loin,
gênés par tous les réfugiés
sur les routes. Ils ont été
bombardés à Autun ou Paray-le-Monial par
l'aviation italienne.
Les Allemands sont
arrivés à Moissey. L'armistice est
signé [22 juin 1940, à Rethondes]
et tous les réfugiés reviennent. Le village
s'installe dans la défaite. On apprend que
beaucoup de mobilisés sont prisonniers.
Quelques-uns réussissent à rentrer dans
leurs foyers. Hélas, au cours de cette drôle
de guerre, deux enfants du pays ont trouvé la
mort : Gaston
Simonin et
René
Jacques. [René
Jacques n'est pas inscrit sur le monument de
Moissey]
Le village est investi par les
Allemands. Une compagnie y stationne.
Une roulante est
installée à la gendarmerie où les
villageois peuvent aller chercher leurs repas. Les
Allemands sont corrects et cherchent à se faire
bien voir. Mais l'administration allemande met la main
sur la France. Les cartes d'alimentation font leur
apparition. La fin de l'année installe le village
dans l'ère des restrictions. La propagande fait
son apparition (exemple : Mers el
Kébir).
Liste
des prisonniers en cette fin
d'année :
-
Paul Sigonney
- André
Barbier
- Joseph
Sigonney
- Attilio
Turchetto
- Pierre
Ortiger
- Roger
Verrier
- Maurice
Vuillemenot
- Albert
Patin
- Virgile
Ruisseau
- Lucien
Verrier.
1941,
Le village tente de survivre.
Les restrictions touchent tout le monde. L'ère du
troc s'installe ainsi que le marché noir.
L'occupation se fait de plus en plus sentir bien que
cette année-là, il n'y a plus qu'une
mini-Kommandantur stationnée au château
Masson.
1942,
La guerre continue, les
familles attendent le retour des prisonniers. La
progression des armées allemandes en Russie
inquiète. L'annexion de la zone libre par
l'occupant annonce une évolution dans
l'état d'esprit régnant au village.
Stalingrad redonne de l'espoir. L'année se termine
dans l'espoir d'une fin proche mais aussi dans la
crainte.
1943,
L' année commence mal;
l'hiver est rigoureux. Les jeunes nés en 1922 sont
requis pour le S. T. O. (Service du Travail Obligatoire).
Partaient pour l'Allemagne, Robert Barbier et
André Jeannin, ainsi qu'un
démobilisé de l'armée d'armistice,
dissoute après l'invasion de la zone
occupée, Jean-Pierre Tellier. Quant à
Bernard Verrier, il prend le maquis, son père
Stéphane sera arrêté, emmené
à Dole, mais heureusement
relâché.
Les bombardements alliés
s'intensifiant sur les grandes villes, Paris
évacue de nombreux habitants, en majorité
femmes et enfants, le village accueille plusieurs
familles; quelques juifs se cachent au
village.
La résistance s'organise
dans la région, alors que d'autres, croyant
à la victoire nazie, ou simplement par
intérêt, collaborent plus
étroitement. Le marché noir est roi.
Année sombre.
A côté de ces
évènements tragiques, les jeunes organisent
des manifestations (théâtre, kermesse) afin
de confectionner des colis pour les
prisonniers.
1944,
Année qui s'annonce
terrible pour la France occupée. Le village acteur
malgré lui, participe à la tragédie.
L'ennemi voyant la victoire lui échapper, traque
les maquis régionaux, le Massif de la Serre est
investi à plusieurs reprises. La tuerie de
Saligney affecte tous les habitants. La peur
s'installe.
Début
juin,
c'est l'annonce tant attendue
du débarquement des Alliés en Normandie. A
partir de cette date, l'espoir se renforce, mais
l'occupant est de plus en plus dangereux. Les convois
allemands étant harcelés par les
maquisards, c'est l'ère des otages et des
représailles. Le maire du village, Ernest Odille,
accompagné d' André Ardin, sont
emmenés au Château-Neuf, à la ferme
Sigonney, pour être interrogés, par chance,
ils sont relâchés.
Un matin, la gendarmerie est
investie par l' armée allemande, heureusement, les
gendarmes ayant vu le danger, peuvent s'échapper
par derrière les bâtiments, vers le Mont
Guérin. Ils rejoignent le maquis du
côté de Lons-le-Saunier.
Au cours de cette année,
un homme du village est déporté, Ulysse
Simon. Il rentrera après la guerre.
Comme en 1940, nous avions vu
les armées française et belge refluer vers
le sud, nous voyons, dès août,
l'armée allemande en déroute remonter vers
le nord. Tous les moyens de locomotion sont bons :
à pied, à cheval, à vélo, en
voiture. Mais à la différence de 1940, il
n'y a pas de réfugiés civils. Parmi cette
troupe en déroute, il reste encore des
unités bien encadrées et
opérationnelles, ce sont en général
les Waffen S.S. et les cosaques. Elles vont faire
beaucoup de mal dans la région.
Le 6 septembre
1944,
deux maquisards sont
tués aux platanes; il s'agit du maréchal
des logis-chef Ménétrier, commandant la
brigade de gendarmerie de Pontailler et de Guy Febvret,
fils du maire de Lamarche.
Après le passage d'un
convoi allemand arrosant de tirs d'armes automatiques les
maisons du village, Moissey ne verra plus l'armée
allemande.
Le 9 septembre
1944,
Moissey est
libéré vers midi : arrive sur la place
de la Fontaine, un motard avec un drapeau tricolore
déployé. C'est le gendarme Michel de la
brigade, qui vient en éclaireur. Il doit continuer
vers Pesmes, pour se renseigner sur la position des
unités allemandes. Il n'achèvera pas sa
mission, il sera tué à
Montmirey-le-Château, à la hauteur du
cimetière.
Pendant des heures, les cloches
vont sonner la libération du village. Une cloche,
la plus grosse, en sera fêlée. Mais
après la Libération, la guerre continue, il
n'y a plus la pression de l'occupant, mais les
restrictions demeurent. Heureusement, malgré la
vindicte de certains, le village a échappé
à ce que l'on a appelé
"l'épuration".
Une fois de plus, le village
héberge une unité militaire de la
Première Armée. Elle est formée
d'ex-maquisards de la région toulousaine (1). Elle
partira peu après le jour de l'an, pour continuer
la guerre dans les Vosges et en Alsace.
L'année s'achève
dans l'espoir d'une fin proche, l'offensive allemande des
Ardennes ayant été
stoppée.
1945,
L'année commence dans la
guerre. Les Alliés sont arrêtés sur
le Rhin. Il faut attendre le printemps pour apprendre une
relance de l'offensive des armées
alliées.
Enfin, le 8 mai
1945,
la capitulation allemande est
acquise, mais la découverte des camps
d'extermination et de ses horreurs attristent la joie de
la fin d'une guerre qui aura marqué la France et
divisé les Français.
Le village attend ses enfants
qu'il n'a pas revus depuis cinq ans. Petit à
petit, ils reviennent, bien souvent à pied depuis
Dole. En dehors de la famille, l'accueil n'a pas
été à la hauteur de
l'attente.
Puis la vie redevient normale
au village, avec ses joies et ses peines.
Pierre
Pénez, Moissey, 1994.
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