Marcel Mignot est né
le 11 juin 1912, à Moissey,
dans la maison (AB 214) voisine
de celle où il demeure aujourd'hui en retraite (AB
216), route de la Carrière, au croisement avec la
Rue Haute, et c'est Mme
Julie Lasnier, sage-femme, qui a assisté la
naissance.
- de
son père, Charles Joseph Auguste, né
le 22 décembre 1872, à Moissey, rue
basse, dans la maison (AB 481 ou 482) en face de
chez Simeray, (décédé en
août 1951) et
- de sa mère,
Marie Bellorgie, née le 2 juillet 1878,
à Moissey, dans le même immeuble que
son futur époux, mais dans l'appartement
d'à côté (AB 482 ou
481).
Ses parents se sont
mariés en février 1899,
le maire s'appelait
peut-être Odon Loisey
et le curé s'appelait
Brûlot, il parlait patois, tout comme le
maître d'école Joseph Rouget
(1875-1904).
Ils ont eu 5
enfants :
-
Jeanne née le 25 novembre 1899,
ici,
- Charlotte, née
en octobre 1901, ici,
- Marie, née le 29
novembre 1904, ici,
- Marcel, né le 11
juin 1912, ici,
- Charles, né le
23 novembre 1914, ici aussi.
Marcel Mignot a
fréquenté l'école de Moissey,
d'abord avec Mlle Digrado au rez-de-chaussée de
l'école (AB 436),
puis avec M. Guinchard, et M.
Poussot qui lui a succédé en 1926, à
l'école des garçons, immeuble de la mairie
(AB 191).
De 14 à 20 ans il a
travaillé à la culture avec sa famille,
puis il est parti en 1932 faire une année au
4ème régiment d'artillerie hippomobile
à Mulhouse.
En rendant visite à sa
soeur Jeanne -épouse Rovet- à Eclans, il
fréquente sa future épouse, Denise
Besançon, née le 29 octobre 1921, qu'il
épousera à Eclans le 26 avril 1941, en
pleine occupation.
Ils auront deux
filles,
- en
1942, Michelle (mère de 2 garçons et
1 fille), et
- en 1951, Danielle
(mère de 1 garçon et 1
fille).
C'est en 1945 qu'ils
emménageront dans leur demeure d'aujourd'hui, AB
216, après avoir vécu deux ou trois ans
dans la maison du bord de la route, AB 215.
Les souvenirs les plus
lointains de Marcel Mignot lui font évoquer sa
présence, lorsqu'il avait 7 ou 8 ans, dans le
Café du Centre AB 52.
Je tournais la manivelle
pour "remonter" le piano mécanique, comme on
remonte un mécanisme d'horlogerie. Les clients
payaient pour écouter leur morceau favori parmi 6
titres, avec une grosse pièce de bronze de 2 sous.
Il y avait 6 danses, la Scottish, la Marche, la Mazurka
et d'autres. Parmi les clients, il y avait des soldats,
peut-être en permission.
Pendant la guerre de 1914,
mon père est parti, mais comme il fut
bientôt père d'un cinquième enfant,
l'armée l'a renvoyé chez lui. Il gardait
les voies.
La
Sablière des Bois de
Moissey.
J'avais 17 ans et je
travaillais à la culture avec mon père.
Pour me faire un peu de sous, je me suis embauché
à la Sablière de Moissey. C'est nous qui
l'avons ouverte. Elle était dirigée par
Marlin et Bourachot.
En premier lieu, nous avons
créé le chemin qui va du chemin de la Poste
jusqu'au poste de chargement des camions. Une partie du
chemin existait, c'est à dire la portion qui
conduisait aux trois grottes, ces trois trous, ou trois
voûtes qui était un lieu d'extraction
sauvage pour les habitants du village.
Le père Marlin
m'avait vu travailler, car tout au début,
j'étais chargé de remplir les grosses
ornières du chemin de la poste, toujours plus
creusées par le passage des camions, des vieux
Saurer à bandages.
Il fallait décrotter
les ornières au pic, puis ensuite égaliser.
Avec moi, travaillaient Aymé Ruisseaux, le
frère de Marcel, Albert Patin et Georges Jeannin.
Georges Jeannin était marié à
Hélène Bralet, son fils André,
né en 1929, chantait comme Charles Aznavour. Il
chantait si bien qu'on le prenait toujours pour les
battoirs. Georges Jeannin, il était crieur aux
ventes, et il habitait la petite Maison By, en location,
là où la commune remisait la pompe et le
corbillard.
Lorsqu'il m'a vu faire et
bien faire, le père Marlin m'a placé sur la
construction du chemin de desserte de la sablière.
Nous avons donc continué en ligne droite la
portion existante, jusqu'au poste destiné au
chargement des camions. Cette aire existe encore, elle
ressemble à un petit tunnel à une seule
entrée : la plate-forme est en
béton avec des armatures "rails de fer". Le
tablier de ce faux pont servait à accueillir les
wagonnets en voie de 50, poussés à la main
depuis la sablière. Arrivées-là, les
bennes des wagonnets étaient basculées du
bon côté et le sable tombait directement
dans la benne d'un camion qui s'était mis à
cul. Le camion, une fois rempli grimpait le chemin de
desserte en ligne droite, prenait le chemin de poste et
se rendait chez le client.
Pour extraire le sable, je
précise que c'était dans l'étage du
bas que ça se passait, on utilisait un peu les
tirs de mines et on finissait au pic. Il devait y avoir
un concasseur car le sable était tiré en
gros pâtés bien compacts. Je ne me rappelle
plus si on le lavait. C'était du beau sable blanc.
Mais il y avait du salpêtre dedans, il fallait
donc, pour compenser cet inconvénient, ajouter
beaucoup de chaux pour le mettre en
oeuvre.
La petite maison à
toit plat, à l'entrée du chantier devait
servir à remiser les explosifs.
Je n'y ai travaillé
que 3 mois. Je gagnais 32 F par jour. Nous avons
été victimes de la jalousie. Quand le
patron a appris que nous étions aussi dans la
culture, il ne nous a pas gardés.
C'était bien dommage,
car en 1929, c'était comme aujourd'hui, le boulot
était plutôt rare.
Je n'ai jamais vu de hangar
sur ce site, s'il y en a eu un, c'est forcément
plus tard.
L'étage
supérieur de la
Sablière.
En fait, sur ce site, il y a
deux sablières,
- celle du bas où
j'ai travaillé, où il y a encore un grand
béton et des socles à machines, et une
mare, et
- celle du haut
reconnaissable à ses trois grottes. Ce n'est pas
véritablement une sablière. Mais depuis la
nuit des temps, n'importe qui pouvait venir gratter la
quantité de sable qu'il désirait pour ses
besoins privés. Les utilisateurs grattaient
l'intérieur de ces grottes. C'était
dangereux. J'y suis allé une fois pour nous, avec
une charrette et les deux boeufs. J'ai reculé la
charrette dans une grotte, les boeufs dehors. En grattant
le plafond, est tombé sur la charrette un bloc
d'une centaine de kilos. J'ai dit aux boeufs "on n'y
reviendra pas".
Pour finir, la
municipalité a fait dynamiter ces trois grottes et
elle a bien fait.
La
Carrière d'Eurite.
Je l'ai vue quand elle
démarrait. Quand j'allais tous les jours à
la Sablière pour travailler, j'y passais en
vélo. Il y avait un gars qui tirait de la pierre
et qui la cassait, tout à la main. Il extrayait
à droite, dans l'extérieur du virage en
montant, c'est à dire sur une coupe communale de
la réserve, et il emmenait son butin de l'autre
côté, là où est le bureau de
Camille Pernot. A droite, il y avait le trou, et à
gauche, il y avait le tas. Même, il y avait
plusieurs trous. Dans les années autour de 1920,
quand j'avais 8 ans, nous allions nous baigner dedans,
car dans les trous, naturellement, l'eau s'y
mettait.
A cette époque, les
carriers étaient carriers pour eux, comme les
bûcherons indépendants. Ils travaillaient
directement pour le compte du client.
Je me rappelle avoir vu le
Joseph Raposo faire traverser la route, le CD 37,
à des wagonnets, au moyen d'un treuil. Il les
tirait jusqu'à un petit concasseur monté
sur roues.
C'était en 1929,
à mon avis, c'est à ce moment-là, ou
alors début 1930, que Marcel Téliet est
arrivé avec ses gars et s'est lancé dans
l'exploitation "industrielle" de cette carrière.
La
Carrière des Gorges.
C'étaient des
prisonniers qui étaient là, on les appelait
les "Joyeux". Ils avaient une calotte rouge. Il y avait
des baraques en planches, des deux côtés de
la vallée des Gorges.
Je me rappelle avoir vu une
loco et des wagons traverser la route [aujourd'hui CD
475].
Nous y allions jouer le
dimanche, quand c'était désaffecté.
Il y avait une voie de 50 qui longeait le front de taille
et qui terminait au concasseur. La voie de 50, je l'ai
vue, et même je l'ai prise, car il restait un
wagonnet, tout seul, en fait que le châssis, et on
se lançait dessus jusqu'au concasseur. Elle ne
faisait pas plus de 100 mètres de longueur. On
mettait un bout de bois pour arrêter le wagonnet,
sinon...
Le Tacot.
Je l'ai approché de
près. On ne gagnait pas assez avec notre petite
culture, alors je faisais le voiturier. J'allais chercher
du bois. Je mettais deux charrettes accouplées,
l'ensemble tiré par deux boeufs. Je chargeais dans
la forêt, du bois en moule (cube de 1,33 m de
côté) et de la charbonnette en fagots
liés avec du fil de fer en 0,60 m de long. Je
descendais tout ça des Bois Matherot,
propriété de M. Dubuc pour y transvaser
à la gare sur des wagons qui se bâchaient.
Le transfert se faisait sur la voie d'évitement.
Évidemment, quand on accrochait 3 wagons ainsi
chargés, on n'était pas
étonné que le tacot patine dans les
montées, surtout si ça tombait un jour de
foire.
Le patron, M.
Dubuc-Courtial, me donnait 25 F du moule. Je charroyais
avec Paul Sigonney. Le destinataire du bois que nous
voiturions était M. Gruet à Dole, qui
était marchand de combustible sur la ville et ses
environs.
Nous avons fait ça
jusqu'à la mort du tram, en 1933.
Après je piochais une
vigne à Roche, pour 200 F.
La
culture.
Quand j'ai commencé
la culture, j'avais 10 hectares et 5 ou 6 vaches. Quand
j'ai arrêté, en 1975, j'avais 20 hectares et
une petite vingtaine de vaches.
Par la taille de mon
exploitation, j'étais le 5e agriculteur de
Moissey, derrière les Ruisseaux, les Thomas,
René Collieux et Marcel Daudy.
La
traction.
On a commencé avec
des boeufs. Quand j'ai acheté des chevaux, je me
suis toujours fait avoir. Le premier n'avait plus de
dents, le deuxième avait des pattes tordues, le
troisième, ça allait à peu
près. J'en ai acheté 5. Les chevaux, c'est
bien meilleur que les boeufs, d'abord c'est bien moins
bête. Les boeufs, il faut leur apprendre à
aller, quand l'un ne bourre pas l'autre en permanence, on
a de la chance. Ma femme, la Denise, il fallait qu'elle
marche devant eux!
Après les chevaux,
j'ai acheté mon premier tracteur. Il était
foutu et je n'y avais rien vu. Mon deuxième, il
allait bien, mais il avait fallu que je me saigne pour
l'acheter.
Le
lait.
J'emmenais mon lait dans des
bidons de 20 litres, avec une remorque à main. Je
descendais la rue du Dieu de Pitié pour rejoindre
le dépôt qui était sous la
boucherie.
En 1940, on n'y faisait que
du beurre, chacun son tour. On écrémait et
on battait la crème, avec la baratte à
bras, puis la même avec un moteur
électrique. Le lait écrémé,
qu'on appelle petit lait, il était retourné
aux producteurs en proportion de ce qu'ils avaient
apporté. (Autant de litres de lait, autant de
"casseroles" de petit lait). Avec le pèse-lait, on
savait ce que chacun avait
apporté.
Le petit lait rentré
chez nous, on le travaillait à notre guise, on
faisait de la cancoillotte ou du fromage
blanc.
Pour faire de la
cancoillotte,
on mettait le petit lait
dans des pots en grès, il caillait tout seul, sans
présure. Une fois caillé, on le mettait
cuire dans un faitout, ça donnait une pâte
molle qu'on serrait à la main pour en faire des
boules comme des boules de neige, on laissait
sécher, on émiettait dans un pot en
grès, c'était le metton qu'on laissait
fermenter doucement sur le fourneau. Quand il
était jaune, il était prêt à
la chauffe et à la consommation. Il ne fallait pas
le laisser traîner trop longtemps, pour
éviter que ça
s'abîme.
Pour faire du
fromage blanc,
on laissait le petit lait
cailler tout seul, on le cuisait, on l'égouttait
dans une faisselle et c'était prêt à
la consommation.
Le résidu de ces deux
opérations s'appelle l'eau verte, la laitie ou le
sérum. On le donnait au cochon, ça lui
faisait à boire, ou on l'additionnait de farine,
ça lui faisait à manger.
La
fromagerie.
Un jour s'est monté
un syndicat de producteurs de lait et tout a
changé. On portait le lait, on nous le payait et
on ne fabriquait plus rien. On avait un fromager. Il
ramassait le lait, il le travaillait. Il était
installé à Frasne. Le premier s'appelait
Dardelin. Ça n'a pas duré bien longtemps
à Frasne. C'est la fromagerie de Chevigny qui a
pris le relais. Nous sommes devenus, sous certaines
conditions, producteurs de Comté. (Conditions de
race et de nourriture en particulier).
La
vigne.
Avant le remembrement, on
avait des bouts de vignes petits et nombreux. On a fait
du vin et de la goutte, toujours exclusivement pour la
consommation familiale.
La
vendange.
Le
vin.
Sur une grosse sapine, avec
le rond à trous et l'égrappoir, on
égrappait la vendange, puis on la moulinait. On
l'entonnait, puis vers novembre, on soutirait le vin et
on récupérait le marc, au fond de la tonne
pour la distillation.
L'alambic.
On distillait le marc avec
l'alambic. Dans la même opération, on
passait nos fruits qu'on avait laissé fermenter
dans un tonneau qu'on secouait de temps à
autre.
Les
eaux.
Il y avait près de
chez nous un abreuvoir, un demi-cylindre en fonte, et une
arrivée d'eau avec une tête de lion. Puis le
père Zocchetti a construit un très gros
abreuvoir, ce qui était indispensable pour les
années de sécheresse.
Sur la route d'Offlanges, il
y a une source captée, alimentée par la
source de Melay, avec un diviseur des eaux qui
distribuait 2 tiers pour Montmirey-le-Château et 1
tiers pour Moissey. Cette eau alimentait le
cimetière, notre abreuvoir de la rue haute et la
fontaine en pierre meulière derrière
l'église. Paul Masson recevait le trop
plein.
La grande fontaine
(classée) de la place était
alimentée par le canal du Puits
Baudry.
La fontaine de la rue basse
était alimentée par une source qui
était en bas des grands escaliers de
l'église.
La fontaine de la
République recevait l'eau captée au
Pré d'Amont.
La
Saboterie.
Je n'ai jamais
travaillé à la scierie, mais je l'ai vue en
fonction, puisque je chargeais mon bois tout près
de là, à la Gare de
Moissey.
Les
Carrières
Meulières.
"Il y avait des vieilles
meules, on n'y allait pas souvent. Je n'ai jamais vu
d'extraction ni personne y travailler".
propos recueillis par Christel Poirrier,
moissey, le 27 août 1996.
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