Cet opuscule, qu'on peut lire sur ce site, est
né des espérances de Jean-Marcel
Téliet et de la conjoncture de la France
occupée. Dès l'arrivée de l'occupant
en 1940, l'activité d'extraction de l'Eurite de
Moissey s'est considérablement ralentie, manque de
commandes tout autant qu'indisponibilité
d'ouvriers. A ce moment-là, Jean-Marcel
Téliet, qui ne voulait pas rester à ne rien
faire, avait envisagé de se mettre à
l'agriculture raisonnée, disons une agriculture
qui serait née des principes de l'industrie. C'est
ainsi qu'il avait fait venir Alex
Lachat comme maître de culture.
En 1942, Monsieur Téliet pensait et
écrivait que le sol, tel qu'il servait
jusqu'à présent, ne pouvait pas nourrir son
homme. Il avait imaginé que chaque ouvrier
pourrait vivre de deux mamelles, l'industrie et
l'agriculture. Pour ce qui est de l'industrie, il faisait
allusion à la carrière, pour ce qui de
l'agriculture, il avait réfléchi pour que
chaque famille fasse de la terre une activité
vivrière, certes, mais
vivrière-rationnelle.
Il est édifiant de voir comment un
ingénieur des Arts et Métiers avait pu
concevoir un tel projet. Il faut dire que M.
Téliet avait une imagination qui tranchait d'avec
la pensée de l'époque et de l'endroit. Un
demi-siècle plus tard, on continue à
entendre dire de lui qu'il était génial ou
qu'il était fou. Génial, certes, il
semblait l'être. Fou, sûrement guère,
mais excessif, vraisemblablement. Mais cet aspect
fantasque n'est-il pas la marque du
génie ?
Naturellement, ceux qui travaillaient sous sa
férule le trouvaient bien assez autoritaire, mais
ses collègues ingénieurs, comme M. Emile
Gaveau, pensaient plutôt que c'était un
grand bonhomme.
Emile Gaveau, le père de Joseph, qui dirigeait
Moulin Rouge, et Jean-Marcel Téliet se
rencontraient régulièrement,
ingénieurs tous les deux, pour confronter leurs
visions et enrichir leurs méthodes. Le petit
Joseph accompagnait souvent son père et il a
retenu de ces rencontres que le maître-carrier
avaient des idées bien avancées pour son
époque.
Parmi elles,
- le projet d'une autoroute qui
relierait Besançon et Dijon mais qui passerait
par Moissey...
- livraison du gravier jusqu'à Rochefort
pour être acheminé par le train, des
trémies sont encore visibles à la gare
de Rochefort...
- projet de télébennes pour le
transport sur Rochefort...
- canal allant de Moissey jusqu'à la
Saône à Auxonne...
- constructions de maisons individuelles pour
le personnel avec les matériaux
inutilisés dans l'exploitation de la
carrière.
Mais le projet qu'il décrit dans son opuscule,
qui le rapproche de la pensée des Utopistes
francomtois du siècle précédent, et
que nous vous offrons à lire, reste un morceau
d'anthologie et nous donne à penser qu'il est
décédé bien trop tôt, bien
avant d'avoir pu exprimer et réalisé la
vision qu'il avait de l'avenir. Il n'est pas sans
rappeler, d'une certaine façon, la vision de
Claude-Nicolas Ledoux avec sa Cité Idéale
(Arcs-et-Senans).
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