Marcel Daudy est né
le 14 décembre 1931 à Peintre,
à Peintre,
c'est-à-dire dans la maison de son
grand-père maternel dite le Moulin de Peintre, (la
sage-femme s'appelait Madame Bailly),
- de son père Ernest
Daudy (né le 25 octobre 1903 à Moissey et
décédé en 1983 à Moissey)
et
- de sa mère Juliette
Jacquinot (née le 28 mai 1906 à Peintre et
décédée en 1987 à
Moissey),
mariés le 20 janvier
1931 à Peintre.
Ils vivront dans la maison au
bord de la Grande Rue AB 157.
Juliette est la soeur de Paul
Jacquinot qui sera longtemps boulanger à
Moissey.
Marcel est l'aîné
d'une famille de 3 enfants :
-
Marcel,
- Yvonne, née le
27 avril 1933, épouse Ocler à
Rochefort/N.
- Robert, né le 5
février 1944.
Marcel Daudy est allé
à l'école du village auprès de Mme
Lesnes -née Monnier-, dans l'immeuble AB 436,
d'abord au rez-de-chaussée, puis au Ier
étage, puis ensuite, chez M. Georges Lesnes, dans
l'immeuble "Mairie" (AB 191). Après son certificat
d'études, il retourne dans l'exploitation agricole
familiale pendant une année, puis passe deux
hivers à l'Ecole d'Agriculture d'Hiver à
Dole d'abord (en 1946-1947) et ensuite à
Lons-le-Saunier (en 1947-1948).
En 1943, il fait sa communion
avec le curé Paul Grandvaux, qui était un
brave homme. En avril 1952, il part au régiment,
à Auxonne, pour une durée de 18
mois.
Plus tard, il fait la
connaissance de Mlle Marcelle Pernin, née à
Aumont en 1936, qui est sur Moissey en tant qu'aide
familiale. Il l'épouse le 23 avril 1960, devant le
maire Maurice Besson et à Dole, devant le
Curé de Dole.
Ils auront 3
garçons,
-
Jean-Claude, en 1961, (père de 2
garçons),
- Marc, en 1962,
(père de 2 garçons),
- François, en
1971, (père d'une fille et d'un
garçon).
En 1965 Marcel et Marcelle font
bâtir un pavillon d'habitation sur leurs terres (ZB
54), route de Pesmes, qu'ils occuperont jusqu'à
l'âge de la retraite en 1993. Puis ils rejoindront
une autre maison, plus petite et encore plus
récente, à 100 m de la première (ZB
57).
La guerre de
1939-1945.
Mon père a
été mobilisé en 1938, à
Héricourt, pour une durée de 8 jours.
Ensuite, il est parti en 1939 jusqu'à octobre
1940. Avec ma mère, on est allés le voir
à Besançon, il était dans la
DCA.
En juin 1940, nous avons
fait partie d'une vague de l'exode bien connu. Avec ma
mère et ses deux enfants, nous étions 57
à partir dans la benne d'un gros camion de
carrière à 6 roues, prêté par
M. Téliet et conduit par Marcel Schorsch, le
pépé Bouboule.
On s'est vite
retrouvés bloqués, aussi le premier soir,
on a couché pas bien loin, dans la région
de Seurre. Le lendemain, on a été
bombardés par les Italiens à
Paray-le-Monial. On a atterri à Digoin en
Saône et Loire, au bord de l'Allier où nous
sommes restés 8, 10 jours. Là on a
couché dans des étables vides, car les
charolais étaient au pré. Les femmes
allaient au travail dans la journée, ainsi que les
jeunes hommes. Ils allaient aux champs et aux vignes,
pour gagner la nourriture du groupe. Les femmes
étaient à la vigne, nous les enfants, on
jouait au bout de la vigne, elles relevaient et
ébourgeonnaient.
Il y en avait du monde,
toute la famille Schorsch, Yvette Ruisseaux et sa
mère (famille de Virgile R.), la mère
Dugand et le Serge, Thérèse Noël
etc.
On est rentrés
après l'appel du 18 juin, on n'a pas attendu
l'armistice du 23.
L'occupation.
Les Allemands étaient
partout. Ils occupaient les propriétés
Masson, le château AB 175, la maison Barbier AB
121, et la maison AB 136. Ils étaient toujours
corrects. Souvent on était dans leur pattes, mais
jamais ils ne nous ont fait de difficultés. Ils
nous donnaient des bonbons, de la bière. Les
Allemands d'ici étaient d'une grande rigueur
militaire et ils n'embêtaient pas la population.
Jamais ils ne nous ont pris un lapin, une poule ou
même un oeuf. Un des gradés, qui passait
fier dans son side-car, quand il a vu où Hitler
les conduisait, s'est suicidé.
Dans le pré,
là où est Marcel Richard (ZB 48), ils
venaient manoeuvrer tous les matins. Dans la cour de la
maison d'Edith Barbier, AB 134, il y avait toutes sortes
de véhicules militaires.
Pendant la guerre,
l'école a fonctionné normalement. Notre
instituteur, M. Georges Lesnes ne faisait pas choeur avec
les vaincus, loin de là. Malgré les
prescriptions officielles, il nous faisait chaque samedi
après-midi une leçon de morale, une
histoire bien racontée, sans violence, dans
laquelle nous comprenions bien ce que nous avions
à faire. Ce qu'il nous disait avait une grande
finesse, et nous faisait bien comprendre qu'il ne fallait
pas baisser les bras.
Par ailleurs, nos parents
nous mettaient toujours en garde. Dans cette
période si troublée, où on ne savait
pas qui était du côté de qui, les
consignes étaient
simples : « tu ne sais pas, tu ne
sais rien ».
La
réquisition.
C'était bien
organisé, avec des commissions. Il fallait
récolter de la viande, de la nourriture pour
l'armée et les chevaux
d'occupation.
- Pour la viande, M. Despoix
de Monnières, venait, peut-être tous les
lundis, à Moissey. Les gens amenaient leurs
bêtes destinées à la vente. Une
partie était abattue dans l'abattoir d'Antoine
Tomcsyk, le long du Chemin Neuf à l'intention des
bouchers du coin, Roux à Amange, Buisson à
Montmirey-la-Ville, Tomcsyk à Moissey. Une autre
partie était vendue sur pied et dirigée
peut-être sur Dole pour aller plus loin. Les prix
étaient convenus et ce qu'on attendait des
éleveurs, obligatoire.
- La nourriture de
l'armée allemande.
C'était du fourrage,
de la paille, des pommes de terre. Il fallait aussi
produire des rutabagas (choux-raves), des topinambours
(racines aussi) qui sont d'ordinaire l'alimentation pour
les cochons.
On faisait des balles de
fourrage, avec un moule en bois et un levier pour appuyer
dessus, pour presser. Nous les gamins, on était
chargés de mettre discrètement des cailloux
dedans car les balles étaient
évaluées au poids (50 à 60 kg).
C'étaient de bons collaborateurs qui
étaient chargés de collecter ces
balles.
Un jour, mon oncle Marcel
Jacquinot a été inquiété par
les Allemands parce qu'il donnait des coups de main aux
résistants du Maquis de Brize, derrière
Peintre, là où est la ferme du même
nom. Les Allemands l'ont gardé deux jours avec le
maire. Il a dû être dénoncé.
Finalement, c'est une sentinelle allemande qui l'a sorti
de là avec l'argument que les paysans avaient bien
autre chose à faire que de la
résistance.
La
libération.
Fin août, beaucoup
d'Allemands étaient déjà sur le
chemin du retour, mais pas tous, il y avait des kamikaze
qui voulaient encore la cogne. C'est ainsi qu'un beau
jour, un groupe est entré à Moissey par le
Nord, c'est à dire pas dans le sens qu'on aurait
pu supposer vu la date, et ils ont vu une Traction FFI
devant chez Marcel Guillaume. C'étaient des FFI
qui étaient venus "emprunter" celle de Marcel, qui
était sur cales à ce moment, dans sa
grange. Les résistants donc étaient
affairés à remettre en état la
traction qu'ils venaient chercher. Les Allemands, quand
ils ont vu la traction stationnée sur le bord de
la route avec l'inscription FFI, ils lui ont mis le feu,
ils ont tiré et ont couru après les
maquisards.
La voiture brûlait, et
c'est Denise Lormet, qui avait 23 ou 24 ans qui s'est
mise à puiser tant bien que mal dans le puits pour
éteindre la voiture. Denise Lormet habitait dans
ce qui est maintenant la pharmacie de Mme Flamion (AB
144).
Un dimanche, (le 3 septembre
1944?) on était à la messe, on a entendu
crépiter des balles, le curé nous a dit,
« ne sortez pas, c'est encore dans
l'église que vous le plus en
sécurité ».
La
Gare.
Je n'ai pas connu son
activité ni celle du tacot puisque je suis
né en 1931. La gare a été
démolie par M. Téliet, c'était en
1950 ou 1951. Je le sais bien, j'y étais, j'ai
tout vu. Les ouvriers l'ont minée. Ils ont fait
des trous régulièrement dans les murs, ils
ont garni d'explosifs et elle s'est affaissée d'un
coup. Nous on était loin, pour ne pas recevoir de
mauvais coups, puis M. Téliet est remonté
aussitôt dans sa traction 15 CV-6.
La
carrière
Béjean.
Je l'ai vu se monter, le
poste Béjean, en 1937-1938. Il y est encore, mais
bien transformé. J'y suis allé avec mon
père. On voyait très bien la limite entre
les Bois Besson et les bois communaux, où M.
Téliet extrayait déjà bien avant. Le
poste Béjean [le P 2] n'a pas
tourné longtemps, peut-être jusqu'à
la guerre (1939).
Le lavoir des
Gorges.
Ce lavoir était
rectangulaire, sur une dérivation du ruisseau des
Gorges. Sur le côté Nord, en contrebas de la
ligne CFV, l'embranchement "carrière", il y avait
un mur de 2 mètres de hauteur, et une toiture,
dont on dit qu'elle a été faite avec du
matériel récupéré de
l'ancienne carrière toute proche. Il était
maçonné tout autour ainsi que le
fond.
Le parcours de Marcel
Daudy
Marcel Daudy, quand il est
arrivé dans le monde du travail, le monde
agricole, était jeune et entreprenant.
C'était, avec d'autres conscrits (des paysans de
son âge) un novateur. A ce titre, il a
été activement partie prenante dans des
syndicats ou des groupements liés à sa
profession.
- Il est entré au
Conseil Municipal en 1959, avec Maurice Besson. Il
était un conseiller jeune dans un conseil
d'Anciens. Il n'a pas fait le 1er mandat Désandes,
mais les trois qui ont suivi. Il a donc été
présent sur la scène municipale pendant 4
sessions.
- Il a été
lieutenant de la Compagnie de Pompiers de Moissey,
succédant à Honoré Collieux en 1956
et laissant sa place, 9 années plus tard, à
Michel Rossetto, en 1965.
C'est en tant que lieutenant de
Pompiers et Délégué communal pour
les Syndicat des Eaux qu'il a eu à négocier
pour que l'eau arrive enfin un jour à Moissey (fin
1963-début 1964).
- Le CIVAM,
présidé par Roger Perrinet, l'a
compté parmi ses membres les plus actifs. Avec ses
compères Gilbert Clerc de Malange et René
Odile de Châtenois, il a participé à
la Coupe de France du Jeune Agriculteur, lauréat
aux niveaux local, départemental, régional
et finaliste au national, avec des épreuves
théoriques et pratiques. Henri Lépeule,
technicien du Civam (Centre Itinérant de
Vulgarisation Agricole et Ménagère) n'a pas
été étranger à ces
différents défis, dans les années
1962 et 63. La finalité de tout cela, était
de préparer le travail en équipe et
préfigurait l'association professionnelle des
GAEC.
- Marcel Daudy a
présidé le Syndicat d'Elevage de Moissey
dont l'un des buts essentiels était la
copropriété et l'entretien d'un taureau
pour la sélection bovine.
Le taureau était
hébergé par Paul Sigonney, puis plus tard,
par Michel Rossetto, paysan à l'époque avec
son père Angelo.
Ce syndicat s'est éteint
de lui-même avec l'apparition de
l'insémination artificielle.
- L'eau est effectivement
arrivée en 1963-1964, et Marcel Daudy était
le délégué désigné par
sa commune au sein du Syndicat des Eaux, qui a
lancé le captage puis la distribution de l'eau
dans presque tout le canton de Montmirey-le-Château
entre 1956 et 1967, sous la présidence
d'André Detot, maire de Brans et Conseiller
Général.
- Dans sa vie d'agriculteur, un
épisode important fut le remembrement qui a pu
provoquer de bonnes luttes d'intérêt. Le
remembrement a commencé par l'idée autour
de 1960, a pris corps vers 1965 et a été
définitivement clos en 1970. Les cartes qui
montrent l'avant et l'après témoignent de
l'importance et des travaux et des
résultats.
- De 1965 à 1973, il a
été successivement Vice-Président
-Fondateur puis Président de Jura-Sica Viande,
groupement de professionnels le long de la chaîne
viande bovine.
- Les AMA, Assurances Mutuelles
Agricoles l'ont compté parmi ses administrateurs
ainsi que son épouse pendant une douzaine
d'années, de 1960 à 1972
environ.
- Administrateur de la Caisse
Régionale du Crédit Agricole depuis 1965,
il doit abandonner ses responsabilités fin 1996,
frappé par la limite d'âge, au terme de 30
années de présence.
- Marcel Daudy a
présidé (entre 1970 et 1975) la fromagerie
de Frasne, à la suite d'André Richard.
Ensuite, la baisse du volume de lait et la modernisation
inévitable à laquelle elle devait sacrifier
ont amené les paysans de Moissey à se
tourner du côté de la Coopérative de
Chevigny ou des fromagers privés.
Monsieur Daudy nous confirme
qu'entre 1920 et 1930, le groupement d'Eleveurs de
Moissey confiait sa production laitière à
l'entreprise bien connue Graf à Dole.
- Il est chasseur dans
l'association communale de chasse depuis 1978, avec ses
trois fils, comme membre actif ordinaire.
- Devant deux de ses petits
enfants présents à l'entretien, Marcel
Daudy explique comment il aurait pu faire de la prison.
Les petits sont intrigués :
"En 1970, il a
été institué une 2e taxe de
coresponsabilité sur le Comté. La
première instituait une plaque verte par meule et
visait à limiter la production du Comté. La
seconde avait pour but de financer la promotion du
Comté, c'était une disposition qui venait
des professionnels du Comté et de l'Etat -pour sa
partie "Appellation"-. De nombreux sociétaires
n'ont pas accepté cette disposition et la justice
a dû "justicier". Procès de 2 ou 3 ans avec
avocats, puis condamnation des non-payeurs à
l'obligation de payer, plus une amende et 15 jours de
prison avec sursis.
Le 10 mai 1981, Mitterrand est
arrivé à l'Elysée avec une loi
d'amnistie..."
- Le
Général De Gaulle a traversé Moissey
le 15 juin 1962.
Là encore j'y
étais, comme lieutenant de pompiers et membre du
Conseil Municipal. Nous étions alignés au
bord de la route, après le virage, à droite
en descendant. J'ai été stupéfait de
voir avec quelle lenteur le Général s'est
déplié pour sortir de sa voiture. Il n'en
finissait pas de descendre de voiture. Il était
vraiment très grand. Il est venu nous serrer la
main à chacun, l'un après l'autre. Le
maire, Maurice Besson, l'a accueilli par un petit mot,
pas un discours. L'ensemble des opérations n'a
même pas duré 10 minutes.
Le service d'ordre
était incroyable, il y avait des gars
embusqués partout. La fille de Mme Noël a eu
du mal à faire une photo, les gardes du corps
étaient partout. Il a échangé
quelques mots avec Agénor Devassine, qui avait
été chauffeur de Mme De
Gaulle.
paroles recueillies
par christel poirrier, à moissey le lundi 29
juillet 1996.
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