Monsieur,
Depuis bien long-temps il n'est question que de vous
dans nos parages. Ce n'est pas que je trouve surprenant
qu'on s'occupe d'un homme de votre mérite, qui est
plus qu'ordinaire si l'on en croit les personnes qui vous
entourent. On vous dit pantoglosse, orateur sans pareil,
écrivain plus étonnant encore, et
par-dessus tout cela, prototype des professeurs de
rhétorique: voilà sans doute bien des
titres pour que l'on vous distingue de ces obscures et
chétives notabilités de notre village, que
vous traînez à la remorque, troupeau, trop
crédule dont vous exploitez la sottise et la
vanité en votre qualité de pasteur. Je
conçois donc que, lumière unique au milieu
de tant d'obscurité, vous attiriez tous les
regards.
Mais vous êtes fameux par une autre
espèce de célébrité,
célébrité à l'Erostrate, et
c'est de celle-là dont je veux vous entretenir un
moment. Beaucoup de personnes de bonne foi et
désintéressées dans vos querelles
blâment votre obstination à demeurer dans
une commune où vous ne faites et ne pouvez faire
que le mal, et condamnent sans appel cette conduite
scandaleuse qui a porté au loin votre nom. Je vous
avouerai sans détour que je suis de leur avis, et
comme il est convenable d'appuyer son jugement sur des
motifs de détermination, je vais essayer, monsieur
l'abbé, de vous faire voir que c'est à
juste titre que vous ne jouissez point de mon estime, ni
comme prêtre, ni comme homme. Vous me
répondrez peut-être que peu vous importe mon
estime, que vous faites peu de cas d'un obscur roturier
de mon espèce, mais vous saurez que beaucoup de
personnes recommandables dont vous ne pouvez
mépriser le jugement, ont eu la malignité
de me souffler à l'oreille leur manière de
voir sur votre compte, et j'ai vu sans étonnement
qu'elle était conforme à la mienne, c'est
aussi ce qui m'enhardit à vous dire ce que je
pense de vous, persuadé que je ne ferai
qu'exprimer l'opinion générale à
votre égard.
Vous me pardonnerez mon peu d'habileté, homme
si éminemment professeur de rhétorique. Des
méchants disent bien que vous étiez
professeur d'une classe que vous auriez dû balayer,
mais je ne les crois pas, car on vous accorde des
talents, et je regrette seulement d'en être
privé dans cette circonstance, pour tracer avec
cette éloquence qui vous est propre, votre
brillante conduite à Moissey; mais, à
défaut des crayons de Clio, je tâcherai de
dire la pure vérité, de ne jamais mentir,
et en cela de ne pas ressembler à certaine
personne de votre connaissance. Or, sans plus de
préambule, vous savez, et il est inutile de vous
rappeler que c'est péché mortel en fait de
rhétorique, que de faire de longues digressions,
car, dit un grand maître en cette matière,
festina ad ventum, aussi je cours à grands pas au
fait, et m'y voici.
Je vous ai dit précédemment que vous
n'aviez mon estime ni comme curé, ni comme homme;
c'est chose bien facile à sentir, pour peu que
l'on ait d'intelligence, et que l'on ne soit pas
semblable à la vieille noblesse et à
l'émigration, dont l'entendement, dit
Châteaubriand, est comme un cachot
voûté, muré, sans porte, sans
fenêtre, sans soupirail, sans aucune issue à
travers laquelle puisse se glisser le moindre rayon de
lumière. Pour vous juger, je ne m'appuie que sur
vos actions.
Vous êtes accusé, monsieur le pasteur,
d'avoir refusé à deux femmes dangereusement
malades, la satisfaction de faire venir chez elles le
prêtre qui depuis long-temps jouissait de leur
confiance, d'en avoir laissé mourir une sans
confession par suite de votre obstination dans votre
refus, et d'avoir forcé l'autre à se
confesser à vous, malgré la
répugnance qu'elle manifestait de vous prendre
pour dépositaire de ses secrets. Or, est-ce
là une conduite louable de la part d'un
prêtre vénérable (je ne crois pas
mieux faire que de qualifier M. Antoine
Désiré Droz de l'épithète que
dans son extrême modestie il se prodigue si
largement, lorsqu'il rédige des pétitions
en sa faveur) ? Ceux que vous qualifiez d'impies,
d'athées, d'énergumènes, de loups
enragés, etc..., l'ont trouvée indigne et
ont proclamé à l'unanimité que les
dernières volontés d'un mourant devaient
être respectées même par un
prêtre, et les personnes religieuses plus
exigeantes ont changé la phrase, et ont dit,
surtout par un prêtre ministre de consolations dans
ces momens douloureux. Je ne sais si vous partagez l'avis
de ces impies, de ces personnes pieuses; méditez
bien sur cette question, et vous déciderez dans
votre sagesse, si elles ont tort ou raison.
Maintenant vous allez sans doute me demander les
preuves à l'appui de cette accusation ? Vous devez
bien penser, mon très vénérable
abbé, que, raisonneur scholastique, ne
procédant que par ergo et par atqui, et qu'ayant
affaire à un homme aussi habile que vous, dont le
bras est tout puissant et la plume invincible, expression
modeste dont se sert M. Droz en parlant de lui, j'ai
dû me munir de preuves contre lesquelles vinssent
se briser et votre éloquence et votre
crédit.
Quoique votre esprit soit très
préoccupé, il pourrait bien se faire
cependant que vous eussiez souvenance que le maire
Tournus perdit sa femme et y a quelques années;
chrétienne par éducation, pieuse par nature
et par conviction, cette femme s'était
confessée toute sa vie, elle avait de ces
idées que nous autres impies, appelons
préjugés de vieille, et que vous, gens de
religion, honorez du nom de vertus quand ça vous
fait plaisir; avec de pareilles habitudes, elle ne
pouvait donc mourir en règle sans confesseur !
N'ayant aucune confiance en vous, sans doute encore par
préjugé, elle vous fit instamment prier de
permettre à un curé du voisinage (le
curé du Mon-Mirey-la-Ville) de venir recevoir sa
confession. Les instants pressaient, mais vous
élevant au-dessus de supplications qui ne peuvent
qu'amollir des curs sans fermeté dans une
résolution prise, jamais vous ne voulûtes
lui accorder cette consolation, et par suite de
l'obstination que vous avez mise à lui refuser,
elle est morte sans recevoir les derniers secours de
l'Eglise. Probablement que cette malheureuse
décédée brûle maintenant dans
les enfers par votre faute; gare aux cornes de Satan,
monsieur l'abbé !
Vous avez pour voisine la veuve de J. Durot, femme au
moins septuagénaire; il est sans doute peu de
jours que sa présence ne vous rappelle la
manière peu catholique avec laquelle vous avez
violenté la répuguance qu'elle avait
à se confesser à vous. Presque à
l'article de la mort, cette femme vous pria et vous fit
prier de permettre à un prêtre voisin qui
jouissait de sa confiance depuis nombre d'années,
de venir l'assister dans ses derniers moments, qu'elle
croyait arrivés. Vous avez poussé le
despotisme jusqu'à lui dire qu'elle se
confesserait vers vous, ou qu'elle ne confesserait pas;
que jamais (en parlant du prêtre qu'elle
désirait et qui était M. le curé de
Mont-Mirey-le-Château, ancien capucin), vous ne
souffririez qu'un f
. capucin vienne confesser dans
votre paroisse. Pour toute consolation vous avez offert
à cette femme un prêtre nouvellement
arrivé; ainsi elle se vit forcée de choisir
entre deux prêtres en qui elle n'avait aucune
confiance.
De ceci je conclus qu'il est démontré,
par le fait, que vous être un prêtre
irréligieux, en laissant mourir une femme sans
sacrements, parce qu'elle ne veut pas vous accepter pour
confesseur; sans délicatesse, en usant
tyranniquement du droit que vous avez d'exercer
exclusivement votre ministère à Moissey,
pour forcer une confiance que vous ne pouvez capter par
vos qualités religieuses.
Une faute en entraîne souvent une autre; votre
conduite à l'égard de la veuve Durot avait
scandalisé les athées; alors vous
sentîtes la nécessité d'avoir une
pièce qui pût démentir le bruit qui
s'était répandu. C'est à cet effet
que, lorsque la veuve Durot entra en convalescence, vous
la fîtes appeler à la cure ainsi que J. B.
Durot, son fils, votre marguillier alors. Vous leur
proposâtes de faire, devant deux témoins
présents chez vous, et prêts à
recevoir leur déposition, une
dénégation de votre conduite à leur
égard; mais vous ne reçûtes qu'un
refus et un démenti formel qui vous mirent en
fureur. Le fils et la veuve Durot furent
maltraités dans votre maison par les personnes qui
s'y trouvaient, et vous démîtes de son
emploi un marguillier, parce qu'il n'avait pas voulu
déposer contre la vérité. Cette
veuve Durot, qui vit encore, a attesté par
écrit toutes les circonstances de la
déplorable comédie que vous avez
jouée à son égard, ainsi qu'à
celui de son fils.
De ceci je conclus, 1° que vous avez des amis
vraiment trop zélés pour vous lorsqu'ils se
permettent de maltraiter des personnes qui ne vous font
d'autre mal sue de refuser de déposer contre la
vérité; 2° que vous me donnez une
triste idée de vos principes religieux, lorsque
vous engagez de vos paroissiens à faire une
semblable déposition.
Ce qui me fait croire, monsieur l'abbé, que
vous avez oublié ce commandement de Dieu qui dit :
Faux témoignage ne diras et ne mentiras
aucunement; 3° qu'il est très immoral de
votre part de mettre un homme dans l'alternative, ou de
perdre un emploi nécessaire à son
existence, ou de sacrifier sa conscience.
Un prêtre qui refuse son ministère pour
une cérémonie nuptiale, ou qui ne consent
à le prêter que sous condition, non
seulement n'est-il pas irréligieux, mais encore
est-il dans son droit ? Cette question que je vous
adresse m'est suggérée par le fait suivant,
qui nous indique, de deux choses l'une, ou que vous
ignorez vos devoirs et vos obligations, ou que vous les
violez sciemment, ce qui est moins pardonnable.
Après s'être marié en mairie avec
la fille Ruisseau, le sieur J. B. Gaillard s'adressa
à vous pour la cérémonie religieuse
d'usage. Quoiqu'il n'était pas nécessaire
qu'il reçût l'absolution d'un prêtre;
qu'une simple et unique confession suffisait, vous avez
exigé qu'il s'approchât plusieurs fois du
tribunal de la pénitence, et dans toutes ses
confessions vous l'avez violemment importuné, pour
l'engager à signer un écrit dont vous ne
vouliez pas lui laisser lire le contenu; mais J. B.
Gaillard ne voulut jamais souscrire à vos
pressantes sollicitations. Enfin, ne pouvant vaincre une
résistance aussi énergique, vous vous
vîtes obligé de lui accorder votre
absolution; absolution que vous aviez d'autant plus
ajournée, que le futur vous manifestait un
désir plus vif de se marier au plutôt,
espérant, par la temporisation, fléchir une
ténacité qui déconcerterait celle
qui vous est si naturelle. Ce n'était qu'une
circonstance pressante, qui pouvait arracher une
signature à un caractère aussi inflexible;
le difficile était donc d'amener cette
circonstance; mais vous êtes fécond en
expédients de ce genre, aussi ne suis-je nullement
étonné de l'habileté avec laquelle
vous l'avez fait naître. Le jour où J. B.
Gaillard reçut l'absolution, vous lui
promîtes de le marier le lendemain avant le soleil
levé, c'était bien matin pour vous qui ne
dites jamais votre messe avant la dixième heure;
aussi était-on étonné de cet
excès de zèle de votre part; mais on put
bientôt se convaincre que vous n'aviez pas
dérogé à vos habitudes, et que ce
rendez-vous nocturne n'était qu'une
méchanceté de votre part, car
déjà depuis trois heures la noce vous
attendait à l'église, et vous ne paraissiez
nullement; on était alors en hiver, et trois
heures d'attente suffisent dans cette saison pour
refroidir les plus fervents : on vous refroidirait
à moins, monsieur l'abbé, quoique vous
ayiez la tête bien chaude et le cur
embrasé de l'amour de Dieu et de votre
prochain.
Aussi leur impatience était grande; mais, au
lieu de venir exécuter votre promesse de la
veille, vous envoyâtes chercher le futur pour lui
parler encore de l'écrit en question, et les
premières paroles que vous lui avez
adressées en le voyant entrer chez vous, furent
celle-ci : « Signe l'écrit dont je t'ai
parlé et je te marie de suite, ou sinon, je ne te
marie pas ! » Jugez l'insidieux d'une pareille
promesse jointe à la menace. Indigné de
votre mauvaise foi et de l'espèce de
guet-à-pens que vous tendiez à sa
conviction, que toute votre éloquence n'avait pu
émouvoir, J. B. Gaillard se montra plus
inébranlable que jamais, et tandis qu'il vous
rappelait votre promesse de la veille, quelques-uns de
ses parents qui étaient revenus de
l'église, et qui étaient presque
aussitôt que lui entrés à la cure,
vous demandèrent la raison du refus que vous
faisiez de prêter votre ministère.
Après en avoir connu le motif, ils
déclarèrent que le futur apposerait sa
signature à l'écrit déjà
mentionné, s'il ne contenait rien de contraire
à la vérité et la justice. Mais, au
lieu de répondre à leur demande et de leur
en faire lire le contenu, vous avez apporté un
cahier de papier non écrit, et proposé
à J.B. Gaillard de vous livrer sa signature en
blanc. Votre proposition révolta tellement tous
les assistants, que l'un d'eux vous fit fort bien
observer quel usage vous pouviez faire d'une pareille
signature ! Cette observation, que je rapporterai point,
dénote assez le peu de confiance que vous leur
inspiriez. Chacun s'en retourna chez soi et la
célébration n'eut pas lieu. La fille
Ruisseau et J. B. Gaillard ont cohabité pendant
six à huit mois sans avoir reçu la
bénédiction nuptiale, et
l'évêque du diocèse, informé
de votre conduite à leur égard, a
été obligé de déléguer
M. le curé de Dammartin pour les marier,
après vous avoir inutilement adressé les
injonctions les plus pressantes, d'avoir à
satisfaire à votre devoir.
Voilà un fait, monsieur le pasteur, et un fait
que toute votre rhétorique ne saurait
détruire; une telle logique est plus forte que la
vôtre; par une telle conduite, vous avez
violé nos lois civiles, parce qu'un prêtre,
considéré comme salarié de l'Etat,
peut être forcé à exercer son
ministère sitôt qu'il en est requis, et que
pour les personnes pour lesquelles on le requiert se
trouvent dans des dispositions qui ne sont point
contraires aux lois de l'Eglise. Dans ce cas le
prêtre, que tout employé du gouvernement ne
peut se dispenser d'exécuter quelque devoir qui
rentre dans ses attributions sitôt qu'il y est
appelé.
Cette question a été soulevée
aux assises du Jura dans une accusation portée
contre un prêtre du canton d'Arbois. Le
défenseur de ce prêtre l'a résolue
dans le sens que je viens d'indiquer, pour montrer
par-là qu'un jury n'avait pas le droit de
prononcer contre un fonctionnaire ecclésiastique,
sans une autorisation spéciale du conseil d'Etat
(cette autorisation n'est plus exigée en vertu
d'une décision nouvellement rendue, et l'on peut
poursuivre un prêtre devant les tribunaux
ordinaires), et en cela, il faisait rentrer les fonctions
de prêtre salarié, dans celle d'agent du
gouvernement qui, par une disposition de la constitution,
de l'an 8, ne peut être mis en jugement sans
l'autorisation préalable du conseil d'Etat. «
Un curé, est-il dit dans un mémoire relatif
à cette accusation, peut être forcé
même de remplir certaines fonctions, comme, par
exemple, l'administration des sacrements de mariage et de
baptême. » Tel est l'avis du défenseur
d'un de vos confrères : il condamne
entièrement votre conduite en cette
circonstance.
Je conclurai de ceci,
1° que vous avez fait acte
irréligieux en refusant de marier Jean Baptiste
Gaillard avec la fille Ruisseau ;
2° que vous avez violé vos engagements
envers l'Etat qui vous paie chaque année pour
faire votre devoir ;
3° que ce serait un droit monstrueux qui vous
serait accordé, si vous pouviez refuser votre
ministère toutes les fois qu'on ne voudrait pas
souscrire à des conditions que vous
imposeriez.
A qui la faute si l'on ne se marie plus maintenant
à Moissey devant l'Eglise ? Ce n'est
assurément ni la faute de Rousseau, ni la faute de
Voltaire, mais de vous-même, mon très
vénérable pasteur. Dans vos prônes,
vous déclamez contre l'impiété,
l'irréligion qui gagnent tous les esprits ! «
Sainte religion, vous écriez-vous dans votre
enthousiasme évangélique, qu'êtes
vous devenue ? Avez-vous abandonné des mortels
indignes de vos bienfaits ? » Homme pieux, vous
répond cette religion en souriant, l'heureux
siècle que le nôtre, de t'avoir pour censeur
et pour modèle ! Heureux surtout le pays qui te
possède pour pasteur ! La piété va
renaître dans Moissey, puisque tu es tombé
du ciel pour la conversion des pécheurs !
Voudrais-tu cependant m'apprendre où tu puises
tant de calomnies, de mensonges et de bassesses ? Est-ce
moi qui te les inspire ?
Le nommé Joseph Seblon, ayant perdu un enfant,
il y a quelques mois, vous fit prier, par demande verbale
et écrite, de venir rendre les derniers devoirs
à la dépouille mortelle de cet enfant; mais
demande verbale, demande par écrit, tout fut
inutile auprès de vous. Vous imposiez une
condition, et l'on était assez récalcitrant
pour ne pas y obtempérer; c'eût
été folie d'espérer, qu'esclave de
vos devoirs, vous abandonneriez de vos
prétentions. Jamais, dans le passé, vous
n'aviez donné l'exemple d'un pareil sacrifice;
aussi n'eût-on pas manqué de vous appliquer
le quantum mutatus ab illo, si vous eussiez montré
que désormais vos ressentiments étaient
muets devant vos obligations. Après plusieurs
démarches infructueuses, les parents de l'enfant
se virent dans la nécessité de le faire
enterrer sans les cérémonies d'usage. En
vain prétendiez-vous que l'enfant n'était
pas baptisé; c'était une
méchanceté de votre part, car vous
n'ignoriez pas qu'il l'avait été à
Biarne; mais vous profitiez de la circonstance urgente
où se trouvaient les parents qui ne purent sur le
champ vous exhiber un extrait des registres de cette
commune, pour vous venger, au mépris des lois
canoniques qui ne vous prescrivent de refuser votre
ministère pour l'enterrement des chrétiens
que dans trois cas seulement, à ce que je crois;
savoir : celui d'excommunication, de schisme et
d'apostasie. Ainsi, par exemple; si lors de ce petit
accident, qui vous causa tant de
désagrément, vous étiez convenu
à mourir après avoir continué
l'exercice de vos fonctions curiales à Moissey, au
mépris de l'interdit lancé contre vous, les
prêtres, vos confrères, auraient
été dans leur droit en vous refusant la
sépulture, parce qu'alors vous étiez
excommunié. (M. Droz se dit lui-même
excommunié, lorsqu'il n'était qu'interdit,
dans un article aussi absurde que mensonger, qu'il fit
insérer dans la Quotidienne, il y a quelque temps
: les habitants de Moissey n'ont pas cru qu'il
méritât la réfutation.) Mais cet
enfant de quelques mois n'avait pu ni apostasier, ni
soulever de schisme; ni attirer comme vous, sur sa
tête, les foudres de l'Eglise, pour ses
iniquités et ses prévarications.
Que diriez-vous d'un énergumène qui
s'amuserait, par manière de
récréation, à asperger, avec l'onde
sainte, la face des chrétiens qui vont à la
messe ? Quoique votre vocabulaire soit très riche
en expressions foudroyantes, j'ai cependant la certitude
qu'il serait en défaut. Tous les anathèmes
lancés contre l'irréligion par les plus
éloquents et les plus énergiques
défenseurs de la foi, seraient insuffisants, pour
vous. Les expressions obligées d'impie, de
profanateur, de sacrilège, etc..., seraient
prodiguées par vous avec une rare habileté.
Eh bien ! si l'on osait vous dire que vous êtes cet
impie, ce sacrilège, aussitôt le monde
bigot, de se récrier à la calomnie !
Cependant il est plus d'une personne qui a reçu
sur la figure des preuves matérielles de votre
impiété. Ce sont des faits que toute la
crédulité des sots en votre
infaillibilité de saurait détruire, et
quand même tout le monde hypocrite qui n'agit et
n'aboie que d'après vos ordres, vous proclamerait
très pieux, très saint homme, vous n'en
seriez pas moins un impie par vos actes; Dieu, qui
connaît la vérité, vous juge tel, et
en dépit des uns, et à la satisfaction des
autres, vous enverra griller en enfer, au milieu des
brebis galeuses de votre paroisse.
Rappelez-vous les abus répétés
que vous avez faits de votre goupillon, à
l'église; sur un grand nombre d'exemple, je me
conterai d'en rapporter un, parce qu'il a donné
plus de scandale que les autres. Le dimanche après
la Toussaint, année 1828, le maire Tournus alla
à la messe, s'il vous en souvient; vous descendiez
l'église en donnant l'aspergès, lorsqu'il
la montait pour se rendre au banc de la mairie. En
l'apercevant, vous avez aussitôt trempé
votre goupillon dans le bénitier, qu'un enfant de
chur porte derrière le prêtre, lors de
cette cérémonie. Arrivé près
de vous, le sieur Tournus se jeta de trois pas sur l'un
des côtés de votre chemin, pour laisser le
passage libre; mais ne voulant pas laisser
échapper votre proie, vous vous êtes
avancé de trois pas contre lui, en agitant votre
goupillon saturé d'eau à quelques pouces de
son nez, à tel point qu'il fut aveuglé un
instant, et obligé de s'essuyer la figure. Vous
êtes d'origine française, et en cette
qualité, né malin, selon l'opinion d'un
judicieux critique; aussi ne suis-je nullement
étonné que l'esprit d'à-propos vous
ait inspiré une espièglerie qui a
scandalisé beaucoup de personnes pieuses, assez
sottes pour concevoir une mauvaise idée de vos
principes religieux; je vous avouerai, dans ma
simplicité naturelle, que je pense aussi comme
elles, et en effet, il me semble que c'est ravaler votre
caractère de prêtre, que de vous permettre
une action semblable; et que si vous avez, monsieur
l'abbé, des dispositions et un goût
décidé pour le tréteau, il serait
convenable de vous exercer ailleurs, et surtout de ne pas
vous adresser à des hommes qui n'étant
point nés histrions, comme vous, et par
conséquent nullement dans l'intention de cultiver
ce genre de talent, vous seraient infiniment
obligés, si vous vouliez bien les exempter une
autre fois de jouer la comédie avec vous, dont la
supériorité est trop grande pour
paraître sur la même scène; d'ailleurs
ils me chargent de vous dire qu'ils attachent quelques
idées de vénération à tout ce
qui tient à leur religion; ainsi, ils respectent
les égalises, quand ils sont dedans surtout, les
personnes pieuses qui les fréquentent, et
même les soutanes et les habits sacerdotaux des
mauvais prêtres, tant ils sont
hérissés de préjugés, les
bonnes gens ! Aussi c'est ce qui fit que le
débonnaire Tournus, qui est bien loin d'avoir
secoué les vains préjugés, comme M.
le curé Antoine Désiré Droz, se
contenta de suivre le précepte de l'Evangile, en
s'essuyant modestement la figure, au lieu de
répondre à une telle provocation. Il est
des personnes moins pacifiques qui, répondant
à votre impertinence, se seraient attirées
une mauvaise affaire sur les bras; car la loi du
sacrilège existait alors, et vous pouviez, en
vertu de cette loi, vous permettre tout dans votre
église. Vos énergumènes n'ont jamais
douté que votre plus vif désir, dans le
temps, était, lorsque vous vous serviez de ces
moyens, aussi irréligieux qu'insultants,
d'agression, de vous faire frapper ou interpeller dans
vos fonctions sacerdotales, pour avoir la douce
satisfaction de les traîner sur les bancs des
assises. Aussi, s'ils ont contracté l'habitude de
ne jamais paraître à l'église lorsque
vous officiez, vous ne devez l'attribuer qu'à la
crainte qu'ils ont de se trouver dans la pénible
nécessité de répondre à de
telles provocations. Je pourrais, si cela était
nécessaire, rapporter mot pour mot, plus de vingt
ou trente procès-verbaux signés par de
nombreux témoins, et enregistrés à
date utile, qui font foi de la dégoûtante
éloquence dont vous faites longuement usage,
presque tous les dimanches, dans vos prônes, contre
des personnes qui, ayant assez de bon sens pour vous
juger, ont aussi assez de conscience pour ne pas devenir,
comme tant d'autres, les fauteurs d'une conduite aussi
blâmable que la vôtre; mais il serait trop
long de les reproduire en entier. Je me contenterai
seulement de vous dire qu'il n'entre point dans les
devoirs d'un prêtre vénérable comme
vous, que vous faites même un abus monstrueux du
monopole de la parole qui vous appartient, à
l'Eglise, lorsqu'avec cette mélodie d'organe qui
vous caractérise, vous vociférez
hebdomadairement les épithètes charitables
d'énergumènes, de loups enragés, de
brebis galeuses, d'impies, d'athées, de docteurs,
de philosophes du siècle, de crapule
raffinée, de brouillons, de mauvais génies,
de faiseurs de faux certificats et de faux
procès-verbaux. Ce langage de halle n'a
flatté l'oreille que de ce qu'il y a de moins
respectable à Moissey, tandis que la plupart des
personnes réputées pieuses, sous vos
prédécesseurs, en ont été
alarmées, et ont déserté une
église où, au lieu des douces paroles de
l'Evangile, elles n'entendaient plus que les diatribes
les plus révoltantes. Ici je dois faire remarquer
une certaine adresse de votre part, qui ne m'a point
échappé. Lorsque vous apercevez à
vos offices des personnes dont vous redoutez le jugement,
vous savez contenir ces torrents de fiel qu'il est si
doux pour vous d'exhaler en gigantesques paroles;
d'où je conclus que lorsque vous convertissez la
chaire de vérité en chaire de mensonge, de
médisance et d'invectives scandaleuses, ce n'est
point extravagance de votre part, mais
méchanceté calculée, puisque, quand
vous le voulez, vous savez vous contenir dans les bornes
des convenances. Ainsi, beaucoup de personnes usent de
charité à votre égard, en vous
appelant fou, cerveau fêlé, pour ne pas vous
flétrir d'une épithète moins
honorable. Je ne releverai point le cynisme de cette
expression, crapule raffinée, mais je vous dirai
seulement avec un satyre latin :
Non ne igiturjure ac merito vitia ultima
fietos,
Contemnunt scauros et castigata
remordent..
En effet, depuis que vous demeurez à Moissey,
ne voyons-nous pas journellement un essaim de
faméliques, à face patibulaire, bivouaquer
à votre table, et plus encore à celle de
votre stupide Sancho, dont l'imbécillité
est passée en proverbe dans le pays ? quel nom
donnerez-vous donc à ces gloutons dont la faim et
la soif immensurables vous coûtaient si cher dans
le temps, et qui ne se rendaient chez vous que pour se
repaître de débauches de tout genre ? Les
appellerez-vous crapuleux ceux qui se forment à
votre école ? les appellerez-vous brebis galeuses
ceux qui ont pour les conduire un pasteur tel que vous ?
Et vous, vieillard dépravé, quel sera votre
nom ? trouvez, si vous le pouvez, une
épithète digne de vous. Si l'on consulte
seulement cet il où sont peintes la
fourberie et la méchanceté satanique qui
vous caractérise, il annonce assez un cur
pervers et un esprit vindicatif; enfoncé dans une
orbite profonde, on croirait qu'il a honte de voir la
lumière, et qu'il n'y roule qu'avec crainte;
témoignage authentique d'une conscience noire
comme votre soutane, il vous trahit malgré
l'assurance que vous affectez, et cette voix glapissante,
anomale et prophétique que vous faites retentir
avec accompagnement de gestes tous plus ridicules et
extravagants les uns que les autres, qu'annonce-t-elle,
sinon un jeu calculé, un rôle
étudié méchamment et hypocritement
pour faire des dupes dont vous exploitez à votre
profit la crédulité et le fanatisme, en
vous disant persécuté, comme un second
J.-C. ? Car votre modestie va jusqu'à faire une
telle comparaison. Enfin, monsieur l'abbé, que
vouliez vous faire sinon de crapuleux, lorsque, quelques
jours après votre rentrée triomphante
à Moissey, vous enivrâtes des jeunes gens
grossiers et sans principes ? Qu'aviez-vous fait de ces
jeunes gens, sinon des loups enragés
lorsqu'après les avoir gorgés de vin et de
nourriture, ils se répandirent comme des furieux
dans le village, vociférant des injures capables
d'allumer la guerre civile ? Les cris d'à bas tels
et tels se firent entendre, c'était
désigner des victimes : vos sbires allèrent
jusqu'à tirer des coups de pistolets à
quelques pouces de la figure des personnes paisibles, qui
ne voulaient point prendre part à votre joie.
D'après les instigations de qui cette jeunesse
s'est-elle portée à de tels excès ?
Je ne pourrais vous accuser positivement, parce que je
n'aurais pas les pièces suffisantes pour vous
convaincre; mais il me sera permis de dire en passant,
car ceci je puis le prouver, que vous vous être
écrié au milieu de l'orgie que vous
célébriez avec ces jeunes gens : Ne
craignez rien, mes enfants, car apprenez que j'ai bonne
tête et vous bons bras. De telles expressions sont
significatives; elles me donnent le droit d'avoir de ces
convictions qui équivalent à la certitude.
A des qualifications aussi grossières
qu'injurieuses, vous ajoutiez dans vos prônes la
médisance et la calomnie. Ainsi vous appeliez
gratuitement les fabriciens dilapidateurs, et les filles
énergumènes, filles
déhontées. Vous me permettrez, monsieur
l'abbé, de vous faire quelques remarques sur de
pareilles imputations. Lorsque vous accusez les
fabriciens de dilapidation, êtes-vous fondé
? avez-vous des preuves à l'appui d'une accusation
aussi grave ? avez-vous seulement de fortes
présomptions ? Dans l'un et l'autre cas, vous
feriez bien d'éclairer le public; je vous y engage
le premier, afin de savoir à quoi m'en tenir; mais
autrement, et tout le monde sera comme moi, je ne puis,
sur votre parole, soupçonner des probités
intactes. Si vous me disiez que certains de vos
prosélytes sont des dilapidateurs, je vous
croirais plus facilement, et j'aurais mes raisons pour
cela. Ces raisons sont faciles à sentir, c'est
qu'on soupçonne plutôt des hommes
généralement méprisés ou
juridiquement flétris, que des hommes
réputés honnêtes. Vous n'ignorez pas,
mon très pieux et très
vénérable abbé, que toutes les sales
réputations de Moissey se sont successivement
groupées autour de vous, pour devenir tout
à tour vos plus zélés et vos plus
fermes soutiens. Mais, en accusant les fabriciens de
dilapidation, ne seriez-vous pas Catilïna accusant
Cicéron de conspiration ? En effet, sur six
membres composant le bureau de fabrique, six disent
à qui veut l'entendre que vous avez fait
éprouver à cet établissement une
perte qu'ils estiment de quinze cents à deux mille
francs. Je les crois plus fondés que vous; ils
s'appuient sur un fait, et l'éloquence des faits
est assommante ? Ces messieurs disent que vous, Antoine
Désiré Droz, gardez chez vous un ancien
registre des délibérations de la fabrique,
que vous n'avez jamais voulu leur rendre, à eux,
responsables des intérêts de cet
établissement. Les injonctions formelles qui vous
furent adressées par les autorités tant
civiles qu'ecclésiastiques, de leur remettre ce
registre, les sommations qui vous furent faites par les
fabriciens au nom de ces mêmes autorités
ecclésiastiques, font foi de ce que j'avance;
parmi un grand nombre de pièces à l'appui
de cette assertion, je me contenterai de rapporter une
lettre de monseigneur l'évêque de
Saint-Claude, relative à cette affaire, et qui
exprime l'opinion qu'il avait déjà de vous
à cette époque.
Monsieur
le maire, je n'ai reçu qu'aujourd'hui vos
deux lettres des 25 et 26 par lesquelles vous
m'informez que M. Droz s'obstine à refuser
de vous remettre le registre des
délibérations de la fabrique. Rien ne
me surprend plus de la part de ce prêtre
fougueux, violent, emporté. Je
défère sa conduite dans ces
dernières circonstances, par le même
courrier, à M. le préfet, qui prendra
les mesures coercitives en son pouvoir, pour
obliger le sieur Droz à se dessaisir enfin
du susdit registre, et à vous le remettre.
M. Droz ne doit pas s'étonner que j'aie
cessé toute relation quelconque avec lui
depuis plusieurs mois; il sait fort bien qu'il a
épuisé ma bonté, ma patience,
ma charité paternelle, et qu'il a perdu mon
estime et ma confiance. Je ne puis plus
correspondre avec un prêtre qui s'est fait un
système d'insubordination et de
révolte contre Dieu et le roi, en outrageant
journellement et publiquement, comme il a la
sacrilège audace de le faire; leurs
représentants dans ce département, et
en foulant aux pieds les avis, les conseils, les
leçons, les ordres qu'il reçoit
d'eux. Je vous engage et vous exhorte, monsieur le
maire, ainsi que tous les pieux habitans de
Moissey, à prendre patience et à
avoir pour M. Droz les égards respectueux
que vous devez à votre curé;
gardez-vous bien d'imiter, par votre conduite
envers lui, celle si coupable et si scandaleuse
qu'il tient envers son évêque, le
représentant de Dieu dans ce diocèse.
Agissez de manière qu'il n'ait jamais aucun
reproche fondé à vous faire contre
aucun de vous; donnez-lui en toutes choses, au
contraire, l'exemple de la soumission et du respect
qu'il vous refuse avec une satanique
opiniâtreté, quoiqu'il vous le doive
comme prêtre et comme curé. Viendra le
moment, du moins je l'espère, où je
pourrai vous donner un autre pasteur, selon le
cur de Dieu, qui nous fera oublier, à
vous et à moi, ainsi qu'à toute la
paroisse que j'ai tâché, par tous les
moyens en mon pouvoir, et sans succès,
depuis deux ans, de ramener à des principes
et à des sentiments dont il n'aurait jamais
dû s'écarter.
Veuillez
agréer, etc.
Signé
Antoine Claude de CHAMONT,
Evêque
de Saint-Claude
Or ce refus obstiné de leur donner ce
registre, ne peut me faire soupçonner que de deux
choses l'une, ou que vous avez fait subir à ce
registre de graves altérations, et que maintenant
vous n'osez le livrer, crainte de vous compromettre; ou
bien que vous l'avez retenu dans l'intention de favoriser
l'ex-trésorier qui était redevable d'une
somme assez considérable à la fabrique, et
qui ne pouvait être poursuivi sans ce registre
où il rendait ses comptes. Vous n'ignorez pas que
lorsque vous fûtes excommunié, comme vous le
dites, un des vicaires-généraux du
diocèse, conjointement avec nos fabriciens,
après avoir procédé à une
enquête sur les lieux, se vit obligé de
faire une transaction avec cet ex-trésorier, ne
pouvant lui faire rendre des comptes en règle,
faute du registre en question. En vertu de cette
transaction, il se reconnut redevable envers cet
établissement d'une somme de seize francs; et les
anciens fabriciens, qui avaient arrêté son
dernier compte, estimèrent qu'il était
débiteur de plus de trois mille et quelques cents
francs. Tirant une conclusion toute naturelle de cet
exposé de fait, je dis : M. l'ex-trésorier
ne se rappelant probablement pas la somme dont il
était redevable à la fabrique, n'a
payé que seize cents francs lorsqu'il lui en
devait plus de trois mille; la fabrique a
été forcée à une telle
transaction par suite de la soustraction de l'ancien
registre des délibérations faite par M.
Droz, curé de Moissey, qui le retient encore
illégalement; donc ce M. Ant. D. Droz est cause du
déficit qu'éprouve la fabrique.
La fabrique doit percevoir dans les enterremens et
autres cérémonies religieuses,
moitié des cierges donnés par les
fidèles, et l'autre moitié appartient au
curé, mais alors la fabrique est obligée de
pourvoir à l'éclairage. Cette moitié
de cierge, calcul fait, lui rapporte cent cinquante
francs par an. Eh bien ! monsieur l'abbé, on vous
accuse d'avoir retenu tous les cierges pendant huit ans,
sans en avoir voulu rendre aucun compte, et sans
dédommager en rien la fabrique qui, malgré
votre retenue, ne cessait de fournir à
l'éclairage. Or, monsieur l'accapareur de cierges,
huit fois cent cinquante fr. font douze cents francs que
vous enlevez à cette fabrique; depuis deux ou
trois ans seulement, vous éclairez assez
mesquinement, dit-on, votre église, quoique vous
n'ayez pas plus le droit de le faire même en
prétextant que vous suffisez à cet
éclairage, qui encore, si l'on en croit ceux qui
fréquentent vos offices, n'est entretenu qu'avec
le produit des quêtes que vous avez l'impudence de
faire tous les dimanches à cet effet. Mais qui
d'ailleurs vous a chargé de cet éclairage ?
Ce n'est point votre profession que celle de fournisseur
d'huile et de cire : la fabrique aurait-elle par hasard
refusé les choses nécessaires au culte ?
Dans ce cas vous seriez un peu dans votre droit; mais
vous savez bien que, fidèle au mépris que
vous affectez pour toute justice, vous vous êtes
constamment opposé à ce que les sieurs
François Frères et Joseph Godillot, qui
avaient successivement obtenu publiquement au rabais
l'adjudication pour les fournitures d'église,
n'exécutassent leur marché. Les fabriciens
ont obéi à la loi en mettant en
adjudication les fournitures de l'église, et vous,
vous allez contre la loi, en vous réservant un
droit qui ne vous appartient pas. Il faut croire que vous
êtes grassement dédommagé, car
autrement, vous n'auriez pas mis tant d'obstination
à repousser les fournisseurs naturels. De tout
ceci, nous concluons deux choses : la première,
que c'est mettre le comble à l'impudeur de la
calomnie que de chercher à flétrir
publiquement, comme vous l'avez fait, la
réputation d'honnêtes gens, en les arguant
faussement de dilapidation; la seconde, que si quelqu'un
a ruiné la fabrique en agissant d'une
manière contraire à ses
intérêts, personne plus que vous n'y a
contribué.
Si je me suis attaché à vous
démontrer que vous avez lésé les
intérêts de la fabrique, je ne chercherai
pas d'un autre côté à prendre la
défense des filles de vos philosophes du
siècle; lorsqu'avec ces traits d'éloquence
qui vous sont si familiers, vous les apostrophiez par ces
expressions accablantes de filles
déhontées; il faut convenir que ce sont
là des mouvemens oratoires qui font honneur
à votre talent. Le mot déhonté
signifie qui a dépouillé toute honte, et,
appliqué à des femmes, on sait ce qu'il
veut dire. J'ignore jusqu'à quel point une partie
des filles de Moissey a abjuré la pudeur. Un
pareil reproche dénote de votre part une
connaissance toute spéciale de leur conduite, et
moi je l'ignore entièrement, car il n'entre point
dans mes habitudes de m'informer de ce qui ne me concerne
pas. Aussi ne pourrais-je vous convaincre logiquement
d'avoir calomnié en les accablant d'une pareille
imputation; je suis même persuadé que vous
avez dit vrai pour certaines d'entre elles; et en effet,
ce serait aller contre l'expérience des temps, ce
serait même tomber dans l'absurde, que de soutenir
que sur un certain nombre de filles, il n'y en a pas qui
deviennent déhontées comme vous les appelez
si adroitement, pour ne pas dire la chose par son nom. Je
respecte la vérité lors même qu'elle
est défavorable aux personnes dont je prends les
intérêts. Aussi ne vous attendez pas
à me voir épuiser toutes les ressources de
la logique pour vous prouver que toutes les filles de vos
impies sont des Lucrèces; loin de moi cette sotte
prétention ! mais en qualifiant ces filles
d'énergumènes déhontées, vous
avez supposé que dans le nombreux cortège
de saintes filles qui vivent dans votre
atmosphère, aucune n'était
déhontée. En soutenant une telle
hypothèse, vous tombez vous-même, mon saint
abbé, dans l'absurde que j'ai voulu éviter
en abandonnant la défense de mes clientes,
relativement au reproche que vous leur faites de ne
savoir plus rougir de rien. Vous allez évidemment
contre l'expérience de tous les siècles
qui, comme je l'ai dit plus haut, nous fait voir que sur
un nombre donné de filles, il y en a toujours
quelques-unes qui deviennent déhontées.
D'un autre côté, vous mentez sciemment, en
prétendant que l'on ne voit à votre cure,
ou dans votre milice féminine, que des vierges
sans taches. Si les personnalités pour ce genre
d'accusation n'étaient interdites par les
convenances, vous n'ignorez pas que je pourrais vous
citer plus d'une de ces vierges à votre
manière, dont la conduite passée
dépose contre la vérité de votre
assertion. En passant je me permettrai de vous adresser
une petite question : peut-être vous
paraîtra-t-elle un peu indiscrète, mais vous
voudriez bien me la pardonner en raison de la franchise
avec laquelle je vous parle de tout ce qui vous concerne.
Pourriez-vous me dire, monsieur l'abbé, pourquoi
une de vos nièces, après avoir resté
chez vous cinq à six ans, au milieu de jeunes gens
de toute condition, a disparu tout à coup, et que
depuis cette époque on ne la voit plus à
votre cure ? Cet exil d'une de vos chères
affections a suggéré à tous vos
athées qui pensent toujours mal de leur prochain,
un étrange supposition.
De ceci nous concluons que vous avez médit, si
vous n'avez pas calomnié, en vous servant en
chaire de ces expressions filles déhontées,
pour qualifier des filles qui étaient
scandaleusement personnifiées, par l'opinion
qu'elles et leurs parens professaient à votre
égard; en second lieu, qu'il ne vous appartient
pas de parler de filles déhontées, à
vous qui n'ignorez pas qu'à votre rentrée
triomphante à Moissey lors de votre
réintégration, trois ou quatre de ces
filles que Voltaire appelle avec son esprit ordinaire
défuntes pucelles, marchaient à vos
côtés et devinrent les héroïnes
de votre fête; à vous, qui n'ignorez pas que
pendant des années entières, votre maison
n'a été qu'un lieu de scandale pour toute
la commune, scandale qui n'a cessé que par la
disparition d'une de vos nièces qui attirait
à votre cure officiers de garnison, jeunes
sacristains et jeunes gens de toute profession avec
lesquels elle passait des journées
entières. Si vous étiez sincère,
vous avoueriez franchement que lorsque vous
déshonorez votre ministère par des
philippiques aussi grossières que calomnieuses,
vous avez bien moins en vue les intérêts
d'une religion qui vous commande tout le contraire de ce
que vous faites, que de servir des passions haineuses.
Que vos paroissiens violents les lois de vigile et
d'abstinence,qu'ils n'aillent ni à confesse ni
à la messe, qu'ils ne croient pas à
l'infaillibilité du pape; qu'ils révoquent
en doute l'existence des miracles, etc, c'est ce qui vous
tient peu à cur. A Moissey, pour jouir de la
réputation d'homme pieux, il faut faire tout autre
chose que dans le reste du monde chrétien. Je
pense qu'ailleurs il n'est qu'une voie pour gagner le
ciel qui, encore, dit-on, est bien étroite; pour y
arriver il faut suivre ce que prescrit l'Evangile, mais
à Moissey il est un autre moyen de se faire ouvrir
le séjour des élus, c'est d'être
servile observateur des volontés de M. A. D. Droz,
qui se dit infaillible, et dont le bras tout puissant et
la plume invincible, comme il le répète
sans cesse, ne craignent ni évêque, ni
préfet, ni roi, ni enfer, ni Dieu, ni diable.
Vous avouerez cependant, monsieur l'abbé, que
parmi vos plus fervens chrétiens, on compte de
bons petits anachorètes, d'une
austérité vraiment alarmante, qui, les
jours de jeûne et d'abstinence, vous
dévorent sans le moindre scrupule, absolument
comme feraient des impies, chair de porcs et de brebis;
des honnêtes gens flétris par les tribunaux,
dont la probité m'est encore suspecte, quoique
vous les ayez déclarés mortels trois fois
saints et les ayez rendus dépositaires de votre
confiance; des Saint- Augustins à la conversion
desquels on ne croit pas plus qu'à la vôtre;
on y compte des mécréants s'il en fût
jamais, raisonnant comme les philosophes du
siècle, qui vous diront, par exemple, que la
consécration de l'hostie n'est plus un article de
foi; que le mystère de la Trinité est une
absurdité, et mille autres mauvaises plaisanteries
de ce genre. Voilà comment raisonnent et agissent
vos ouailles fidèles, pour le plus grand nombre,
et je ne vois pas pourquoi vous ne les stygmatisez pas
comme tant d'autres par cette causticité
d'expressions que vous inspire l'honneur de
l'impiété et de l'athéisme. C'est
que, comme je viens de le dire, ces adeptes applaudissent
aux paroles et aux actions du maître, et cette
complaisance leur vaut des passeports pour la terre de
salut, tandis que le reste de vos paroissiens, qui vous
sifflent, est irrévocablement destiné par
vous à être rôti de toute
éternité.
Lorsqu'on reçoit en dépôt une
somme ou un effet, est-on obligé d'en rendre
compte ? Tous les honnêtes gens, quand on leur
adresse une pareille question, répondent que oui.
Or, vous ne pouvez ignorer, et je veux que le public
sache aussi que le nommé J. B. Durot (ce Durot
n'est pas de la même famille que ceux dont j'ai
déjà parlé) père,
trésorier de la confrèrie du
Saint-Sacrement, possédait un billet de deux cents
et quelques francs, appartenant à cette
confrérie; que, pendant plusieurs années,
vous l'avez tourmenté pour qu'il vous remît
ce billet, et qu'enfin ne pouvant résister
à vos importunes sollicitations, il se
décida à vous le confier; mais
bientôt il s'en repentit; à l'article de la
mort, il fit part à ses enfants de la crainte
qu'il avait d'en être responsable devant Dieu, dans
le cas, disait-il, où vous viendriez à ne
pas rendre compte de l'effet en question; il engage
même ses deux fils à payer ces deux cent
trente francs à la confrérie, tant il avait
peu de confiance en vous. Jusqu'à présent
vous semblez avoir justifié les prévisions
de ce vieillard religieux, mort depuis cinq à six
ans, car depuis cette époque, vous n'avez pas
encore daigné rendre compte du dépôt
qui vous a été confié, donnant pour
excuse légitime que personne n'a le droit de vous
le réclamer. Les deux fils Durot ont
attesté, ainsi que beaucoup d'autres personnes, ce
qui vient d'être dit, et l'attesteront encore s'il
le faut. Serait-il vrai, pasteur très pieux et
très vénérable, qu'ayant
sollicité trois hommes, vous ayez réussi
à faire signer à deux d'entre eux une
fausse déposition contre le maire Tournus,
déposition qui, en vertu de la loi du
sacrilège qui existait alors, ne tendait rien
moins qu'à lui faire passer quelques années
dans les bagnes. Faites attention à ce que vous
allez répondre. Il serait sans doute honorable
pour vous de pouvoir me dire à haute et
intelligible voix, vous êtes un imposteur, c'est
une infâme calomnie; mais prenez garde qu'en me
traitant ainsi, je n'établisse par des preuves que
vous ne sauriez récuser, qu'à une action
aussi noire vous ajoutez comme à votre ordinaire
l'impudence du mensonge. Cette accusation est grave;
aussi vous pouvez croire que, si je dénonce au
public un pareil acte d'improbité, c'est que j'ai
dans les mains les pièces nécessaires pour
vous convaincre. Il répugne sans doute à
tout esprit honnête de croire qu'un prêtre
ait pu dégrader jusqu'à ce point son
caractère; mais quand la chose existe, je ne puis
faire qu'elle n'existe pas.
Or, voici comment le fait s'est passé : J'ai
dit plus haut que vous aviez démis de ses
fonctions de marguillier le sieur Durot, pour n'avoir pas
voulu attester devant témoins qu'il était
faux que vous, Antoine Désiré Droz, ayant
forcé sa mère à se confesser
à vous. D'après la loi, vous ne pouviez lui
interdire que ses fonctions à l'église;
mais toujours vous vous êtes cru au-dessus de la
loi. Aussi, pour compléter votre vengeance envers
un homme assez consciencieux pour refuser une approbation
contraire à la vérité, vous vouliez
encore le priver de l'emploi de fossoyeur, qui dans les
temps ordinaires fut toujours confondu avec celui de
marguillier. Un jour qu'il creusait une fosse (cette
fosse était destinée à Philibert
Guilley, si vous avez bonne mémoire) vous lui
ordonnâtes d'avoir aussitôt à cesser
son travail; étonné d'une pareille
injonction, et ne sachant que faire en cette
circonstance, Jean Baptiste Durot vint trouver le maire.
Quoique paysan de campagne, comme vous voulez bien
l'appeler, près de nos préfets, dans vos
pétitions, rustica progenies, le maire sait
cependant que la police du cimetière rentre dans
ses attributions; aussi rassura-t-il votre
ex-marguillier, en lui promettant de faire son possible
pour le conserver dans son emploi. Il importait au maire
Tournus d'informer les autorités
supérieures de votre conduite en cette
circonstance; mais il ne voulut le faire qu'après
avoir appris de votre propre bouche si vous aviez
réellement troublé Jean-Baptiste Durot dans
ses fonctions de fossoyeur. Le dimanche suivant, il vient
vous trouver à cet effet, à la sacristie,
quelques instans avant la messe; alors vous étiez
en soutane, et non pas dans vos habits sacerdotaux, comme
vous l'aviez fait attester à des témoins
dont vous aviez momentanément violenté la
conscience, et qui depuis se sont
rétractés. C'est avec tout le respect qu'il
devait, non pas à M. Antoine Désiré
Droz, mais au curé dans sa sacristie, qu'il se
présenta à vous. Cette seule question vous
fut adressée par lui, en vous abordant : «
Serait-il vrai, monsieur le curé, que vous auriez
ordonné à Jean Baptiste Durot, d'avoir
à cesser une fosse qu'il aurait commencée ?
» la réponse à une question aussi
simple était facile; cependant il fut
obligé de vous la répéter cinq
à six fois; toujours vous cherchiez à
éviter une réponse catégorique; mais
toute votre subtilité de rhétorique
échoua devant ces mots, qu'il ne cessait de vous
répéter : « Tout ce que vous me dites,
monsieur le curé, est hors de la question que je
vous adresse; répondez-y par un oui ou par un non,
voilà tout ce que je vous demande. » Les
sieurs Simonin père, Durot, dit Billot, alors vos
sacristains, et Paillottet, instituteur, présents
à la sacristie, furent témoins de votre
entretien avec le sieur Tournus. Quelques jours
après, ils furent invités tous les trois
à souper chez vous. Vous traitez fort bien vos
convives, dit-on, c'est une justice qu'on aime à
vous rendre; ceux-ci disent même qu'à ce
repas, vous les avez fait boire plus qu'à
l'ordinaire, et qu'après une séance de
plusieurs heures à table, vous leur avez
présenté à signer une
déclaration, dans laquelle il était dit que
le maire Tournus vous avait insulté à la
sacristie, dans vos habits sacerdotaux; qu'il
était allé jusqu'à vous mettre le
poing sous le menton. Ces témoins signèrent
votre écrit, nécessité comme ils le
dirent eux-mêmes, par cette éloquence
tout-à-fait singulière que vous avez
employée, en voyant qu'ils vous montraient de la
répugnance. Ouvrant votre poitrine, et prenant
votre couteau : « Eh bien ! frappez ce cur
paternel, qui ne palpite que pour vous ! vous
écriâtes-vous, ou signez cet écrit.
» Absorbés par le vin qu'ils avaient pris en
assez grande quantité, et troublés par cet
ex-abrupto tragique, ils signèrent ce que vous
leur avez présenté. Mais la conscience
n'est pas toujours une voix qui parle inutilement au
cur de l'homme. Dès le lendemain, sans
informer le maire de leur conduite de la veille, mais
craignant les suites fâcheuses de leur imprudence
complaisance, ils écrivirent à M. Darbon,
votre prédécesseur, faisant alors les
fonctions de grand vicaire à Saint-Claude, pour
l'instruire de ce qui s'était passé. Mais
lisons la rétractation :
«Je
soussigné, Eloy Simonin, manuvre,
demeurant présentement à Dôle,
déclare et certifie, qu'étant
à la cure de Moissey, en avril 1825,
après un long et bon souper, auquel M. Droz
m'avait invité, avec deux autres individus,
il nous fit lecture, et nous proposa de signer un
assez long procès-verbal, qui constatait,
d'une manière erronnée, une sorte de
discussion, à la suite de questions qui
avaient eu lieu à la sacristie, en notre
présence, immédiatement avant la
messe, entre lui, M. Droz, et le sieur Tournus,
maire, le 20 mars précédent, au sujet
du refus qu'avait fait M. Droz de se servir de
l'enterreur ordinaire pour faire un enterrement.
Les allégations fausses que contenait cette
pièce, nous fit d'abord refuser de signer
(notamment que M. le curé déclarait
être en habits sacerdotaux, et que le sieur
Tournus lui avait présenté le poing
sous la gorge). Mais l'état approchant de
l'ivresse où il était parvenu
à nous mettre, les promesses et les menaces
qu'il nous fit avec une espèce de violence,
m'arrachèrent, et à un de mes
collègues, une signature que nous n'aurions
jamais dû apposer; mais, rendus à la
raison, nous fîmes tous deux, quelques jours
après, dans une lettre que nous
adressâmes à M. Darbon, notre ancien
curé, confession de nos torts, et cela dans
l'intention de prévenir les suites funestes
qu'on aurait pu tirer de nos complaisantes
signatures, contre M. le maire, que nous avons
toujours considéré comme un parfait
honnête homme.
«Je déclare
aussi que dans la cassure de la cloche de Moissey,
pour laquelle j'ai été
condamné par le tribunal civil de Dôle
à un mois d'emprisonnement, j'ai bien dit et
fait des choses dont je me repens, et que je
n'aurais ni faites ni dites, sans l'instigation
dudit Droz, curé de Moissey.
Fait à
Dôle, le 14 octobre 1828
Signé
: ELOY SIMONIN.»
«Je soussigné
déclare m'être trouvé à
la déclaration du sieur Simonin père,
avec M. le maire de Moissey.
Moissey, 7
novembre 1829
Signé
: PICHEGRU.»
«Je
soussigné, Jean-Claude Durot, déclare
faire la même rétractation qu'a faite
ici contre Eloy Simonin, concernant le
procès-verbal d'avril 1825, pour
m'être trouvé également que
lui, dans l'affaire ci-dessus
précitée.
Signé
: DUROT.»
«Je soussigné
Paillottet, instituteur à Moissey,
déclare que je suis dans les mêmes
sentiments que les précédents
signataires, et que je me rétracte de tout
ce que j'aurais pu écrire ou dire contre la
réputation et l'intégrité de
M. le maire de Moissey, dans quelques circonstances
que ce soient.
Fait ce 2
avril 1830.
Signé
: PAILLOTTET.
Pour copie
conforme à l'original,
J. B. TOURNUS,
maire.»
Long-temps le maire Tournus ignora l'atrocité
de votre conduite à son égard : ce ne fut
que six mois après qu'il en fut instruit. Toute
réflexion est interdite sur une action aussi
déplorable; aussi m'abstiendrai-je d'en tirer une
conséquence.
Si je ne craignais d'être trop long, je vous
parlerais bien de mille petites tracasseries que vous
suscitez à ces pauvres paysans
énergumènes, toutes les fois que vous le
pouvez; mais elles ne doivent point être prises en
considération, lorsqu'on a des choses aussi graves
à vous reprocher. Je pourrais vous parler de ces
nombreux procès en police correctionnelle,
où l'on vous voyait scandaleusement figurer,
devenant l'avocat des uns contre les autres, et animant
ainsi les débats, dont toute l'infamie retombait
sur vous, sur vous, ministre de paix et de
charité, qui ne craigniez pas de vous
déclarer publiquement le fauteur de tant
d'animosités. Mais ici je me contenterai de
soulever une question long-temps débattue,
question dont votre conduite, depuis votre rentrée
à Moissey, a amené la solution pour un
grand nombre de personnes. Je veux parler de la cause des
troubles de la commune. Pour s'en rendre compte, on
s'accuse réciproquement : selon vous, le maire,
l'adjoint, tous les anciens membres du conseil municipal,
des bureaux de fabrique et de charité, et quelques
mauvais génies de l'opposition
énergumène, ne sont que des brouillons; et
selon eux, vous seriez vous-même une
émanation de la boîte de Pandore, qui seriez
venu compromettre la tranquillité du pays. Que
tout ce servum pecus, si docile à votre houlette
pastorale, vous proclame innocent, c'est tout naturel.
Que les uns se laissent convaincre par vos phrases
empoulées, et par vos expressions orientales, que
vous puisez dans l'Apocalypse, et que d'autres ajoutant
foi à vos impostures et à votre hypocrisie,
deviennent partisans passifs d'un homme comme vous, qui
se sert de leur ineptie pour alimenter des passions
haineuses, c'est encore tout naturel; mais, pour moi, je
me permettrai d'être d'un avis tout-à-fait
opposé, et de soutenir que vous seul avez
soufflé la discorde. Pour vous juger et vos
adversaires; il n'est qu'un moyen rationnel et
équitable : c'est de m'autoriser de vos
antécédents et des leurs; et parmi ces
antécédents, je ne dois point tenir compte
de leur conduite à votre égard, ni de la
vôtre envers eux, car autrement je prononcerais
justement sur la question en litige. Mais je parlerai,
par exemple, de leur manière d'agir envers votre
prédécesseur; et s'il demeure bien
établi que jamais ce prédécesseur
n'a été tracassé par eux pendant
tout le temps qu'il a resté à Moissey, on
ne sera pas fondé à présumer qu'ils
vous aient déclaré la guerre sans motifs,
et qu'ils soient des brouillons. Je vous demanderai
compte, d'une autre part, de la conduite que vous avez
tenue dans les postes que vous avez occupé avant
d'arriver dans la commune; et si je fais voir qu'il y a
de fortes présomptions pour croire qu'elle n'a
été rien moins que louable, on devra vous
considérer comme un brouillon; enfin, pour la
confirmation de mon raisonnement, je m'appuierai sur
l'opinion qu'ont eue de vous cinq préfets, quatre
sous-préfets, qui ont administré le
département depuis que vous habitez Moissey, et
qui tous ont été à même de
vous juger; je m'autoriserai encore de celle de votre
évêque, votre défenseur naturel, si
vous n'étiez par un prêtre aussi
coupable.
M. Darbon, maintenant grand-vicaire honoraire, a
demeuré seize à dix-sept ans à
Moissey; combien de fois vos loups enragés
l'ont-ils traduit devant les tribunaux ? combien de fois
les a-t-il traînés lui-même pour les
faire succomber sous le poids de vraies ou de fausses
accusation ? Ce n'était point ainsi qu'il leur
prouvait sa charité chrétienne; non, jamais
on ne l'a vu déchirer lui-même le troupeau
confié à sa sollicitude. Ce prêtre a
vécu seize ans avec vos énergumènes,
dans la plus parfaite intelligence; jamais le moindre
nuage ne s'est élevé parmi eux; il a
emporté avec lui les regrets et l'estime de ses
paroissiens, et toujours il leur sera cher, puisque vous
n'avez pas su leur en faire perdre la mémoire par
votre exemple et vos vertus. Comment expliquerez-vous
cette union de seize ans avec ces esprits
tourmentés par le démon de la chicane, qui
ne peuvent vous supporter, vous, homme si
éminemment doux et humble de cur ?
Problème difficile à résoudre, et
qui ne le sera jamais, si l'on ne cherche ailleurs la
cause de cette division intestine. Pouvez-vous supposer
que ces impies, qui tous, sans exception, vous
témoignèrent de la bienveillance en
arrivant à Moissey, se soient tout à coup
ligués contre vous, d'un commun accord, et sans
motifs, si vous vous étiez renfermé dans
les bornes de votre devoir ? Hypothèse
inadmissible, et que rejettera tout esprit libre de
préventions. Pendant le temps de votre
interdiction, ou de votre excommunication, comme il vous
plaira de l'appeler, malgré tant de passions
soulevées, malgré tant d'orgueils
froissés, la prudence, la modération, je
puis dire même les égards de ces impies pour
certaines personnes égarées par vous,
avaient calmé la tempête; la commune respira
quelque temps, après neuf années
successives d'agitation; et pour confirmer que la torche
de l'incendie n'était point parmi eux, je puis
dire pour leur justification, que pendant tout le temps
que vous fûtes hors de la commune, aucun
procès-verbal n'a été
rédigé, aucune plainte n'a
été portée devant les tribunaux. Au
contraire; à peine êtes-vous rentré
à Moissey, un, deux, trois, quatre procès
en police correctionnelle sont intentés dans
l'espace de quelques mois, et trois sont suivis d'amende
et d'emprisonnement. C'est ainsi que vous avez
ramené la tranquillité dans votre paroisse.
Vous voyez donc bien, monsieur, que vous seul êtes
un élément de discorde, et que vous seul
par conséquent êtes un brouillon, comme cela
vous est démontré par les faits. Maintenant
jetterons-nous un coup d'il sur vos
antécédents, avant votre arrivée
dans la commune ? Je commencerai par vous demander
pourquoi, de professeur de rhétorique au
collège de Dôle, vous êtes devenu
vicaire desservant dans cette ville ? Comment
expliquerez-vous ce pas rétrograde dans un temps
où l'on dit que vous aviez la prétention de
vouloir faire destituer les autres en votre
qualité de membre très chaud d'une
société qu'on appelait Chambre Ardente, et
dont vous vous êtes empressé de faire
partie, pour avoir la douce satisfaction de
dénoncer tout le monde. Le bruit public dit que,
non content de suivre cet odieux système, vous
aviez mis le trouble dans le collège, et que vos
querelles injustes et déplacées, avec la
plupart des professeurs, et même avec le
régent, ont provoqué votre renvoi. Une
autre version, qui fut moins accréditée
quoique vraisemblable, disait qu'en vous remerciant,
l'Université avait voulu corriger la faute qu'elle
avait faite en vous plaçant dans une chaire de
rhétorique, dans laquelle vous étiez
parvenu à vous glisser, humillimus adrepens, comme
dit certain auteur que vous connaissez sans doute, en
dépit de tous les gens capables, et cela par vos
intrigues et celles de quelques confrères de
sacristie. C'est ce qui faisait dire à de mauvais
plaisants, dans le temps, qu'on pouvait faire une fameuse
objection contre le progrès des lumières,
lorsqu'on vous voyait siéger dans une chaire de
rhétorique. De ces deux suppositions, qui
présentent quelques caractères de
vraisemblance, laquelle admettez-vous ? Est-ce la
première ? Alors vous admettriez que vous
êtes un brouillon. Est-ce la seconde ? Alors vous
avoueriez que vous n'êtes qu'un ignorant et un
intrigant. Ainsi, de deux choses l'une : ou vous
êtes un brouillon, ou vous êtes un incapable.
Choisissez ! Je ne saurais me résoudre à
croire que vous êtes sot au point de ne pouvoir
faire une classe de rhétorique, sinon avec
distinction, du moins avec cette médiocrité
tolérable qui maintient dans leur poste la plus
grande partie des professeurs de nos collèges; car
les médiocres sont les plus nombreux. N'ayant
jamais été à même de bien
apprécier votre talent, je ne saurais porter sur
vous un jugement qui me serait propre. A en croire la
rumeur publique, on s'accorde à vous dire, non pas
riche d'un mérite distingué, comme le
professent les nullités qui aboient à votre
commandement, mais seulement doué de ces
dispositions ordinaires qui sont très suffisantes
pour professer les principes de l'éloquence, car
vous ne devez pas ignorer que professer l' A B C de la
rhétorique, n'est pas le nec plus ultrà du
savoir-faire. Pour mon compte, je connais beaucoup de ces
maîtres de prosopopées et de
métaphores' qui n'ont ni la
fécondité ni la richesse de Cicéron,
ni la logique de Démosthène, ni l'art de
Quintilien. Ainsi, le reproche d'incapacité
étant abandonné, vous seriez donc un
brouillon ?
Il resterait bien une troisième
hypothèse à émettre, mais je pense
que vous respectez assez le bon sens du public pour
n'avoir pas l'impudence de vous en prévaloir. Vous
pourriez dire que vous avez quitté le
collège de Dôle de bon gré, par
fantaisie; mais aussitôt tout le monde qui
raisonne, jetterait le holà, et vous demanderait
si vous avez l'intention de l'insulter en vous moquant
ainsi de lui. « Quoi ! vous dirait-il, avez-vous la
sottise ou la prétention de nous faire croire,
qu'à l'âge de près de cinquante ans,
vous avez quitté de gaîté de coeur
une chaire de rhétorique, sans savoir ce que vous
deviendriez ? » En sorte que, ne sachant à
quel saint vous vouer, vous vous êtes vu dans la
nécessité d'accepter une place de vicaire
desservant, au gage de 300 francs et la table, que vous
offrit, par charité, M. Longpré, ancien
curé de Dôle, qui fut bientôt
fatigué de vous, et vous vit partir avec joie,
tout en plaignant la commune qui devait vous
posséder.
Que vous fassiez croire de pareils contre-sens
à vos faibles, stupides et ignorants cerveaux, que
vous régissez selon votre bon plaisir, avec votre
éloquence à bon marché, cela se
conçoit fort bien; leurs mots encéphales
n'ont peut-être jamais pu enfanter une idée,
ni porter un jugement; mais quant à nous, qui
croyons avoir de l'intelligence, au moins comme le commun
des êtres pensants et raisonnants, nous ne sommes
pas d'aussi facile persuasion, et si vous vous obstiniez
à soutenir une pareille absurdité, nous ne
craindrions pas de vous dire que vous en imposez, ou, en
termes moins courtois, que vous mentez. Je pense donc que
personne ne peut révoquer en doute, sans se faire
moquer de lui, votre renvoi du collège de
Dôle, pour cause d'insubordination et de
désordre allumé par vous.
Pendant quelque temps vous avez desservi la paroisse
de Foucheran; pourriez-vous me dire quels sont les motifs
pour lesquels vous avez cessé d'y exercer votre
ministère ? Une question indiscrète vous
jette quelquefois dans un étrange embarras, vous
fait gratter l'oreille à la hongroise, selon votre
habitude, cracher, frapper du pied fort, fort, et tousser
long-temps (1), pour éluder la question et vous
dispenser de répondre; mais rassurez-vous; en vous
adressant une pareille demande, je n'ai pas l'intention
de vous embarrasser, car jamais vous ne l'avez
été, mais seulement de vous faire avancer
de ces raisons à votre manière, qui
prouvent à tout le monde que vous êtes dans
vos torts.
Comment se fait-il aussi que sur cinq préfets
et quatre sous-préfets, qui ont administré
le département depuis que vous habitez Moissey, et
qui tous ont été à même de
vous juger par vos actes, cinq de ces préfets et
quatre de ces sous-préfets ont condamné
votre conduite ? Malgré tout votre talent, il vous
sera bien difficile de vous disculper; je doute que vous
puissiez le faire avec succès. Comment se fait-il
surtout que votre évêque, dont les principes
politiques sont si bien en harmonie avec les
vôtres, vous désavoue par des expressions
dont je rougirais si j'étais prêtre ? Il
faut que vous soyez réellement coupable; car
jamais un esprit sensé ne pensera qu'un
prélat, professant les principes de M. de Chamon,
ait soutenu les débats de quelques laïques
paysans contre un prêtre. Vous n'ignorez
peut-être pas que ce n'est qu'après avoir
été importuné pendant deux ou trois
ans par les plaintes réitérées des
énergumènes de Moissey, qu'il finit par
daigner leur répondre ? Qu'effectivement vous
aviez tort de les insulter tous les dimanches à
l'église, et de leur faire éprouver toutes
sortes de vexations, mais qu'il fallait qu'ils
souffrissent toutes vos gentillesses avec patience et
résignation, et qu'ils eussent pour vous tous les
égards dus à un prêtre.
(1) M. Droz ayant contracté, en Hongrie,
l'habitude de se gratter l'oreille à l'autel, et
de frapper du pied comme un maître d'armes, n'a pu
encore se conformer aux bienséances que doit avoir
un prêtre dans l'exercice de ses fonctions.
Or, pouvez-vous supposer que ce prélat qui
recommande à des impies d'avoir des égards
pour vous, uniquement parce que vous êtes
prêtre; égards que vous n'eussiez pas
mérités, selon lui, si vous aviez
été tout autre chose que prêtre, pour
plaire à des hommes sans influence qui
n'étaient pas prêtres ? Assurément
vous connaissez trop bien l'esprit de corps du
clergé pour qu'une telle pensée soit
entrée dans votre tête; que vos échos
répètent que cet évêque n'est
qu'un gueux (expression que j'ai entendu prononcer par un
des aptes de M. Droz, en parlant de
l'évêque), cela ne m'étonne point,
car en vous interdisant, de deux choses l'une, ou il a
fait un acte de justice, ou un acte d'injustice, et il
est tout naturel que vous souteniez que tous les torts
sont de on côté, puisqu'autrement vous
confesseriez que votre conduite est coupable. On ne peut
assurément attendre de vous un aveu aussi
sincère. Vos énergumènes ont
toujours considéré votre interdiction moins
comme une justice qui leur était rendue, que comme
une satisfaction personnelle à M.
l'évêque de Saint-Claude, bien
persuadés qu'ils sont, que jamais il n'aurait
sévi contre vous, si vous ne l'aviez
insulté publiquement, en faisant tendre votre
église en noir pour sa réception, et en
allant à sa rencontre vêtu d'une
manière inconvenante. Ils fondent leur conviction
sur la non application faite par lui de ce principe de
justice : « Que lorsqu'un individu se rend coupable
de récidive, non seulement il n'obtient pas pour
cela un brevet d'impunité, mais il est
châtié plus sévèrement encore.
» Or, s'il est vrai que ce soient vos actes indignes
que je viens de signaler en partie, qui aient
spécialement provoqué votre interdiction,
d'où vient que depuis votre entrée, votre
conduite ayant été la même, et plus
répréhensible encore qu'auparavant, cet
évêque ne sévit plus contre vous ?
C'est qu'il est permis de vexer journellement des paysans
sans aucune influence, et que c'est un crime
impardonnable que d'insulter une seule fois un
évêque. Je n'entrerai point dans les
détails de vos débats avec ce
prélat; je ne me suis point imposé la
tâche de les reproduire; d'ailleurs je les crois
presque étranger à ceux que vous avez eus
avec les impies de Moissey ? Quoiqu'ils semblent s'y
rattacher. Avant de terminer ma lettre, j'aurais pu vous
parler de cette cérémonie de la
bénédiction des cloches, dans laquelle vous
vous étiez vanté que le bâton
jouerait, et qui fut en effet troublée par une
espèce de sédition; j'aurais pu vous parler
de vos intrigues à Paris, pour vous faire
réintégrer dans vos fonctions, du moyen que
vous avez employé pour surprendre la bonne foi de
M. le ministre de Feutrier; de la manière humble
et très humble avec laquelle vous lui avez promis,
ainsi qu'à l'évêque de Saint-Claude,
de quitter votre paroisse peu de temps après votre
rentrée. J'aurais pu aussi rappeler votre
infraction réitérée aux articles 199
et 200 du Code pénal, infraction qui vous aurait
mérité la déportation, si vous
eussiez été poursuivi. Je pourrais vous
demander si vous êtes un pasteur selon l'esprit de
l'Evangile ! Si c'est l'amour de Dieu et de votre
prochain qui vous inspire ces sorties charitables que
vous lancez du haut de la chaire de vérité,
lorsque, tout plein de votre sujet, vous vous
écriez en parlant de vos athées :
Combattons-les, terrassons-les, chassons-les de notre
église ! Lorsque de telles apostrophes sortent de
votre bouche, vos brebis fidèles peuvent voir en
vous le type des bons pasteurs, l'organe et le
représentant de Jésus-Christ sur la terre;
mais pour moi je vous déclare que je ne vois en
vous qu'un pasteur métamorphosé en loup
enragé, qu'un moine de l'inquisition d'Espagne,
qui abuse de la religion pour semer la guerre civile.
Enfin je pourrais retracer votre rentrée
triomphante à Moissey, digne par sa ridicule
extravagance, d'occuper les loisirs d'une verve comique.
Quel beau sujet pour l'auteur du Lutrin, que cette
procession où l'on vous vit sous un dais, en
soutane ! En tête de cette burlesque caravane,
marchait un boucher tenant un gâteau de biscuit
dans un plat; puis venaient des héraults d'armes
avec des couronnes de lauriers; puis quatre
défuntes pucelles, qui, comme je l'ai
déjà dit, marchaient à
côté du dais, entonnant des hymnes de
triomphe. Derrière vous se faisaient remarquer une
foule de bigots et d'écornifleurs que vous aviez
recrutés à Dôle, pour en former un
ridicule état-major de parade. Des couronnes de
lauriers, en mémoire d'un triomphe aussi
éclatant, demeurèrent suspendues à
l'autel , jusqu'à ce que les vers et la
poussière eussent détruit ces
trophées périssables d'une gloire
immortelle; ainsi on suspendait aux voûtes des
temples, les dépouilles opimes, pour conserver le
souvenir d'une victoire. Mais je pense, monsieur
l'abbé, que les fautes graves qui vous accablent,
doivent suffire pour votre très grande confusion;
s'il en était cependant autrement, je vous serais
obligé de me faire savoir, car il existe encore
plus de procès-verbaux qu'il n'en faudrait pour
faire interdite ou excommunier vingt curés. Vous
voyez donc que je n'aurais que l' »embarras du
choix.
Tels sont, très vénérable
pasteur, les motifs pour lesquels je persiste à
vous refuser mon estime, et comme homme et comme
prêtre, ainsi qu'à toutes les personnes qui,
connaissant ce que je viens de dire, semblent, par leur
conduite à votre égard, vous autoriser dans
toutes vos saletés.
L'Energumène JOSEPH BONAVENTURE CASIMIR
GUILLAUME,
Avocat.
P.S. On demande si M. Droz, curé de Moissey, a
été sérieusement fait prêtre,
où il a été fait prêtre, et
par qui il a été fait prêtre; enfin
s'il a lu Gall, dans son système des bosses.
FIN.
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