Marcel
Guillaume est né à Moissey le 11 juin 1904,
dans la maison de ses parents
(AB 163 et 164, en face de chez Ernest et Juliette
Daudy),
- de
son père Léon Guillaume (né en
1879 et décédé en 1919)
et
Sa soeur Berthe est née
en 1908, et s'est mariée à Marpain avec
Emile Belleney, (leurs enfants s'appellent Camille et
Jacqueline).
Peu après sa naissance,
la famille Guillaume s'installe dans la maison de culture
à la sortie à droite du village, direction
Pesmes (AB 145).
Le petit Marcel a
fréquenté la classe enfantine, en bas de
l'immeuble "logement de fonction" (AB 436), avec Mme
Grebot, (alors qu'en haut sévissait Mlle Lissac
dans la classe des filles), puis ensuite fréquente
la classe des grands avec Mr Edmond Guinchard, dans
l'immeuble "Mairie" (AB 191). A 13 ans, il quitte
l'école pour travailler avec son père
Léon qui est agriculteur.
Il a fait sa communion avec le
curé Alexandre-Lucien Brûlot (1900-1917)
celui qui a eu des mots avec Firmin Béjean, le
laitier.
Firmin, depuis son grenier,
avait cassé un carreau du presbytère avec
une carabine. Heureusement, il n'y a eu aucun
blessé. Mais le curé avait quand même
porté plainte.
La guerre de
1914.
"Je n'ai pas passé le
certificat pour cause de guerre de 14. Au moment de la
déclaration de guerre, nous étions en
classe, Mr Guinchard nous a renvoyés parce qu'il
était mobilisé dans sa
spécialité, garde-voie. Il était
sergent. Nous avons eu quelques jours de "vacance" et
c'est un jeune maître de Saint-Claude, M. Poussot
qui l'a remplacé. Plus tard, il y a eu Mme Jannot.
Bien sûr, on n'attaquait pas la classe avant la
Toussaint car il fallait finir les travaux des champs,
mais hormis ce privilège que nous étions
nombreux à nous offrir, l'école s'est
déroulée à peu près
normalement.
Mon père Léon,
qui faisait partie de l'auxiliaire a été
mobilisé plus tard que les premiers,
c'est-à-dire en 1915 ou 1916. Il a attrapé
les fièvres sur le front de Salonique et il est
revenu, très malade, mourir dans son village en
1919.
Ma mère et moi, et un
journalier avons dû dès lors faire tourner
la ferme, c'est-à-dire 5 vaches et 15 ha de
terres".
L'agriculture.
"Au moment où mon
père est mort, j'avais 15 ans. Le travail de
l'agriculture n'était pas comme aujourd'hui, mais
ce n'était déjà plus le
moyen-âge. Tout le travail se faisait avec des
chevaux et des boeufs. La charrue et les foins avec des
chevaux, les boeufs, c'étaient pour les travaux de
force. Pour les foins, on avait déjà une
faucheuse mécanique, et bien avant moi, des
dégraineuses à bras ou à
manège.
- A bras, c'était un
cylindre à dents, genre tarare, avec une
manivelle,
- à manège,
c'était un cheval ou un boeuf tournant en
manège qui produisait la force : la
dégraineuse était reliée au
manège par un axe tournant, un peu comme les
prises de force des tracteurs de
maintenant.
Après, on a
racheté une batteuse, qui est toujours
là : la batteuse était sur un niveau
élevé dans la grange, et sous elle, un
manège avec 2 chevaux, entre les deux
installations, une transmission avec une
couronne.
Autour de mes 30 ans, j'ai
acheté un moteur à essence pour produire la
force de mouvoir nos machines, puis 10 années plus
tard, j'ai acheté un moteur
électrique.
Quelquefois, lorsque nous
utilisions une machine à vapeur pour la batteuse,
nous faisions venir un entrepreneur. Cette machine
ressemblait un peu à une loco, avec sa
chaudière et sa cheminée.
Évidemment, elle tournait au charbon, et à
l'eau.
On a eu
l'électricité en 1910, je l'ai vue
être installée.
Pour nos besoins en eau,
nous avions un puits, avec une pompe à godets qui
remplissait un abreuvoir en fer à
côté. En hiver, comme la cour correspondait
avec l'écurie, c'était facile de
lâcher les bêtes dans la cour pour qu'elles
s'abreuvent.
Autrement, on faisait boire
nos bêtes à la fontaine de la
République ou à l'abreuvoir du carrefour de
la rue haute avec le CD 37. Pas loin de chez nous, il y a
avait un puits réputé pour la
fraîcheur de son eau. Ce puits existe toujours, il
est sur la mitoyenneté du Docteur Magnette et la
maison d'Albert Patin, aujourd'hui démolie. Ce
puits faisait 13 m de profond, et tous ceux qui voulaient
-en été- de l'eau bien fraîche pour
le repas pouvaient venir puiser
là.
Comme d'autres gens, on a eu
l'eau avant l'adduction du syndicat. Quand ma femme
était en retraite, en 1961, j'ai acheté un
groupe électrogène qui motivait une
pompe".
En 1924, Marcel Guillaume
part au régiment, il fait son service militaire
à Colmar dans le 12e de Dragons.
De son côté,
une jeune institutrice qui sortait de l'Ecole Normale,
après avoir fait 6 mois à Arbois, se trouve
nommée à Offlanges à la place des
époux Mourlin, qui devaient être
nommés à Moissey... Finalement, c'est elle,
Germaine Caillot, née à Boncourt en Suisse
le 10 janvier 1906, qui fut nommée à
Moissey.
"Mon oncle, Ernest Odille
était maire, (successeur du Dr Claude Simeray,
domicilié au "Prieuré" de la rue basse) et
il avait 2 filles qui étaient donc mes cousines
(Marcelle Odille, future épouse d'Angelo Rossetto
et Armandine Odille, future épouse d'Attilio
Turchetto). Elles fréquentaient la nouvelle
institutrice et moi, je fréquentais mes
cousines...
Alors, forcément, je
ne vois pas comment j'aurais pu faire autrement que de
rencontrer Germaine Caillot...
Nous nous sommes
mariés à Saint-Cyr, près d'Arbois,
en 1929. Elle a exercé un an ou deux à
Saint-Cyr, puis à Pointre, puis à Frasne,
enfin à Moissey en remplacement de Mme
Lesnes.
Une fois mariés, le
dimanche, nous allions chez ma soeur Berthe à
Marpain ou chez les parents de Germaine, à Arbois,
à moto puis en voiture. Sinon, nous sortions
peu.
J'ai été
conseiller municipal après la guerre de
1940.
Elle a pris sa retraite en
1961 et moi en 1969. Elle est
décédée le 18 septembre
1992".
La belle
époque.
Marcel Guillaume parle de la
belle époque avec un enthousiasme qui nous ravit,
car on voit qu'il replonge dans ce passé dont il
garde des souvenirs excellents. En parlant, il revit le
bon temps.
"Tout marchait bien, il y
avait du travail pour tout le monde. Bien sûr, il y
a eu la période triste de 1918, on ramenait les
morts. La vie a repris ses droits, on a recommencé
à danser, ce qui était jusqu' à lors
interdit.
Le camp des Gorges
était exploité par des prisonniers de
guerre et gardé par des soldats. Tous les soirs,
les soldats du camp venaient nous faire danser dans le
Café Guillaume, dit aussi Café du Centre,
à la place de la maison de la famille Barata. Tous
les soirs, c'est-à-dire quand on venait verser
notre lait à la laiterie, sous la partie
amputée de l'immeuble "Clair". On se
dépêchait de verser, puis on fonçait
au Café Guillaume, les soldats jouaient de
l'accordéon. On y restait jusqu'à une
demi-heure. Les filles dansaient avec les garçons
qui savaient, puis de fil en aiguille, elles apprenaient
à ceux qui ne savaient pas. On buvait un peu de
bière, oh, pas trop, on n'avait pas beaucoup de
sous.
A cet instant de
l'entretien, le regard du doyen est très
illuminé.
Le dimanche, on jouait aux
quilles, il y avait 2 jeux de quilles,
- un chez Barbier (cour de
René Collieux), père de Charles-mari de
Jeanne Miroudot et de Dédé-mari de
Blanche,
- l'autre dans la cour de
l'Hôtel des Voyageurs, contre l'ancien relais de la
Poste aux Chevaux.
Le dimanche, après
midi, filles et garçons allaient à pied
route des Platanes. Il n'y avait pas
d'autos...
Le
Tacot.
...On allait voir le Tacot
vers 16 heures. On voyait le chef de Gare, Monsieur
Raget, dont le fils Louis est sur le monument des morts
de la grande guerre. Monsieur Raget habitait au
"Prieuré" en location chez Simeray. Le Tacot,
c'était du plaisir, on le prenait pour aller
à Dole faire des commissions, des petites
commissions, car si c'était volumineux, on prenait
plutôt le break à cheval; c'est une voiture
à 4 roues, banquette à l'avant et deux
bancs à l'arrière dans le sens de la
longueur, en vis-à-vis.
Le jeudi à Dole, jour
de foire, le break était tout indiqué pour
les gros achats, par exemple pour ramener des cochons, de
l'outillage, un moteur, des meubles, bref pour les
grosses courses.
Ou alors, le Tacot,
c'était pour quand il faisait pas beau.
C'était bien facile, pratique. Quand on
étaient galopins [adolescents], il
arrivait que le dimanche, on descende à la Gare de
Moissey, qu'on saute dans le Tacot jusqu'à
Montmirey-le-Château, qu'on fasse une partie de
quilles et qu'on re-saute dans le Tacot du soir
jusqu'à Moissey. Il faut dire qu'il y avait une
époque où passaient trois tacots par jour,
c'est-à-dire six si on considère les deux
sens.
Le Tacot, c'était
à la portée de tout le monde. On prenait
les tickets à la Gare, le contrôleur
s'appelait Métadieu, et il contrôlait. Et
ceux qui n'avaient pas de tickets, il leur fallait en
acheter dans le train sinon c'étaient les
ennuis.
Quand on allait à la
foire le jeudi à Dole, le Tacot était
particulièrement chargé, et ce
n'était pas rare que dans la montée
d'Archelange, les roues patinent. Nous les jeunes, quand
on voyait ça, c'était un réflexe, on
descendait et on poussait. C'était utile et on se
marrait.
C'est souvent qu'on faisait
la collation dans les wagons en instance sur la voie
d'évitement. Il y avait toujours des voitures
[= pour voyageurs] ou des wagons [= pour les
marchandises] qui étaient là, qui
attendaient du service. Avec les autres on allait prendre
la collation, c'est-à-dire, on cassait la
croûte, du pain et du fromage. Et à
boire ? Je pense bien qu'il y avait à boire,
et toujours assez. C'était du vin de Moissey.
Sûr qu'il était bon. D'abord, les vignes de
Moissey, c'étaient les mêmes que celles
d'Offlanges ou de Menotey. Il y avait de la vigne
partout. On faisait du blanc ou du rouge. C'était
du vin de consommation courante, mais il était
bon. Bien sûr, j'en ai fait du vin. Du vin pour
nous.
Le jour de la
fête de Moissey,
c'était pas
compliqué, on la faisait toute la semaine. Le
samedi soir, on portait les mais aux filles, et le
lendemain on tournait dans le village avec un char garni
de feuillages et attelé avec un cheval. Il y avait
de la musique et de la bonne, car les musiciens de Pesmes
qui venaient pour la fête, levaient les Saints avec
nous et jouaient le bal. C'était compris dans le
prix. Il y avait des pistons, des trompettes, enfin tous
les instruments des musiciens.
En face de la Grande
Fontaine, il y avait l'entrée du Château et
l'entrée Collieux, mais il y avait quand
même de l'espace. Une année, il y avait,
pour la fête, des stands depuis le Café
Guillaume jusqu'au Chemin Neuf (entrée du
lotissement du Châtaignet), il y avait 2 bals. Il y
avait un manège de chevaux de bois, non, il
n'était pas électrique, il tournait
grâce à...
suspense du conteur qui
jubile,
...un cheval qui
était caché dedans et qui manoeuvrait en
manège, avec encore une transmission
étudiée pour.
Puis après 1945, la
circulation des autos s'était intensifiée,
la fête a été
transférée à l'ancienne
Gare.
Il y avait aussi le
caïfa, un gars de pas bien loin qui livrait à
domicile la petite épicerie, dans une petite
carriole à 4 roues qu'il poussait devant lui. Un
marchand de légumes, un Italien qui venait de
Chevigny faisait les portes, avec une charrette à
cheval, il vendait de tout, même des marrons, il
achetait des patates, enfin, il faisait du commerce dans
les deux sens.
Je me rappelle aussi de ce
messager, Begin de Brans, qui faisait le ravitaillement
en gros des épiceries, avec des produits en vrac
dans des sacs comme le café brut ou le sucre
cristallisé.
Ce café était
grillé par le détaillant, c'est ce que
faisait le père Briet. De temps à autre, il
installait le torréfacteur sur le trottoir devant
son épicerie et ça embaumait toute la
rue.
Le fils de M. Briet qui
avait appartenu à l'armée de l'air
britannique, dans les années 40, s'était
illustré dans des missions de bombardement. En
1945, il avait été décoré par
Winston Churchill lui-même qui lui avait offert...
un cigare.
Sur le champ de
foire de Moissey,
là où sont les
Ponts et Chaussées, il y a eu des concours
agricoles, avec des drapeaux sur des mâts, au
milieu des Marronniers. Il y en a eu un en 1936, mais
c'était rare, j'en ai peut-être vu un ou
deux.
La vigne et la
goutte.
- De la vigne, mon
père en avait 4 hectares et moi, j'ai roulé
avec un demi-hectare. Le problème a
été celui du phylloxéra qui a tout
dévasté. A Moissey, partout c'était
de la vigne. Il a fallu arracher et faire autre chose.
Pour maintenir la vigne, on a dû planter du plant
américain qui n'attrape pas cette maladie, et s'en
servir comme porte-greffe. Mais dès lors, il
fallait cultiver autrement; non plus en foule
(c'est-à-dire, sans géométrie), mais
en rangs, ce qui allégeait drôlement le
nombre de pieds, donc le rendement.
On a toujours fait du vin,
mais pour nous.
- J'ai distillé
jusqu'à ce que j'arrête la culture. Pendant
la guerre, les Allemands nous ont fauché nos
alambics. Après quoi, il y a eu un alambic
communal, qu'on déplaçait de chez l'un
à chez l'autre, pendant la période de
distillation fixée par
l'administration.
On goûtait.
C'était obligé si on ne voulait pas sortir
que de la blanquette, mais on ne faisait pas
d'excès, ça c'est
sûr.
J'ai encore le droit de
bouilleur de cru, mais puisque je n'ai plus rien à
mettre dans le chaudron, pour moi, c'est
fini.
Le lait et le
beurre.
Avant ma naissance, on
portait le lait à l'emplacement de l'ancienne
poste, puis chez Bel et Béjean, puis chez
Béjean tout seul, et enfin, en 1911, au
dépôt sous la boucherie. C'était pour
le beurre. Avec le petit lait restant de
l'écrémage, les producteurs faisaient du
fromage blanc. D'ailleurs, ce sont ces produits-là
que la Cossotte emportait au marché de Dole pour
les vendre. Avec le sérum, liquide issu de
l'égouttage, on élevait le
cochon.
Il y avait une baratte pour
faire le beurre. On écrémait et on battait,
ça faisait du beurre.
On ne faisait pas de
fromage, c'est plus tard, quand les paysans seront
ramassés par un fromager de Frasne et plus tard,
par la même coopérative installée sur
Chevigny.
Le
cochon.
Quand on avait tué le
cochon, j'étais bien huit jours sans manger de
viande, incommodé que j'étais par les
odeurs.
On élevait un cochon,
des fois deux. Au moment de le transformer en
cochonnailles, on faisait venir des gens qualifiés
pour ça. Ils faisaient les pâtés, le
boudin, les saucisses et tout le reste allait au
saloir.
On ne conservait que la
viande de cochon. Pour manger, sinon, on avait les
lapins, et la volaille.
La guerre de
1940.
A ce moment, mon
épouse était institutrice à Frasne.
J'allais à Moissey faire mon métier de
paysan en vélo, puis plus tard en auto. En juin
1940, j'ai été mobilisé en Alsace,
à Phalsbourg et dans les environs. La
débâcle a été courte. Germaine
a quitté Frasne avec sa mère, à
pied, avec une charrette de gosse, et elles se sont
arrêtées à Peintre puis ont fait
demi-tour et sont rentrées soigner les cochons qui
avaient été libérés pour
qu'ils ne meurent pas de faim. Certains ont fait pas plus
de 20 à 30 km avant de s'apercevoir que ça
ne servait à rien.
Il y avait des
résistants partout dans les bois, au Bois de
Cronges, au Bois de Menotey, dans la
Serre.
Des collabos à
Moissey, non, mais à Frasne, oui, des
vrais.
Il y avait des officiers
allemands au Château Masson, mais on s'ignoraient,
tout le monde se fichait la paix et ça
allait.
Il y a eu les
réquisitions. Il y avait une commission des
réquisitions à Montmirey-le-Château.
Il a bien fallu la subir; de temps en temps, il fallait
livrer une bête, on la pesait à la bascule,
à côté de la menuiserie
d'André Guillaume, (fils d'un autre Léon
Guillaume) mari de Blanche Ardin. En tout, j'ai pu livrer
3 ou 4 bêtes.
Les Allemands nous ont pris
aussi un chariot de culture. Un jour, ils montaient la
rue avec un cheval qui tirait une remorque à main,
et devant chez nous, il y avait une charrette
dételée. Dès que je les ai vus, j'ai
dit à ma mère de nous dépêcher
de la rentrer, mais c'était trop tard, ils
l'avaient vue. Finalement, ils ont fait l'échange.
C'était un cheval d'Authume.
Et puis, il y eu les
réquisitions des autres, les résistants.
Ils m'ont embarqué ma voiture. C'était une
traction, vous pensez, une 9 CV, une des
premières, que j'avais dû acheter en 1937 ou
1938.
La
carrière des Gorges.
On en tirait du silex, du
porphyre. Au début, c'étaient des
prisonniers qui cassaient la pierre, puis plus tard,
c'étaient des prisonniers politiques des Bat d'Af
[Bataillons d'Afrique]. La compagnie des Tacots
avait fait une ligne jusque-là. La pierre
était amenée à concasser avec des
petit wagonnets, puis elle tombait dans des wagons plats.
Le camp avait sa propre locomotive pour manoeuvrer ses
wagons, peut-être bien 5 ou 6.
Le directeur de ce Camp, M.
Lamielle, en dehors de ses activités
professionnelles, avait monté une
société de musique. Il avait acheté
des espèces de petites flûtes qu'on appelait
"bigophones". Les répétitions avaient lieu
chez lui, dans la maison de M. Colin l'éleveur de
moutons (AB 120).
Quand j'étais
à l'école, entre midi et une heure, on
allait faire une virée rapide au camp, on faisait
coucou en vitesse aux prisonniers roumains. Ils
étaient sympa, on les chahutait. Ils
étaient habillés en prisonniers de guerre,
ils attendaient tranquillement, eux aussi, l'heure de la
reprise. Ils devaient bien être une
centaine.
Cette carrière, elle
n'a pas dû marcher plus de 2 ans. Quand tout a
été fini, des habitants du village ont
acheté du matériel, des hangars, chez
Béjean, chez le menuisier Guillaume, chez
Collieux.
Le lavoir des
Gorges.
Au départ,
c'était un simple ruisseau, élargi à
la pioche par les femmes. Il y avait beaucoup de monde
qui le fréquentait. Germaine, qui était
institutrice ne souhaitait pas laver son linge ici. De
toute façon, après son poste à
Frasne, on a habité à la ferme où il
y avait l'eau.
Puis un maire, je ne peux
pas dire lequel, a fait construire un vrai lavoir, un peu
comme celui du pré d'Amont, avec une vraie
toiture.
En fait, il y
avait-là trois lavoirs, le premier, celui qui a
été aménagé, qu'on appelait
quand besoin était de faire la distinction
"premier lavoir"; plus haut vers l'amont, le lavoir de la
plaine, et encore plus haut, celui qu'on appelait "La
Teuriette". Quand le premier était plein (de
lavandières), il fallait se rendre au suivant, et
ainsi de suite.
Les années de grande
sécheresse, les femmes allaient jusqu'à la
"Montée rouge", c'est-à-dire bien
au-delà de l'extraction d'Eurite, et j'ai
même connu le cas où elles avaient dû
aller jusqu'à l'Ermitage, puisque là la
source ne tarit jamais.
Les
Carrières de Moissey.
Je connais bien l'origine de
ces carrières. Je les ai vu débuter. Il
s'agissait de journaliers, qui travaillaient pour leur
compte, employés par personne, c'étaient
des prestataires. Ils livraient de la pierre à qui
les payait. Ça a commencé à droite
en montant. Un très bon casseur avait du mal
à casser 1 mètre-cube par jour. Ils
tiraient sur les Bois communaux de Moissey. Mais tout
ça, ça a commencé bien avant moi.
Depuis 1855 ? Oh, même sûrement bien
bien avant.
Autour des années
1920, des terrains ont été
expropriés pour être exploités par le
service des Eaux et Forêts. Ils y employaient une
quinzaine d'ouvriers à produire du ballast. Mais
bien qu'ils aient rendu les terrains en 1925, ils avaient
arrêté bien avant.
Plus tard, vers les
années 1930, a démarré
l'exploitation Téliet.
Firmin Béjean -le
laitier- faisait le transport de pierre puis il a ouvert
un vrai chantier, à côté, dans les
Bois Besson, on l'appelait l'Eurite de la
Serre.
Monsieur
Téliet.
C'était un raide. Un
dur. Capable sûrement, mais dur. Il avait des
idées d'avant-garde, mais ce n'étaient que
des idées. Par exemple, il avait le projet de
creuser un canal de Rochefort à Auxonne, pour
convoyer sa pierre. Vous rendez-vous
compte ?
Les
Carrières
meulières.
Quand je suis né,
ça ne fonctionnait plus, c'était sur le
territoire de Frasne. J'y suis allé me promener,
une ou deux fois, pas plus. Un vieux bonhomme de Frasne
tirait de la caillasse pour les Verreries de La Vieille
Loye. Il en tirait, et un voiturier allait la chercher et
l'emmenait sur le Tacot. Ça, c'est quand on
était gosse.
Le café
Fidalgo.
Monsieur Fidalgo
était carrier chez Téliet. Il a
quitté la carrière de porphyre pour
s'installer à son compte: ouverture d'un
café dans la maison 383/384, au bord de la place
du village, exploitation de la carrière de Frasne,
à l'endroit dit "Le Pontot", au bord du CD
37.
Les carrières du Mont
Guérin sont hors service depuis longtemps. On y
avait tiré de la pierre pour construire la voie du
Tacot. Mais c'est de la pierre gélive, elle n'est
pas bonne.
Le
remembrement.
Il s'est étalé
entre 1960 et 1970. Moi, ça m'intéressait
car nos vaches empruntaient la route et je n'aimais pas
ça. Avec les échanges de parcelles, j'ai
retouché une grande pâture, un peu
buissonneuse hélas, mais qui nous a permis de
déplacer les bêtes en ignorant la
route.
Il y avait des
inégalités de qualité dans les
parcelles échangées, c'est sûr, mais
au bout du compte, les exploitations n'étaient
plus du tout morcelées et ça, ça
compte.
L'exploitation
agricole.
Aujourd'hui, tout est
là, les bâtiments et les machines à
la retraite. Le matériel utile et les terres sont
maintenant exploités par le petit-fils de ma soeur
Berthe.
moissey, le mardi 9
juillet 1996 et le vendredi 22 août
1996.
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