village de moissey

moissey de 1936 à 1945

chronique écrite par Pierre Pénez (né en 1928).

Morts pour la France en 1939 et 1940 (Roger Guillaume, aviateur mort en service commandé, en 1934).

moissey de 1936 à 1945

 

1936,

Le Front Populaire arrive à Moissey. Le premier mai, un défilé avec drapeau rouge traverse le village. Il faut dire qu'en cette année, les deux carrières tournent à plein.

 

1937,

Les bruits de bottes hitlériennes s'entendent jusqu'au village; la guerre d'Espagne est bien loin et les quelques espagnols du village ne sont pas chauds pour aller voir ce qu'il s'y passe.

 

1938,

Les bruits de guerre réveillent les villageois. Certaines classes sont rappelées. Munich est signé. Les mobilisés reviennent.

 

1939,

Les mobilisés de 1938 sont rappelés, puis d'autres classes suivent. En août, la Pologne est attaquée par l'Allemagne. C'est la mobilisation générale.

 

Les affiches de la mobilisation générale, en couleurs, sont placardées. Le 3 septembre 1939, c'est déclaration de guerre, le toscin sonne. C'est une grande tristesse, les plaies et les deuils de 1914-1918 ne sont pas encore pansés. Les jeunes sont les plus exaltés; certains parlent d'être à Berlin dans 15 jours et de retour pour Noël. A partir de cette date, la drôle de guerre s'installe. Régulièrement les murs sont placardés d'affiches à la gloire de nos armées. Une compagnie d'infanterie de marine de Marseille cantonne dans le village plusieurs mois. En fin d'année, une triste nouvelle, Maurice Thoret est tué à Dakar.

 

1940,

L'année commence, comme 1939 s'est terminée, dans l'atonie générale. Puis au printemps ça commence à bouger, la Belgique est envahie, puis c'est la trouée des Ardennes, nos armées sont enfoncées et c'est la retraite qui tourne vite à la déroute. Dès le début mai, on voit passer des réfugiés et militaires belges nous annonçant les méfaits des armées allemandes. Beaucoup crient à la cinquième colonne. Puis après les Belges, ce sont les militaires français et les gens du Nord et de l'Est de la France. Il en passe des milliers: à pied, en voiture à cheval, en camion.

 

Bientôt on annonce les "hordes de Huns" à Vesoul et à Gray se livrant à moult exactions; les villageois prennent peur. Le 15 juin, le village est quasiment déserté. Certains sont partis dans la forêt, d'autres en voitures, beaucoup en camions des carrières Téliet ou Béjean. Ceux partis en camions ne sont pas allés bien loin, gênés par tous les réfugiés sur les routes. Ils ont été bombardés à Autun ou Paray-le-Monial par l'aviation italienne.

Les Allemands sont arrivés à Moissey. L'armistice est signé [22 juin 1940, à Rethondes] et tous les réfugiés reviennent. Le village s'installe dans la défaite. On apprend que beaucoup de mobilisés sont prisonniers. Quelques-uns réussissent à rentrer dans leurs foyers. Hélas, au cours de cette drôle de guerre, deux enfants du pays ont trouvé la mort : Gaston Simonin et René Jacques. [René Jacques n'est pas inscrit sur le monument de Moissey]

Le village est investi par les Allemands. Une compagnie y stationne.

Une roulante est installée à la gendarmerie où les villageois peuvent aller chercher leurs repas. Les Allemands sont corrects et cherchent à se faire bien voir. Mais l'administration allemande met la main sur la France. Les cartes d'alimentation font leur apparition. La fin de l'année installe le village dans l'ère des restrictions. La propagande fait son apparition (exemple : Mers el Kébir).

Liste des prisonniers en cette fin d'année :

- Paul Sigonney

- André Barbier

- Joseph Sigonney

- Attilio Turchetto

- Pierre Ortiger

- Roger Verrier

- Maurice Vuillemenot

- Albert Patin

- Virgile Ruisseau

- Lucien Verrier.

 

1941,

Le village tente de survivre. Les restrictions touchent tout le monde. L'ère du troc s'installe ainsi que le marché noir. L'occupation se fait de plus en plus sentir bien que cette année-là, il n'y a plus qu'une mini-Kommandantur stationnée au château Masson.

 

1942,

La guerre continue, les familles attendent le retour des prisonniers. La progression des armées allemandes en Russie inquiète. L'annexion de la zone libre par l'occupant annonce une évolution dans l'état d'esprit régnant au village. Stalingrad redonne de l'espoir. L'année se termine dans l'espoir d'une fin proche mais aussi dans la crainte.

 

1943,

L' année commence mal; l'hiver est rigoureux. Les jeunes nés en 1922 sont requis pour le S. T. O. (Service du Travail Obligatoire). Partaient pour l'Allemagne, Robert Barbier et André Jeannin, ainsi qu'un démobilisé de l'armée d'armistice, dissoute après l'invasion de la zone occupée, Jean-Pierre Tellier. Quant à Bernard Verrier, il prend le maquis, son père Stéphane sera arrêté, emmené à Dole, mais heureusement relâché.

 

Les bombardements alliés s'intensifiant sur les grandes villes, Paris évacue de nombreux habitants, en majorité femmes et enfants, le village accueille plusieurs familles; quelques juifs se cachent au village.

La résistance s'organise dans la région, alors que d'autres, croyant à la victoire nazie, ou simplement par intérêt, collaborent plus étroitement. Le marché noir est roi. Année sombre.

A côté de ces évènements tragiques, les jeunes organisent des manifestations (théâtre, kermesse) afin de confectionner des colis pour les prisonniers.

1944,

Année qui s'annonce terrible pour la France occupée. Le village acteur malgré lui, participe à la tragédie. L'ennemi voyant la victoire lui échapper, traque les maquis régionaux, le Massif de la Serre est investi à plusieurs reprises. La tuerie de Saligney affecte tous les habitants. La peur s'installe.

 

Début juin,

c'est l'annonce tant attendue du débarquement des Alliés en Normandie. A partir de cette date, l'espoir se renforce, mais l'occupant est de plus en plus dangereux. Les convois allemands étant harcelés par les maquisards, c'est l'ère des otages et des représailles. Le maire du village, Ernest Odille, accompagné d' André Ardin, sont emmenés au Château-Neuf, à la ferme Sigonney, pour être interrogés, par chance, ils sont relâchés.

Un matin, la gendarmerie est investie par l' armée allemande, heureusement, les gendarmes ayant vu le danger, peuvent s'échapper par derrière les bâtiments, vers le Mont Guérin. Ils rejoignent le maquis du côté de Lons-le-Saunier.

Au cours de cette année, un homme du village est déporté, Ulysse Simon. Il rentrera après la guerre.

Comme en 1940, nous avions vu les armées française et belge refluer vers le sud, nous voyons, dès août, l'armée allemande en déroute remonter vers le nord. Tous les moyens de locomotion sont bons : à pied, à cheval, à vélo, en voiture. Mais à la différence de 1940, il n'y a pas de réfugiés civils. Parmi cette troupe en déroute, il reste encore des unités bien encadrées et opérationnelles, ce sont en général les Waffen S.S. et les cosaques. Elles vont faire beaucoup de mal dans la région.

 

Le 6 septembre 1944,

deux maquisards sont tués aux platanes; il s'agit du maréchal des logis-chef Ménétrier, commandant la brigade de gendarmerie de Pontailler et de Guy Febvret, fils du maire de Lamarche.

Après le passage d'un convoi allemand arrosant de tirs d'armes automatiques les maisons du village, Moissey ne verra plus l'armée allemande.

 

Le 9 septembre 1944,

Moissey est libéré vers midi : arrive sur la place de la Fontaine, un motard avec un drapeau tricolore déployé. C'est le gendarme Michel de la brigade, qui vient en éclaireur. Il doit continuer vers Pesmes, pour se renseigner sur la position des unités allemandes. Il n'achèvera pas sa mission, il sera tué à Montmirey-le-Château, à la hauteur du cimetière.

Pendant des heures, les cloches vont sonner la libération du village. Une cloche, la plus grosse, en sera fêlée. Mais après la Libération, la guerre continue, il n'y a plus la pression de l'occupant, mais les restrictions demeurent. Heureusement, malgré la vindicte de certains, le village a échappé à ce que l'on a appelé "l'épuration".

Une fois de plus, le village héberge une unité militaire de la Première Armée. Elle est formée d'ex-maquisards de la région toulousaine (1). Elle partira peu après le jour de l'an, pour continuer la guerre dans les Vosges et en Alsace.

L'année s'achève dans l'espoir d'une fin proche, l'offensive allemande des Ardennes ayant été stoppée.

 

1945,

L'année commence dans la guerre. Les Alliés sont arrêtés sur le Rhin. Il faut attendre le printemps pour apprendre une relance de l'offensive des armées alliées.

 

Enfin, le 8 mai 1945,

la capitulation allemande est acquise, mais la découverte des camps d'extermination et de ses horreurs attristent la joie de la fin d'une guerre qui aura marqué la France et divisé les Français.

Le village attend ses enfants qu'il n'a pas revus depuis cinq ans. Petit à petit, ils reviennent, bien souvent à pied depuis Dole. En dehors de la famille, l'accueil n'a pas été à la hauteur de l'attente.

Puis la vie redevient normale au village, avec ses joies et ses peines.

 

Pierre Pénez, Moissey, 1994.

 

(1)

Le 17 juil. 2007 à 20:13, Gaël Le Goff a écrit :

Bonjour,

je viens de découvrir le site internet de votre commune. Félicitations aux concepteurs et aux rédacteurs...

Un témoignage m'a particulièrement intéressé; celui de M. Pierre Pénez sur Moissey, à la Libération, en 1944. Il parle de la présence à Moissey, à la fin de l'année, d'une unité FFI venue de la région toulousaine.

J'effectue actuellement des recherches sur les unités FFI, constituées à la Libération du Sud-Ouest, pour rejoindre l'armée de De Lattre dans les Vosges.

L'unité signalée par M. Pénez était le "Bataillon Jasmin", un maquis de l'Armée Secrète (AS) du Lot-et-Garonne, commandé par le Chef de Bataillon Jean Barret et le Capitaine André Huser, dit "François".

Le Bataillon Jasmin a cantonné à Moissey courant novembre 1944, avant de rejoindre le camp du Valdahon, mi-décembre. 

Le Bataillon Jasmin appartenait à la Brigade légère Garonne, partie d'Agen le 12 septembre 1944. La Brigade fédérait diverses unités FFI du Lot-et-Garonne. En octobre - novembre 1944, ces unités stationnaient toutes dans le secteur de Moissey (Peintre, Sampans, Montmirey...).

C'est à Moissey que les membres du Bataillon Jasmin ont signé leur EVDG, l'engagement volontaire pour la durée de la guerre, avant d'intégrer les unités de la 1ère Armée française ( 4ème RTT, 8ème Dragons... ).

Voilà pour la petite précision...

A tout hasard, si vous aviez de plus amples informations sur le cantonnement de cette unité à Moissey, ou dans la région, je suis particulièrement intéressé.

Félicitations, une fois de plus, pour votre site.

Kenavo

@ Gaël Le Goff - Brest

articles de Pierre Pénez

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2003, Histoire d'eau par Pierre Pénez

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