la
sablière banale. -dite des Bois de
Moissey-
L'administration des Mines et
Carrières appelle ce genre d'exploitation des
sablières banales, non pas pour dire qu'elles
n'ont pas de caractère industriel, mais
plutôt pour désigner un usage sinon public,
au moins communal. Le mot banal est une survivance du
vocabulaire de l'ancien régime, qui qualifiait
aussi bien le four, le moulin que le
pressoir.
Le territoire de Moissey
contient trois sablières, c'est-à-dire
trois affleurements triasiques, qui sont naturellement
regroupées au même endroit, à
l'hectomètre près.
La plus petite, mais
peut-être la plus mignonne est au carrefour du CD
37 et du Chemin de Poste. Elle est maintenant
tombée dans le domaine privé,
c'est-à-dire privé et clôturé,
et c'est sur la pointe des pieds, depuis un portail
métallique qu'on peut la voir, accueillant des
engins de chantier.
La moyenne n'est pas vilaine
non plus, elle se tient presqu'en face, à 200 m
sur la route en direction du village, et une
barrière à automobiles en interdit
l'accès, mais il n'est pas compliqué d'y
aller voir, à pied. Les habitants l'appelaient
"Sablière des Bois Matherot", puis
"Sablière Dubuc".
La troisième, la grande,
la belle, la vraie, celle qui a son nom dans les archives
municipales et dans le cur des plus anciens, celle
dont nous voulons raconter la vie, se présentait
sur deux niveaux, à peut-être 300
mètres de la Grotte de l'Ermitage. On note sa
présence dans les différents annuaires
dès les années 1850 et il faut comprendre
qu'avant qu'on rédige des annuaires, nos
sablières étaient vraisemblablement
déjà là. On appelait cette
dernière, en 1920, "Sablière des Bois de
Moissey".
Le niveau supérieur
présentait des airs de déjà vu pour
qui connaît la Grotte de l'Ermitage et les
Carrières Meulières. Il faut dire
"présentait" car l'autorité municipale a
dû faire détruire ce site qui était
apparu susceptible d'être dangereux.
Le niveau inférieur,
c'est-à-dire la marche du bas de cet escalier
à deux marches, donnait du sable meulier comme on
en trouve partout dans les constructions du village et
dans les enduits extérieurs des demeures. Ce
sable, c'est ni plus ni moins que du grès vosgien
-de la moulasse- en grains au lieu d'en
conglomérats c'est-à-dire à liant
très meuble. Il en reste encore de grosses
quantités sur les trois sites qui figurent sur la
carte d'Etat Major à l'échelle
1/25 000 mais l'exploitation n'est plus
autorisée. Il faut dire que les
entrepreneurs-maçons d'aujourd'hui ne se fatiguent
plus à s'approvisionner en sable dans ces
endroits, sable qu'il faudrait tirer de son front de
taille, transporter et abondamment laver. Les sables
à bâtir, maintenant propres et
criblés à la bonne taille, proviennent du
fond des rivières voisines, (Doubs, Ognon et
Saône) et arrivent directement sur les chantiers et
à des prix très intéressants, par
exemple la tonne pas plus chère que le kilo
d'agneau dans le gigot.
Mais la nature et la
conjoncture n'ont pas été toujours aussi
prodigues qu'aujourd'hui, et nos aînés, -au
temps où ils ne parlaient guère aux
étrangers et prenaient conjoint dans le même
canton quand ce n'était pas dans la commune-,
étaient bien contents et d'extraire du moellon
meulier, du sable meulier, de la pierre à chaux,
de la glaise tuilière, et de couper du chêne
et du sapin sur place pour faire face à tous leurs
projets de construction.
La sablière banale
était accessible, c'était notoire, à
tous les habitants de la commune et ses capacités
étaient telles qu'il vînt à
l'idée de quelques-uns d'en essayer le
commerce.
oOo
Comme la dernière
concession arrivée à expiration
était celle de M. Téliet, le 13 avril 1939,
la commune se voit autorisée en 1952 à
accorder une nouvelle concession par l'autorité de
tutelle c'est-à-dire les Eaux et Forêts
puisque ces territoires sont soumis au régime
forestier.
L'arrêté municipal
pris par le maire Maurice Besson le 4 avril 1954, sans
vouloir dramatiser est déjà restrictif, il
y mentionne des règles de sécurité
qui sont élémentaires mais qui attirent
l'attention de l'Ingénieur des Eaux et
Forêts, M. Plaisance, qui lui répond qu'il y
a lieu de supprimer les surplombs à coups
d'explosifs et aux frais de la commune, afin d'assurer la
sécurité des ouvriers.
En 1955, la candidature
de M. Laget est abandonnée par lui-même,
En 1960, Camille Roussel
adresse une demande d'exploitation pour le compte des
Sablières de la Serre pour la durée de
l'année 1961. (Bail entre Roger Roussel-Riccardo
Marcolin et la Commune de Moissey en date du Ier janvier
1961 pour une durée de 3, 6, ou 9 années,
c'est-à-dire jusqu'en 1964, 1967 ou 1970, qui leur
permet l'extraction de sable.) Mais la
Société "Sablières de la Serre" se
trouvera dissoute avant d'avoir été
définitive.
Le 9 mai 1966, la
Société Socarmo (Société
Carrières Ranchot Monnières) d'Orchamps,
anciennement Cornu et Bordigoni, retire sa récente
candidature parce qu'il a trouvé sa vie dans une
sablière voisine à meilleurs
prix.
Le 23 septembre 1969,
c'est l'Entreprise Paul Courtot de Chevigny-Saint-Sauveur
qui désire exploiter à cet
endroit.
Puis arrive le tournant de
l'histoire de cette bonne sablière le 5
décembre 1978, par une circulaire
préfectorale qui affirme la responsabilité
des maires des communes en cas d'accident dans de telles
carrières.
Le Maire de Moissey,
Léon Désandes (1965-1979), répond
aussitôt au Préfet, Michel Petit-Uzac, le 26
décembre :
« La Commune de Moissey
possède une sablière d'une surface de 30
ares environ, sise dans la coupe n° 13 de la
Forêt communale de Moissey soumise au régime
forestier, référence cadastrale "Bois de la
Serre A.C. 52".
Les seuls documents officiels
détenus en mairie sont les
suivants :
Arrêté municipal
du 4 avril 1954 enregistré à la
Sous-Préfecture de Dole le 10 avril 1954 fixant
les conditions d'exploitation de la sablière,
avec, notamment interdiction d'attaquer le banc de sable
par la base et obligation d'extraction suivant une pente
de 45 °.
Délibération du
Conseil Municipal du 28 décembre 1960,
approuvée le 16 janvier 1961 qui autorise
l'exploitation de la Sablière, donnée
à une entreprise tout en réservant
gratuitement, une partie de cette Sablière aux
habitants de Moissey.
Procès-Verbal de
reconnaissance de la Direction Générale des
Eaux et Forêts, Inspection de Dole, en date du 27
janvier 1961 concédant l'exploitation de la
Sablière à la Société "Les
Sablières de la Serre" pour un an.
A la faveur de la
liberté donnée aux habitants de Moissey
d'extraire, gratuitement, du sable pour leurs besoins
propres, il est advenu aussi que des entreprises,
travaillant pour le compte de la commune et des communes
du Canton de Montmirey-le-Château, soit à
l'occasion de l'adduction d'eau, soit à l'occasion
du remembrement, ont extrait de cette sablière des
quantités encore plus importantes du
matériau en cause.
Il résulte de ces
extractions, que des mini-falaises et des voûtes de
sable endurci ont été créées
qui pourraient constituer, avec le temps, un
danger.
Sur la demande de la
Municipalité et des Agents des Services de l'ONF,
la Société des Carrières de Moissey
est intervenue, il y a quelques années, pour
tenter de désagréger ces falaises et ces
voûtes.
Les explosifs utilisés
ont été sans effet, ce qui a permis de ne
pas considérer ce problème comme
particulièrement urgent.
L'occasion du rappel de votre
lettre circulaire remet à l'ordre du jour la
sécurité de notre sablière
communale.
Située en Forêt
soumise au régime forestier, il semblerait
souhaitable que les services de l'ONF soient
informés des mesures à prendre.
(...) »
Le nouveau maire du village,
Bernard Chauvin (1979), fait diligenter études,
enquêtes et devis pour démolir ou rendre
inoffensif l'étage supérieur du site, celui
qui contient trois excavations.
Le conseil municipal
décide le 31 août 1979 d'arrêter
définitivement l'exploitation de la
sablière, puis il se tourne vers ses tutelles pour
demander ce qu'il doit en faire.
Le 23 octobre 1980,
l'Ingénieur des Mines, Mr Oury écrit au
Professeur Chauve, Institut des Sciences Naturelles
à Besançon :
« [
]
Après visite des lieux en date du 28 novembre
1980, il apparaît que cette ancienne
carrière est située dans une formation
intéressante du Trias
inférieur.
En effet, le massif granitique
de la Serre est recouvert d'une couche de plusieurs
dizaines de mètres de formations
détritiques à grains de quartz laiteux,
emballés dans une matrice arkosique et argileuse
de teinte rose, présentant de nombreuses
stratifications entrecroisées. Ces niveaux
transgressifs sur le sol granitique correspondent
à un important épandage sur la
pénéplaine ante-triasique. Les
environnements géologiques voisins très
intéressants incitent à conserver en
l'état, la formation du trias inférieur de
l'Hermitage de Moissey.»
Entre l' attrait
géologique et la sécurité des
personnes, les curs balancent. Les lettres entre la
Mairie de Moissey et différents et nombreux
interlocuteurs spécialistes ou administratifs sont
nombreuses.
Le dossier est lourd et lent,
et il est finalement résumé et conclu par
une étude du Bureau de Recherches
Géologiques et Minières (B.R.G.M.) de
Besançon, présentée par C. Javey, en
avril 1981, qui dit :
« I.
Historique.
31 août
1979 :
Décision prise par le
Conseil municipal de Moissey, d'arrêter
définitivement l'exploitation de la
carrière dite "La Sablière".
22 février
1980 :
Réunion du Conseil
municipal au cours de laquelle le maire présente
un dossier de remise en état du site,
établi par les services de l'ONF, centre de Dole.
Après délibération, le conseil
municipal demande à la Direction inter
départementale de l'Industrie, région de
Bourgogne et de Franche-Comté, de présenter
le dossier au Comité Directeur gérant la
taxe sur les granulats.
A cet effet, une fiche de
proposition est établie, dans laquelle les travaux
de réaménagement suivants sont
envisagés :
-briser les mini-falaises de 10
m de hauteur avec talutage à 45°,
-détruire les
voûtes de sable formant multiples
cavernes,
-recouvrir les talus de terre
végétale,
-planter des arbres
(résineux) de même espèce que ceux
qui environnent la carrière.
24 octobre
1980 :
Monsieur le Professeur Chauve,
consulté par la Direction inter
départementale de l'Industrie sur
l'intérêt géologique éventuel
du site de "La Sablière", répond par
l'affirmative et écrit qu'il serait souhaitable de
conserver un front de taille dans la zone où les
stratifications entrecroisées sont les plus belles
et où les risques d'éboulement sont
restreints.
26 mars 1981 :
Dans le but de conserver
éventuellement en l'état le site de "La
Sablière", la Direction inter
départementale de l'Industrie demande au Service
géologique régional de Franche-Comté
du B.R.G.M. d'établir le programme-devis d'une
étude de résistance et de stabilité
à long terme des secteurs susceptibles de
présenter un danger pour la sécurité
des gens.
30 mars 1981 :
Nous avons effectué une
reconnaissance du site et de ses environs, ce qui nous a
permis de faire les observations
suivantes :
II. État actuel
de la carrière.
La Carrière de "La
Sablière" est située au cur du Massif
de la Serre, au lieu dit de "l'Hermitage", à 2 km
au sud-est de Moissey. Elle est ouverte dans les
formations du trias inférieur, constituées
par des sables et des grès grossiers, plus ou
moins consolidés. Ces terrains ont
été étudiés par C. Pernin qui
en donne la description suivante, dans sa thèse de
3e cycle (Besançon, 1978), conforme à ce
que nous avons pu observer:
"Le quartz et les
éléments quartzitiques représentent
80 à 90 % de la roche; les feldspaths 5 à
15 %. La fraction fine contient également
quelques paillettes de muscovite. Les données
granulométriques obtenues en appliquant les
méthodes décrites par J. Periaux en 1961
sont trop partielles pour permettre des conclusions
générales, mais elles confirment les
observations de terrains. La pente des courbes est forte,
donc le sédiment est assez bien trié. La
majorité des éléments est comprise
entre 0,5 et 0,2 mm (médianes des courbes 0,7
à 1,4) ce qui caractérise une
arénite grossière. Mais quelques galets de
quartzite, lydienne
peuvent atteindre 5 cm. La
matrice, essentiellement gréseuse (< à
10%), est peu colorée en rose par les oxydes de
fer. La stratification est assez confuse, les bancs sont
mal individualisés, les stratifications entre
croisées et obliques sont fréquentes. La
puissance de ce niveau est difficile à
apprécier car on passe au suivant par de
nombreuses récurrences de faciès. Nous
l'estimons inférieure à 15 m."
A cette description, nous
ajouterons que la cohérence de la roche a un
caractère souvent lenticulaire et varie rapidement
tant verticalement qu'horizontalement : on observe
ainsi tous les stades depuis le sable meuble, jusqu'au
grès consolidé, assez résistant, en
passant par des grès tendres, plus ou moins
friables.»
La carrière
présente deux fronts de taille
séparés par une plate-forme large de 30
à 40 m.
- Le front de taille
supérieur, haut de 3 m (jusqu'à 330 cm)
forme un arc d'une quarantaine de mètres. Il est
constitué à la base, par des grès
consolidés, friables, à stratifications
entrecroisées bien visibles, au sommet par une
assise d'aspect identique mais plus cohérente,
formant une dalle épaisse de 130 à 150
cm.
-La plate-forme qui
sépare les deux fronts de taille n'a pas
été complètement
déblayée et un cordon de matériaux
en place subsiste au tiers amont de sa
largeur.
-Le front de taille
inférieur a une hauteur de 4 à 5 m et a une
longueur de 80 m. Le talus tient à la verticale,
mais la formation est peu consolidée et plus ou
moins friable.
[NDLR: Certains
écoliers du village de Moissey ont bien connu ce
cordon - qui a l'aspect d'un remblai de voie de chemin de
fer, ou d'une digue de 2 m de hauteur- et ces cavernes
puisque c'est sur l'esplanade qu'ils limitaient qu'ils
venaient faire cuire et manger des poulets avec leurs
instituteurs, à la belle saison, quand
l'année scolaire se fait longue et les programmes
plus légers.
Ils ont bien connu aussi la
plate-forme du bas, puisqu'ils y accédaient sur
leurs fesses par un petit sentier qu'ils avaient
transformé en tobbogan. Là, il y avait des
vestiges des installations, la mare aux têtards,
des chemins jolis et bien tassés, des creux, des
bosses, des genêts, des mousses...
Pour les petits touristes, la
sablière banale est tout autant imprimée
dans le souvenir que l'existence de la Grotte voisine,
dite de l'Ermitage.]
III. Évaluation
du risque.
Deux types de risques existent
dans la carrière abandonnée, l'un au niveau
du front de taille supérieur, l'autre au niveau du
front de taille inférieur.
3.1. Risque au front de taille
supérieur.
Depuis son abandon (qui doit
être ancien), ce front de taille a
été dégradé par des
extractions manuelles effectuées à la base
du gradin, dans le grès friable. Ce travail de
sape a eu pour conséquence de créer des
cavités importantes sous la dalle de grès
plus résistante.
Il est peu probable que ces
grattages aient été effectués par
des particuliers pour se procurer du sable, mais
plutôt par des promeneurs ou des "pique-niqueurs"
du dimanche, adeptes de l'Homme de Cro-Magnon. En effet,
le lieu est très fréquenté car il se
trouve sur le chemin forestier qui conduit à la
grotte de l'Hermitage, site pittoresque qui se trouve 300
m plus loin. Par ailleurs, il est beaucoup plus facile
d'extraire du sable à partir du gradin
inférieur.
Quoi qu'il en soit, on observe
maintenant trois cavités, sortes d'abris sous
roche, dont la profondeur varie de 3 à 6 m et ne
fera qu'augmenter si les grattages (dont on peut voir des
traces très récentes)
persistent.
La cavité la plus
occidentale est la plus importante : elle montre une
ouverture haute de 250 cm, large de 700 cm et s'enfonce
de 500 cm en moyenne sous la dalle gréseuse; elle
s'étend latéralement sur une longueur de 12
m et sa hauteur varie de 250 cm à l'entrée
à 100 cm au fond de l'excavation.
La cavité
médiane, séparée de la
précédente par un pilier large de 5 m, est
haute de 2 m. Son ouverture est longue de 8 m et sa
profondeur maximale [horizontale] de
450 cm.
La cavité la plus
orientale, séparée de la
précédente par un second pilier large de 5
m, est la moins importante : longueur 7 m, hauteur 2
m, profondeur [horizontale] maximale, 3
m.
Malgré son aspect
massif, la dalle qui constitue la voûte des
cavernes n'est pas très cohérente et
présente, en outre, deux sortes de
discontinuité :
-des stratifications
entrecroisées, bien visibles au plafond des
cavités et qui déterminent un
écaillage de celui-ci, avec, comme
conséquence, un amincissement progressif de la
dalle,
-des grandes diaclases
subverticales, orientées Nord-Sud, qui traversent
toute l'épaisseur de la dalle.
Les gens qui fréquentent
ces cavernes, et a fortiori ceux qui en grattent les
parois, sont exposés à deux
risques :
-un risque quasi permanent de
chutes de pierres sous forme de petites écailles
qui se détachent du plafond,
-un risque, beaucoup plus grave
quant aux conséquences, d'effondrement du toit,
consécutif à une rupture par cisaillement
de la dalle gréseuse soit au niveau d'une
diaclase, soit au niveau d'un amincissement de
celle-ci.
3.2. Risque au front de taille
inférieur.
Le front de taille
inférieur fait l'objet d'une extraction sauvage,
localisée à son extrémité
occidentale. A cet endroit, sur toute sa hauteur (de 3
à 4 m), le talus est taillé dans un sable
à peine consolidé, très friable.
L'extraction provoque un sous-cavage et la mise en
surplomb de la partie supérieure du talus qui
risque de s'écrouler et d'ensevelir les personnes
imprudentes creusant au pied.
IV.
Intérêt Géologique du
Site.
Pour le géologue, un
affleurement qui permet d'observer une formation sur
plusieurs mètres d'épaisseur est toujours
intéressant et c'est le cas pour la
carrière de "La Sablière". Cependant, en
toute objectivité, nous pensons qu'ici,
l'intérêt géologique est très
relatif et qu'en tout état de cause, il ne
mérite pas la mise en uvre de moyens de
réaménagements coûteux qui
permettraient à la fois de sauvegarder
l'affleurement et d'assurer la sécurité des
personnes. Pour justifier cet avis, nous avons trois
arguments :
-les sables et grès du
Trias inférieur sont visibles dans deux autres
carrières ouvertes sur le territoire de la commune
de Moissey, à quelques centaines de mètres
de la carrière de l'Hermitage, de part et d'autre
du CD 37 (x = 842,65 ; y = 247,6 et x = 842,60 ; y
=247,30). Ces deux affleurements sont d'ailleurs pris
comme types de la formation par Monsieur C. Pernin (page
32).
-il aurait été
intéressant de d'observer, dans la
carrière, le contact des sables et des grès
du Trias inférieur, et du socle cristallin sur
lequel ils sont transgressifs. Or, ce n'est pas le cas et
C. Pernin signale dans sa thèse, page 38, qu'il
n'a observé nulle part ce contact, dans le Massif
de la Serre.
-restent les stratifications
entrecroisées qui sont bien visibles sur le front
de taille supérieur de l'exploitation. Mais cette
particularité s'observe également dans les
deux carrières citées ci-dessus. Elle n'est
d'ailleurs pas propre aux grès du Trias
inférieur et on l'observe fréquemment dans
d'autres formations secondaires (Bajocien
supérieur, Callovien par exemple).
V.
Réaménagement de la
Carrière.
Dans son état actuel, la
Carrière de "La Sablière" représente
un danger pour la sécurité des personnes
et, ne serait-ce que pour cette raison, elle doit
être réaménagée.
Si on décide de
conserver le front de taille supérieur, il n'y a
que deux solutions :
-ou bien, on trouve un moyen
efficace pour interdire totalement l'accès au
front de taille et, du même coup on supprime le
risque
-ou bien on maintient le libre
accès. dans ce cas, il faut protéger les
parois de façon qu'on ne puisse plus y effectuer
de grattages et le seul moyen serait de recouvrir
celles-ci d'une couche de béton projeté.
Dans ces conditions, c'est l'intérêt
géologique du site qui disparaît, sans
préjuger de l'effet esthétique.
Si l'on décide de
réaménager la carrière sans tenir
compte de l'intérêt géologique, le
plan de réaménagement prévu dans la
fiche de proposition établie début 1980 (cf
paragraphe I) nous paraît tout à fait
satisfaisant car il permet, dans des conditions
financières acceptables, de supprimer les risques
d'accident et d'intégrer le site dans son
environnement naturel.
VI.
Conclusions.
Dans son état actuel, la
carrière de "la Sablière" à Moissey,
représente un danger réel pour la
sécurité des personnes.
L'intérêt
géologique du site perd beaucoup de sa valeur
quand on sait qu'à quelques centaines de
mètres de là, deux autres carrières,
ouvertes dans la même formation, permettent de
faire les mêmes observations. Ce critère ne
nous paraît donc pas déterminant dans le
choix d'un plan de réaménagement dont
l'objectif essentiel doit être de supprimer tout
risque d'accident.
En conséquence, nous
pensons que le plan de réaménagement, tel
qu'il a été défini par les services
de l'ONF est tout à fait valable et mérite
d'être retenu. Actualisé, le coût de
cette opération devrait s'élever à
72 000 F TTC environ. »
Le 20 mai 1987, le Maire de
Moissey, Bernard Chauvin, rédige un rapport de fin
de travaux dans lequel on peut lire :
-que les travaux de
terrassement ont été réalisés
en 1983 par une entreprise locale, avec un brise-roche
puissant et sans explosifs,
-que le montant des travaux est
resté dans l'enveloppe arrêtée en
1981,
-que les services de l'ONF ont
effectué en 1984 et 1985 les plantations
décidées, et poursuivent tous les ans le
complément de plantations.
-que cette opération de
réaménagement s'est déroulée
sans problème majeur, si ce n'est quelques
réflexions agressives de la part de certaines
personnes (deux) regrettant la disparition des cavernes
s'apparentant à des grottes
naturelles.
oOo
Au cours de cette longue
aventure, on a pu remarquer que le nud du
débat était de texture géologique,
à savoir, cette sablière qu'on voulait
raser faisait-elle double emploi avec les deux
autres ? Oui et non.
Oui à l'époque
des études du cas. Non aujourd'hui, puisque les
deux autres sont sur le domaine privé et
interdites d'accès.
Il semble, avec du recul, qu'on
ait peut-être un peu surestimé le danger que
présentaient ces sablières, mais n'est-ce
pas là la définition de la
sécurité ? C'est à dire admettre une
marge de protection supérieure à la normale
pour gagner la certitude que le danger est
complètement écarté.
christel poirrier,
1993.
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