(
) Numa Magnin est
né en 1874 à Fort-du-Plasne (
), il
devient orphelin (
) lorsqu'il a huit ans.(
)
Sa mère meurt des suites du froid encouru sur un
traîneau découvert pris pour aller accoucher
aux Planches. C'est sa marraine d'un côté et
sa grand-mère maternelle de l'autre qui prennent
en charge son éducation. Son père est
cordonnier et du fait de son instruction il tient en plus
les comptes de la fromagerie du village. Jusqu'en 1888 il
fréquente l'école de Fort-sur-Plasne
où il a pour maître Monsieur Humblot dont le
tombeau a été offert par la commune en
remerciement pour son dévouement à
l'ensemble de ses élèves. Celui-ci l'incite
en 1886 à passer l'examen des bourses pour rentrer
au lycée; il est reçu deuxième du
département mais le Conseil Général
du Jura (alors politiquement conservateur) décide
cette année-là de n'accorder qu'une seule
bourse afin de ne pas faire profiter de cette chance un
fils de républicain radical. Ceci oblige Numa
Magnin à poursuivre de 1888 à 1891 sa
scolarité à l'école primaire
supérieure de Champagnole. C'est là qu'il
prépare le concours d'entrée à
l'École normale de Lons-le-Saunier où il
reste trois ans. Admissible à l'École
normale supérieure de Saint-Cloud, il se voit
offert d'assurer un poste d'enseignant à
l'École normale de Rodez où il ne reste
qu'un semestre, rejoignant celle de Belfort où il
enseigne également un semestre. Il part faire son
service militaire de 1895 à 1896, avant de
rejoindre l'École normale supérieure de
Saint-Cloud où il reste deux ans. Il y
fréquente assidument le Louvre et les
théâtres. Il part ensuite deux ans à
Munich et en Autriche grâce au
bénéfice d'une bourse. À son retour
il enseigne trois ans l'allemand à Mirecourt
où se trouve l'École normale des Vosges.
Reçu au concours de l'Inspection de l'enseignement
primaire, il est nommé dans l'Ain à Nantua
en 1903 et y reste près de trois ans. C'est
là qu'il se marie avec une enseignante de
l'école primaire supérieure de
Saint-Claude. Ils auront une fille en 1905 et un fils en
1912. Il poursuit sa carrière d'inspecteur des
écoles communales dans l'arrondissement de Gray,
dans le Sud de la Haute-Saône (
). En janvier
1908, il commence à Belfort sa carrière de
Directeur d'École normale par la direction de
celle du département du Haut-Rhin resté
français. (
) En octobre 1914, suite au
décès de l'inspecteur primaire du lieu, il
cumule jusqu'au début de 1919 cette fonction avec
celle de Directeur de l'École normale. Sa
responsabilité d'inspecteur couvre durant quatre
ans, la petite partie de l'Alsace reconquise et
gardée au-delà du 26 août 1914, soit
91 communes autour de Thann, Masevaux et Dannemarie. Ce
sont des instituteurs soldats qui sont chargés des
classes qui y sont réouvertes pour les
garçons en janvier 1915, les fillettes ayant droit
quant à elle à des soeurs. Il quitte
Belfort pour Besançon en 1921 où il dirige
jusqu'en 1936 l'École normale du Doubs; il sera
l'un des organisateurs du défilé de 6 000
enfants parcourant en 1931 Besançon pour
célébrer le cinquantenaire des lois
laïques. (
) La perte de son fils en 1940
l'affecte énormément et il n'a plus rien
écrit au-delà de cette date; il
décède le 31 janvier 1958.
(
)
Auteur de pièces de
théâtre, il produit à la
charnière du XIXe et du XXe
siècle
Les contrebandiers du
Mont noir où il
met en scène des personnes et décrit des
lieux qui renvoient aux villages de Foncine-le-bas,
Entre-deux-monts et Fort du Plasne.
Dans Ma fille sera
parisienne, il
évoque l'exode rural, tandis que la pièce
Qu'il s'en
aille raconte une cabale
contre un instituteur.
Quand
même
présente les doutes qui assaillent un
instituteur laïc sur le sens, la portée de
son travail et le rôle que la Société
fait jouer à l'école.
Trop parler
nuit est une caricature
à l'encontre des enseignants qui "parlent trop,
trop vite et trop fort" au détriment de
l'expression de leurs élèves;
Rechardy
est joué sans qu'il ne soit jamais
édité. Deux uvres s'inspirent de
grands classiques Le
songe d'une nuit d'hiver d'un
normalien
où c'est contrairement à notre attente
une intertextualité avec le Faust de Goethe qui se
dessine et Les quatre
musiciens de la ville de
Besançon
qui est un clin d'il aux
célèbres Musiciens de Brême de
Grimm. Si ces pièces de théâtre ont
un impact très localisé sur la
Franche-Comté, par contre sa série de trois
ouvrages autour du personnage surnommé
la
Bique va
assurer à Numa Magin une renommée
nationale. (
) C'est durant les bombardements
aériens qui frappent nocturnement Belfort pendant
la Grande guerre que Numa Magnin invente pour distraire
son fils les aventures qui réunies donneront lieu
à l'édition de l'ouvrage
Histoire de la
Bique. Il s'inspire
largement de son vécu, n'hésitant pas
à reprendre le nom exact de l'instituteur de son
propre village mais s'il fait naître le
héros par une nuit de très grand froid en
1874, comme ce fut son cas, par contre il lui donne une
mère qu'il n'a pas personnellement eue et un
père fermier. Dans l'ensemble des trois volumes,
l'auteur insiste sur les valeurs éducatives que le
héros reçoit de ses parents, de son
maître ou que l'expérience d'autres rapports
humains lui apportent. Le texte fournit également
au jeune lecteur un recul sur le sens de ses
désirs et la transformation progressive qui
accompagne son enfance. Parmi les villageois, l'auteur
choisit de camper de fortes personnalités qui
servent de prétexte à différents
récits qui gardent une certaine autonomie.
L'Histoire de la
Bique remporte un
grand succès dès sa parution en 1927, ce
qui explique qu'il soit retenu dans la liste
élaborée en 1950. La dédicace est
une longue plainte sur la désertification des
villages montagnards (thème que l'on retrouve dans
sa pièce de théâtre
Ma fille sera
parisienne) et le
contenu de ce livre permet de comprendre les
mentalités qui y régnaient il y a 120 ans.
L'ouvrage raconte l'enfance à la fin du
XIXe siècle d'un petit Franc-comtois
plein de malice mais aux grandes qualités
morales.(
)
Ce livre est suivi de deux autres récits à
quelques années d'intervalle, le second tome de la
série s'intitule
La Bique en
apprentissage. Nous
sommes en contact avec des milieux professionnels fort
variés, puisque le héros s'essaie à
divers métiers et ce volume complète
utilement la vision que l'on peut avoir de la vie de la
société provinciale urbaine et rurale des
débuts de la IIIe république. Le
thème de la contrebande y réapparaît
ponctuellement lorsque le jeune héros se retrouve
embrigadé dans une aventure dont il sortira avec
une meilleure compréhension de
l'illégalité et des dangers de mort qui
entourent cette activité appelée localement
celle des "pacotilleurs" lorsqu'elle est exercée
par des enfants et "grand métier" quand ce sont
des adultes qui la pratiquent. Toutefois l'auteur
n'hésitera pas à réutiliser dans le
dernier volume, cette thématique fort riche du
passage illégal de marchandises pour mettre une
nouvelle fois le héros, cette fois-ci
trompé par un mauvais homme au Saut du Doubs, aux
prises avec les douaniers. Ce troisième titre
La Bique en
voyage, permet de faire
le tour de la Franche-Comté et (
) fait
évidemment penser au
Tour de France par deux
enfants de G. Bruno; son
intérêt vient également du fait que
le héros y exerce le métier de rebiqueur
qui consistait à savoir réparer tout ce qui
pouvait à la ferme comme à la maison
s'abîmer. «Le rebiqueur était l'homme
à tout faire. Il raccommodait, rajustait,
rafistolait les seaux, les paniers, les pendules, la
vaisselle, les parapluies. Il était boisselier,
vannier, horloger, vitrier». Du fait de cette
profession attribuée à La Bique, la visite
touristique et l'étude des caractères des
habitants de différentes entités
territoriales va de soi. C'est pourquoi tant par la force
qui porte chaque petite intrigue, que par son contenu
éducatif évocateur des problèmes que
chacun doit gérer dans la construction de sa
personnalité et que par son aspect ethnographique,
les trois ouvrages de Numa Magnin méritent
d'être redécouverts, ils ont
été réédités en 1990
et 1991 (
).
Alain
CHIRON
|