village de moissey

la tuilerie gallo-romaine de Moissey de plus près

fouilles du lundi 23 juillet 2001 au 5 octobre 2001, parcelle ZA 49.

deux gros fours tuiliers et deux petits fours potiers

on creuse

textes et images de Christel Poirrier, grâce à la gracieuse contribution de Fabrice Charlier, directeur du chantier.

III. Septembre 2001

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9.

mercredi 5 septembre 2001. On se rapproche du centre de la terre.

Mercredi 5 septembre après-midi, le champ de fouilles est en cours d'acquisition de ses lettres de noblesse, ou plutôt d'authenticité. Nous avons surpris le maître des fouilles perché sur une belle échelle d'alu, au pied maintenu par deux assistantes, qui faisait des images "aériennes" des deux fours potiers, avec, posée au sol, la sacro-sainte règle d'archéologue, qui permettra aux clichés de passer archéologiquement à la postérité.

Cependant, le petit diable barbu, aimablement prêté par les mythologies germaniques, avait disparu dans les entrailles du gros four, à plus d'un mètre sous le niveau de la sole pour continuer le dégagement des parties intestines, c'est-à-dire murets et carneaux. Les photos que nous en auront seront désormais souterraines.

A la surface, le reste de l'équipe continue avec soin le balayage des appareillages de tuiles, qu'on découvre de plus en plus souvent entières. Toujours une profusion de tégula pour la construction de ce four, contre quelques imbrex par-ci par-là. Les maîtres d'école de passage ont déjà pris rendez-vous avec M. Charlier pour présenter l'ensemble des découvertes aux écoliers de Moissey et d'Auxonne.

La prochaine belle étape sera de mettre au jour l'aire de chauffe. Il s'agit de l'espace, horizontal, sur lequel se tient debout ou pas, le chauffeur. Cette aire de chauffe est donc le seuil du four. Il aurait été plus logique, et donc plus parlant, de baptiser cette aire "aire du chauffeur", puisque la chauffe proprement dite se débute dans l'alandier pour se poursuivre dans les catacombes du four tuilier. C'est à cette fin qu'est arrivée aujourd'hui une petite pelleteuse proprette et "rutilante".

Jadis, nos princes n'avaient que des trônes et des estrades...

L'alandier qui s'enfuit loin du jour, avec son barbu caché dedans. Les voir en plein écran.

Quand la nuit s'approche, les outils les plus modestes se blottissent.

50 cm de long, la tégula-là

Ces tegula-ci sont sur chant.

Vue d'ensemble du gros tuilier (four)

Ces deux potiers font la causette, c'est romain et gallo qui sont dans un bateau...

Le gros outillage arrive, fier comme Artaban.

10.

mercredi 12 septembre 2001. Quand la vérité jaillira.

Mercredi 12 septembre au matin, le champ de fouilles n'est plus loin de son apogée. En plus de l'éclatante confirmation des quatre fours, un gros tuilier carré, un petit tuilier carré aussi, et plus près de la rivière, deux petits fours, un rond et un en ogive à languette, d'autres éléments émergent encore.

Près des deux petits fours, d'un coup de pelleteuse, est apparu un fossé comblé de tuiles en vrac, un fossé, ou un drain ? La partie basse du champ de fouilles est pompée pour livrer, s'il y en avait, des secrets fondus dans la terre glaise. La pelleteuse vient de dégager ce que les pros appellent l'aire de chauffe du gros four, et que nous appellerions volontiers l'aire du chauffeur, car en effet, il n'y a aucune procédure qui contienne le mot chauffe dans l'endroit où le tuilier pose ses pieds et où il enfourne du combustible. Cette aire est donc à environ un mètre sous le niveau de la sole, comme de bien attendu.

Le scoupe de la semaine, car c'en est un, c'est de découvrir, branchés sur le gros four, deux alandiers (tunnel d'accès aux combustibles), diamétralement opposés, comme si les tuiliers de l'époque avaient décidé de pouvoir enfourner deux fois plus de bois ou en deux fois moins de temps, comme qui dirait un carburateur qui injecterait par deux endroits opposés au lieu d'un. De plus, l'aire de chauffe(ur) récemment dégagée pourrait servir, ou avoir servi, aux deux fours carrés qui ne se touchent que par un coin. Une aire de chauffe(ur) pour deux fours voisins est une belle idée. Deux alandiers pour un même gros four est une découverte insolite, puisque nous avons cru comprendre que c'était la première fois que cela se voyait.

Pour l'heure, rien ne nous dit encore si ces fours carrés fonctionnaient en même temps ou à la même époque, de même que rien ne nous dit si ces alandiers ont servi en même temps ou s'il l'un aurait suppléé à la désaffectation de l'autre.

Tous les fours tuiliers, tous les alandiers (voir en plein écran)

Pelle mécanique, brouette à moteur, fours potiers.

Un fragment de brique peignée.

Travaux de pompage-aspirage.

Travaux de pompage-refoulage.

Mini-pelle et brouette à moteur.

Le fossé comblé de chutes tuilières, ou un drain?

Les murets de soutènement.

L'alandier sud du gros four.

L'alandier nord du gros four, et Frédéric.

11.

jeudi 13 septembre 2001. La communale rend visite aux archéologues.

Jeudi 13 septembre après midi, dès 14 h 30, M. Fabrice Charlier a accueilli les deux classes de l'école du village pour leur faire une présentation très documentée du trésor archéologique "hébergé" sur leur territoire. C'est d'abord la classe du cours moyen, perchée sur le remblai du champ de fouilles, qui a pu embrasser d'un seul regard toute l'étendue du chantier, les lieux de "grattage", la pelle mécanique qui déblayait avec le concours de la brouette à moteur, les archéologues affinant la montée de la sole, ceux qui extrayaient les terres dans les alandiers, ceux qui se livraient à de la topographie large, avec les appareils de mesure (tachéomètre et mire), ceux qui faisaient de la topographie fine avec un mètre-carré métallique quadrillé. Toutes les situations classiques de la fouille classique étaient réunies-là, en même temps.

Ensuite, c'est la classe du cours élémentaire qui a écouté avec attention les explications du maître de fouilles, pendant que les plus grands avaient réinvesti le remblai pour y dessiner, qui le champ de fouilles, qui une scène particulière du lieu.

Les écoliers ont pu se rendre compte de l'état de conservation du complexe tuilier d'environ 1800 années d'âge, du caractère méticuleux du travail et de la patience et de la méthode qu'il implique. Ils ont pu se faire confimer les termes du vocabulaire spécifique qu'ils avaient acquis en classe, au cours des leçons de préparation, comme tegula, imbrex, carneaux, alandiers, soles.

Vers 16 h, l'école au complet regagnait le lieu de ses séances pour y achever les dessins commencés sur le terrain et pour se consacrer au rapport écrit des moments les plus émergents de cet exceptionnel après-midi, empreint, pour quelques instants, d'un émouvant parfum de romanité.

Tous les ingrédients d'un beau chantier archéologique. (le voir en plein écran)

Le maître du chantier guide la visite.

Murets, fouilleurs et topographe.

Les apprenants devant les deux fours potiers.

Dominant la scène, les uns dessinent, les autres écoutent.

12.

mardi 18 septembre 2001. Incroyable, mais cru.

Il ne pleuvait pas que sur Brest ce jour-là, lorsqu'à midi, nous nous sommes rendus sur le chantier pour essayer d'emprunter une tegula et une imbrex (sans succès encore).

D'abord la stupeur de voir des tentes blanches fleurir le lieu et voir grouiller une belle quantité de petits hommes jaunes. Pour la poussée des tentes, nous interrogerons un mycologue, et pour le peuple jaune... il paraît qu'il s'agit d'un chromotropisme (positif) que les archéologues présentent à l'humidité, surtout à celle qui arrive du dessus.

Mais tout cela, ce n'est que la tuile qui cache la tuilerie (pour éviter de dire l'arbre qui aurait caché la forêt, des fois qu'à l'ONF il y ait aussi des susceptibles), car tiens-toi bien ô lecteur fidèle, car les petits hommes jaunes viennent de découvrir encore un four, un tuilier et carré, d'environ de 2 m de côté, entre la station centrale de tuiles à cuire et les deux petits fours potiers. Quand on songe qu'on va anéantir tout cela, alors que l'évidence se dessine, il y a, si ça se trouve, 10, 100 ou 1000 fours sur cette aire...

Il y aura lieu, et ce n'est pas fréquent je vous la corde, de voir dorénavant son cardiologue avant, pendant et après un passage sur ce complexe tuilier, dont on ne sait pas encore s'il est aussi vaste que les Usines d'Alfred Solvay, pour prendre un exemple de proximité. Et l'ananas sur le gâteau, c'est l'émergence d'un alandier de toute majesté qui alimente ce four potier ridiculement rond et de diamètre presqu'indigent. (Quand on fréquente ces endroits, on s'attache, et parfois plus aux argiles cuites et maçonnées qu'aux êtres humains chargés de les débusquer).

Le temps passe et le temps pleut, et c'est pourquoi est arrivée une ravissante et sympathique brouette à moteur, cette fois à chenilles... ce qui au fond, n'annonce pas le printemps. Enfin, si on ne découvre pas un temple à Jupiter dans la semaine qui vient, on peut espérer, mais mal, que l'opération sera bouclée le 5 octobre prochain.

Vue du chantier sous le gris persistant. (le voir en plein écran)

Entre ciel et terre, donc pluie et boue, les valeureux archéologues s'adaptent et s'équipent.

Le 5e four tuilier se prépare à éclore, dans l'intimité de sa tente.

L'alandier du petit four potier rond.

La boue gagne du terrain, mais n'entame pas les enthousiasmes.

13.

mercredi 26 septembre 2001. Quand le paysage lunaire devient romain.

Nous sommes maintenant en plein coeur de l'archéologie. Le paysage mérite d'entrer dans les revues sérieuses qui lui sont consacrées. Tous les fours sont en position émergée. Pendant que certains archéologues fignolent cette émersion, d'autres sont dans les fours, du moins les têtes qui en dépassent nous laissent à penser que tel est le cas.

Près du CD 37, la pelleteuse s'active activement, car on a rencontré un banc de tuiles plates et une fosse. Tout le site est rouge de tuiles, ce qui confirme bien que nous sommes sur un complexe céramiste tuilier. C'est plus beau que Pompéi, sauf que Pompéi a été enfoui puis désenfoui. Dans cet enthousiasme solaire (il faisait très beau) et apothéotique (les archéologues étaient très souriants), une inconnue demeure, après qu'elle ait naquis puis enflé, c'est le devenir de ce chantier. Les riverains ou cantonaux n'arrivent pas à se faire à l'idée de fouilles destructrices, alors que les archéologues ont bien expliqué, et ce à plusieurs reprises, qu'une fouille menée à son terme faisait en détruisant. En effet, alors que l'opinion se contenterait des objets de la gallo-romanité, les professionnels nous ont parlé de protohistorique, mésolithique, néolithique, mots qui certes sont doux, mais pas autant que romanité. Bien sûr, si l'enjeu-objectif est de retourner à la création du monde, il apparaît bien tentant. Des pourparlers qui seraient en cours d'engagement pourraient déboucher sur un compromis qui contenterait les autochtones sans corrompre la trajectoire des scientifiques.

Pour nous qui sommes naturellement ambitieux mais pas tant, nous avons formulé l'hypothèse que Moissey aurait été le nombril de l'Empire Romain, et qu'ainsi la belle et vieille Rome n'aurait été qu'un prête-nom du pouvoir moisseyais-romain. Soumise au discernement du chef de fouilles M. Charlier et ayant essuyé sa moue dubitative, cette hypothèse montrerait qu'elle n'est pas encore suffisamment mûrie, ou que M. Charlier n'aurait pas l'habitude d'hypothèses aussi audacieuses.

Vers le nouveau banc de tuiles plates (en jaune, la pelleteuse).

L'alandier et le contre-alandier.

L'alandier nord et les laborieux.

Nous sommes sur un chantier qui livre enfin ses secrets.

Nous avons surpris ces deux sympathiques brouettes dans leur commerce lyrique.

14.

vendredi 28 septembre 2001. Du pain et des jeux.

Le vendredi 28 septembre 2001, au moment où septembre commence à sentir sérieusement octobre. Ce soir, à 18 h, toute la population de Moissey a été invitée à suivre la leçon ex-tasdeterra produite par M. Fabrice Charlier, qui, malgré ses dénégations modestes, commence à y prendre goût. Attention quand l'heure du sevrage sera venue, M. Charlier sera peut-être bien dépourvu. Avec la même patience et la même détermination, le chef de fouilles a re-expliqué à qui voulait le savoir tout ce qu'il savait sur le complexe tuilier de Moissey. Tout, peut-être pas, car les archéologues, nous n'avons jamais bien osé le dire, sont coquets. Intellectuellement coquets, sinon, ils sont pleins de terre...

La découverte du jour, car il y en a une, et elle date en réalité de plusieurs jours, c'est la mise à jour d'une canalisation d'eau en fonte qui reliait Moissey à Frasne. Cette canalisation, qu'il a fallu continuellement respecter, apporte la preuve que quelqu'un a pu déceler la présence de tuiles romaines au moment de sa pose. En effet, ce tuyau, non seulement passe sur le lieu étudié, mais encore, à maints endroits, il touche, il colle, à des appareils de tegula. L'entreprise qui a donc posé cette conduite, autour des années 1965, a forcément rencontré toutes ces tuiles qui viennent d'émerger aujourd'hui.

Le chef du chantier a expliqué qu'on avait vu l'essentiel de la couche stratigraphique gallo-romaine et qu'il avait bon espoir d'aller voir dessous ce qu'il y avait. Comme M. Jourdain stupéfait de faire de la prose sans le savoir, les indigènes n'ont pas caché leur étonnement de voir qu'il y avait tout cela sur leur territoire et ils sont repartis, convaincus d'avoir découvert un grand continent.

Comme l'équipe archéologique vient d'obtenir une rallonge temporelle d'environ deux semaines, il y a beaucoup à parier qu'elle va nous exhumer encore de l'étonnant. Donc, rendez-vous au mois d'octobre pour la suite, sinon la fin de cette grande aventure.

Industria, populus et, ecclesia.

La foule boit les paroles du prophète.

Le prophète et le peuple, subjugué par la récente romanité du lieu.

La canalisation de 1965 touche différents "bancs" de tuiles.

lire la suite "IV. Octobre 2001"

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autres pages sur la tuilerie gallo-romaine de Moissey

0. La tuilerie gallo-romaine article de presse (Le Progrès, 28 octobre 2000)

I. L'ouverture des fouilles de la tuilerie gallo-romaine, le 23 juillet 2001, suivi de Christel Poirrier

II. Les fouilles de la tuilerie gallo-romaine, août 2001, suivi de Christel Poirrier

III. Les fouilles de la tuilerie gallo-romaine, septembre 2001, suivi de Christel Poirrier

IV. Les fouilles de la tuilerie gallo-romaine, octobre 2001, suivi de Christel Poirrier

V. Le site gallo-romain de Moissey: novembre 2001, suivi de Christel Poirrier

VI. Le site gallo-romain de Moissey: les affaires de décembre 2001, suivi de Christel Poirrier

VII. Le site gallo-romain de Moissey: conférence à Moissey de Fabrice Charlier, le 7 juin 2002

VIII. la tuilerie gallo-romaine, bientôt tous les secrets, par Fabrice Charlier lui-même, août 2005

IX. la tuilerie gallo-romaine, le retour, à l'étude pour l'été 2006

Restitution de constructions de tuiles romaines, sur l'Aire du Jura, avec Fabrice Charlier, tuilologue

Le devenir de la tuilerie, les enjeux d'octobre 2001 (billet d'humeur cantonal)

Ceux de l'enfance remercient ceux de l'AFAN

le parcours archéologique de Fabrice Charlier (1990-2001)

La première maquette moisseyaise d'un four tuilier, par Ivan Perrin, parent d'élève

La maquette du four tuilier à deux alandiers, par David Buliard, élève du CM2

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