Marcel Daudy est bouilleur de
cru car il a satisfait aux conditions pour l'être.
Comme exploitant agricole, qui possède de la vigne
ou des vergers, il suffit de faire une déclaration
de récolte de vin et de fruits. Les conditions
générales contenaient en particulier
l'inscription, avant 1959, à la MSA
(mutualité sociale agricole) seuil
décalé de deux ans pour ceux qui avaient
offert un temps équivalent à la patrie,
comme par exemple le temps de présence en
Algérie.
La demande de distillation doit
aussi comprendre un extrait d'acte de notaire indiquant
que le demandeur possède effectivement des vignes
ou des vergers (nom des arbres, numéros des
parcelles).
Les paysans peuvent distiller
à leur convenance des fruits fermentés ou
les résidus du pressage de la vendange, auquel cas
l'alcool issu s'appelle marc de raisin. Les alcools de
fruits portent les noms évocateurs de prune,
mirabelle, poire, etc... Dans tous les cas, ils "doivent
annoncer la couleur".
Le Macvin,
célèbre dans le Jura, est une addition de
jus de raisin avant fermentation (3/4) et de marc (1/4).
Le père de Marcel, Ernest Daudy en
faisait.
L'Etat surveille la
distillation des récoltants: il fixe les dates de
la période de distillation, il fixe l'emplacement
de l'atelier public. Jadis, l'alambic communal ou
particulier était plombé (cacheté)
en dehors des périodes autorisées pour
empêcher qu'on distille en dehors des
critères de surveillance. Aujourd'hui, la partie
maîtresse du distillateur, le col de cygne (tube de
cuivre qui va d'un fût à l'autre), est
déposé sous la responsabilité du
maire, ce qui évite au contrôleur de venir
déplomber à l'ouverture de la campagne et
de re-venir re-plomber à la fin.
La surveillance qui
était assurée avant le traité de
Maastricht (applicable au 1er novemebre 1993) par les
Contribution Indirectes, du Ministère des
Finances, a été transférée au
Service des Douanes, ce service ayant vu ses attributions
réduites par l'ouverture des frontières.
Pour notre village, on a affaire (ou à faire) aux
Douanes d'Arbois.
Il faut souligner qu'en 2005,
et ce déjà depuis quelques années),
l'engouement pour les alcools issus de la distillation
s'est considérablement réduit. Jadis les
agriculteurs fabriquaient des produits de consommation
personnelle avec le marc ou l'alcool de fruits, des
apéritifs, des pâtisseries et des digestifs
ou des liqueurs, qu'ils confectionnaient avec des noix,
des oranges par exemple ou des extraits procurés
dans le commerce. Aussi, un litre de gnôle pouvait
avoir vocation à faire un cadeau ou à
remercier d'un service (rendu).
Une tenace légende nous
raconte que certains paysans mettaient de la gnôle
dans bien des aliments, le café, la soupe et que
c'était grâce à ces ajouts qu'ils
atteignaient des âges canoniques. Rien n'est moins
sûr car on rencontre bien plus de cirrhotiques (du
foie) grâce à la gnôle que de gens
dans une santé ferreuse (à cause
d'elle).
L'avantage du bouilleur de cru
est qu'il peut obtenir dans sa distillation 1000
degrés d'alcool (exemple courant théorique,
20 litres à 50 degrés, 20 fois 50 donnent
1000) là où les profanes doivent
s'acquitter d'une taxe de 14,50 Euros par litre d'alcool.
Comprendre par litre d'alcool, 50 degrés sur un
litre, ou 25 degrés sur deux litres, ou encore 100
degrés sur un demi-litre.
Les non-bouilleurs qui le
souhaient peuvent distiller "taxé" et ils doivent
remplir les mêmes conditions de communication que
les bouilleurs, déclaration de récolte,
observance du calendrier et du lieu, déclaration
du résultat.
Marcel Daudy distille à
l'ancienne, comme son père Ernest le lui a appris.
La première passe donne un liquide au-dessus de 70
degrés qui descend bien vite vers 40. Cette
première sortie s'appelle l'eau blanche ou
blanquette. On redistille l'ensemble pour obtenir un
résultat homogène de 50 degrés. Il
faut continuellement jouer du pèse-alcool pour
mener sa distillation à bien. Les alambics
modernes, nous confie Marcelle son épouse, sont
bi-passeurs: le produit sortant est
réinjecté dans la casserole et donc subit
le feu deux fois.
Enfin, n'est pas bouilleur qui
veut, car en plus d'être dans le cadre de la loi,
de posséder de la matière à
distiller, il faut un savoir-faire qui ne s'acquiert pas
du jour au lendemain. Le plus délicat est
d'alimenter son feu avec un grand discernement, afin que
la "cuite" ne soit pas brûlée.
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