village de moissey, juste à côté de l'école

avec les derniers bouilleurs de cru

marcel daudy (né en 1931)

texte et images de Christel Poirrier.

Marcel Daudy, à l'atelier communal de distillation, en janvier 2005.

avec les derniers bouilleurs de cru

mardi 28 décembre 2004

 

Marcel Daudy est bouilleur de cru car il a satisfait aux conditions pour l'être. Comme exploitant agricole, qui possède de la vigne ou des vergers, il suffit de faire une déclaration de récolte de vin et de fruits. Les conditions générales contenaient en particulier l'inscription, avant 1959, à la MSA (mutualité sociale agricole) seuil décalé de deux ans pour ceux qui avaient offert un temps équivalent à la patrie, comme par exemple le temps de présence en Algérie.

La demande de distillation doit aussi comprendre un extrait d'acte de notaire indiquant que le demandeur possède effectivement des vignes ou des vergers (nom des arbres, numéros des parcelles).

Les paysans peuvent distiller à leur convenance des fruits fermentés ou les résidus du pressage de la vendange, auquel cas l'alcool issu s'appelle marc de raisin. Les alcools de fruits portent les noms évocateurs de prune, mirabelle, poire, etc... Dans tous les cas, ils "doivent annoncer la couleur".

Le Macvin, célèbre dans le Jura, est une addition de jus de raisin avant fermentation (3/4) et de marc (1/4). Le père de Marcel, Ernest Daudy en faisait.

L'Etat surveille la distillation des récoltants: il fixe les dates de la période de distillation, il fixe l'emplacement de l'atelier public. Jadis, l'alambic communal ou particulier était plombé (cacheté) en dehors des périodes autorisées pour empêcher qu'on distille en dehors des critères de surveillance. Aujourd'hui, la partie maîtresse du distillateur, le col de cygne (tube de cuivre qui va d'un fût à l'autre), est déposé sous la responsabilité du maire, ce qui évite au contrôleur de venir déplomber à l'ouverture de la campagne et de re-venir re-plomber à la fin.

La surveillance qui était assurée avant le traité de Maastricht (applicable au 1er novemebre 1993) par les Contribution Indirectes, du Ministère des Finances, a été transférée au Service des Douanes, ce service ayant vu ses attributions réduites par l'ouverture des frontières. Pour notre village, on a affaire (ou à faire) aux Douanes d'Arbois.

Il faut souligner qu'en 2005, et ce déjà depuis quelques années), l'engouement pour les alcools issus de la distillation s'est considérablement réduit. Jadis les agriculteurs fabriquaient des produits de consommation personnelle avec le marc ou l'alcool de fruits, des apéritifs, des pâtisseries et des digestifs ou des liqueurs, qu'ils confectionnaient avec des noix, des oranges par exemple ou des extraits procurés dans le commerce. Aussi, un litre de gnôle pouvait avoir vocation à faire un cadeau ou à remercier d'un service (rendu).

Une tenace légende nous raconte que certains paysans mettaient de la gnôle dans bien des aliments, le café, la soupe et que c'était grâce à ces ajouts qu'ils atteignaient des âges canoniques. Rien n'est moins sûr car on rencontre bien plus de cirrhotiques (du foie) grâce à la gnôle que de gens dans une santé ferreuse (à cause d'elle).

L'avantage du bouilleur de cru est qu'il peut obtenir dans sa distillation 1000 degrés d'alcool (exemple courant théorique, 20 litres à 50 degrés, 20 fois 50 donnent 1000) là où les profanes doivent s'acquitter d'une taxe de 14,50 Euros par litre d'alcool. Comprendre par litre d'alcool, 50 degrés sur un litre, ou 25 degrés sur deux litres, ou encore 100 degrés sur un demi-litre.

Les non-bouilleurs qui le souhaient peuvent distiller "taxé" et ils doivent remplir les mêmes conditions de communication que les bouilleurs, déclaration de récolte, observance du calendrier et du lieu, déclaration du résultat.

Marcel Daudy distille à l'ancienne, comme son père Ernest le lui a appris. La première passe donne un liquide au-dessus de 70 degrés qui descend bien vite vers 40. Cette première sortie s'appelle l'eau blanche ou blanquette. On redistille l'ensemble pour obtenir un résultat homogène de 50 degrés. Il faut continuellement jouer du pèse-alcool pour mener sa distillation à bien. Les alambics modernes, nous confie Marcelle son épouse, sont bi-passeurs: le produit sortant est réinjecté dans la casserole et donc subit le feu deux fois.

Enfin, n'est pas bouilleur qui veut, car en plus d'être dans le cadre de la loi, de posséder de la matière à distiller, il faut un savoir-faire qui ne s'acquiert pas du jour au lendemain. Le plus délicat est d'alimenter son feu avec un grand discernement, afin que la "cuite" ne soit pas brûlée.

Le banc de distillation: la chaudière, le chaudron, la tétière ou chapeau, le col de cygne, et, caché par le bidon de refroidissement, le serpentin. Dans un tube noir, en haut à droite, on voit l'arrivée d'eau froide, c'est elle qui permet que la vapeur d'alcool se condense. Cette eau repart, moins froide, dans le tuyau qui débouche à ras du bidon. En bas à droite, la sortie du précieux liquide dans un décalitre en fer-blanc.

Marcel Daudy encadré par ses deux petits-fils, Martial et Sylvain. A gauche, son fils Jean-Claude. La famille s'intéresse aux opérations, fait la causette, apporte du bois ou tout simplement le casse-croûte.

souvenirs de marcel daudy (en 1996)

marcel daudy et ses copains régiment (en 2004)

marcel daudy à l'alambic (en 2005)

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