Depuis que nous avons souligné
l'existence du Petit Pont du Puits Baudry, les citoyens
ne sont pas restés les bras
croisés.
Dès 2014, l'arrivée d'un
nouveau municipium, liberté a été
donnée à ceux qui le souhaitaient de
réhabiliter le monument.
En effet cet ouvrage a tout d'un
monument. D'abord on le réparerait, et ensuite, on
verrait ensuite. On signifie par là que d'abord on
lui sauverait la vie, et qu'après, si on le
voulait, on passerait à la phase bla bla-bla,
c'est-à-dire qu'on confierait l'histoire d'icelui
à ceux qui l'écrivent: nous avons
nommé les historiens.
Que les historiens écrivent
l'histoire, ce n'est pas un événement,
c'est leur métier. Mais que l'histoire
écrite soit la fidèle transcription de ce
qu'il s'est passé, c'est une autre...
histoire.
C'est d'ailleurs justement ce que
nous allons faire.
Quand il a été
découvert au milieu de la jungle environnante,
tout le monde s'est unanimisé sur le fait qu'il
faudrait sauver ce petit pont, sans surtout pas se
demander à quoi et à qui il servirait. On
pourrait lui donner le même statut que
l'édicule nommé grande fontaine, il
servirait à rien d'autre qu'être beau, ce
qui n'est pas si mal, dans un village dont la
beauté n'est pas la qualité première
(c'était un village de vignes).
Symboliquement, ce petit pont mignon a
été le premier souci ["culturel"]
de la nouvelle équipe municipale, qui est
arrivée aux manettes avec une feuille de route
déjà rétrécie du fait que les
bourgmestres du passé -depuis 1965- avaient
aménagé tant qu'ils avaient pouvu, à
tel point qu'au bout du compte, on avait pu se payer un
stade olympique et une aire-préau bucolique. Avec
un mandat de plus, on avait droit à des
arènes... et un arc de triumph...
Chaque samedi matin, de beau temps,
ceux qui aimaient ça, sont venus dégager le
lieu, relever des pierres, faire des joints, enfin tout
pour que le vieux petit pont devînt un joli petit
pont neuf. Il faut dire que du labeur il y en a eu,
à commencer par redonner figure humaine à
l'endroit qui ressemblait à un no man's land qui
oscillait entre la mangrove et l'enfer, où
d'ailleurs quelques générations de
clandestins avaient pris, très jadis, leurs
habitudes. Des piétons, des cyclistes, des
semi-naturistes...
Un beau jour le petit pont
était devenu tout neuf, restait plus qu'à
savoir ce qu'on allait en faire, et d'abord, trouver
à quoi il avait servi. L'examen des lieux
n'indiquait rien, le monument ne figurait pas sur le plan
cadastral, tout comme le concasseur des Gorges de 1920
qui n'y figurait pas non plus. Les archives n'avaient pas
parlé, et Edmond Guinchard, le grand pourchasseur
d'archives en 1913 n'en parle pas.
Donc nous avons eu, nous avons, nous
aurons recours à Napoléon. Pas le Premier
qui venait boire des canons à l'auberge de la
place, à cheval, avec Frédéric
Masson d'Authume pour se délasser les longs
dimanches à Auxonne, mais l'autre, son neveu,
Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, le Prince
Président qui s'est faire catapulter empereur,
sous le nom de III, le II ayant été le
successeur et fils du I et qui n'a pas été
appelé à régner
(?).
Sa Majesté le III
impérial avait des défauts dont Victor Hugo
avait fait l'inventaire, mais aussi des qualités.
D'ailleurs s'il avait écrit l'Extinction du
Paupérisme (en true french, la fin de la
pauvreté), c'est qu'il avait des idées sur
le bien-être, et en particulier sur
l'hygiène, de ses sujets. Il avait
aménagé Paris tout comme Rome au temps
où elle était antique et c'est
sûrement grâce à lui qu'il y a autant
de fontaines dans nos villages. Pour ce qui est de notre
affaire, le complexe de captation de l'eau de Melay
remonte à 1880, quant au CD 37 il fut percé
en 1850, et c'est dans ces eaux-là qu'a dû
naître ce petit pont, soit des finances d'un
châtelain de Moissey, soit du budget communal, ce
qui serait bien étonnant. On était
l'époque où tout le monde se lavait,
où toutes les vaches avaient à boire sans
traverser toute la commune. Cette ère
tri-napoléonienne fut une ère de
propreté (au moins de propreté).
Dans la vie d'un village, dans sa
promotion, il faut retenir deux héros:
Jean-Baptiste Colbert qui prospectait toutes nos
forêts pour en récupérer les bois de
marine (ça a fait des sous pour les communes) et
Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, dit le III, pour
ses idées généreuses sur la
santé du pople.
Donc on avance: on ne sait toujours
pas qui a bâti ce pont. Maintenant, on va continuer
à chercher et pas trouver pourquoi il a
été érigé. La configuration
des lieux n'a pas changé énormément
depuis l'arrivée du cimetière
extérieur de 1870. L'eau qui arrivait sous le
petit pont venait des terres qui étaient à
son sud, accrue peut-être depuis 1960, pour des
raisons de remembrement et de draînage.
Pour moi, ce pourrait être une
histoire galante, le châtelain de l'époque,
puisqu'on jouxte sa terre, aurait offert ce pont à
sa maîtresse, et le fait qu'il soit inutile
révèle bien sa nature de cadeau
"sentimental", tout comme on refile un rubis ou une
émeraude à une qu'on appelle princesse,
pour acquérir l'invitation et la pâmoison de
la belle.
"voici des fruits, des fleurs,
des feuilles et des branches,
et puis voici mon petit pont qui ne
bat que pour vous"
Car aujourd'hui, si on demande son
avis sur ce pont à un riverain, il répond
aussi sec, jeum demande ce qu'il fout là,
spon-là.
On se rappelle du Pont d'Avignon, qui
a dû concéder à la navigation
fluviale, et à qui on a dit, moitié pour
les pesdestrians, moitié pour les gabarres, c'est
ainsi qu'il n'y en a que la moitié debout sur ses
pattes.
Le jour où on voyagera plus
vite que la lumière [demain la veille ?
je ne pense pas], on pourra avoir des images du
passé et on verra, qu'est-ce qu'on verra, des
soubrettes à la lessive. En attendant que ce jour
faste arrive, on est bien obligé d'expliquer
pourquoi ce pont est de guingois et même de
jengouin. La seule hypothèse qui tient la route
est qu'il y a plus de cent ans, le débit de l'eau
était plus important, mais surtout, que le ravin
qu'on a connu (et qui maintenant est en train de
disparaître) était trois ou quatre fois plus
large. Au cours des décennies, d'effondrements et
démolitions, ce ravin, qui pouvait être
à 5 mètres de la porte du cimetière,
a reculé comme recule une dune, mais ici par
"remplissage".
S'il n'en reste qu'un je serai
celui-là, voilà ce qu'aurait dit le petit
pont qui avait quelques lettres. Pas du facteur, celles
de Victor et de Paul.
Maintenant, si on prend l'avion, un
petit, ou si on demande le concours de Google Earth, le
voile se lève d'un coup sur le mystère: le
petit pont était juste dans le prolongement du
chemin rural, celui qui passe à côté
de la propriété Revoy, qui regorge de bois
de chauffage.
Le chemin fait un joli coude, pour
éviter le ravin; le petit pont est donc
antérieur au coude du chemin rural. Jadis il a
été tout droit, un autre jour il a
évité le trou...
Au fond du trou, il y avait une belle
quantité d'eau, et le petit pont (son radier) est
dans l'axe du fond du lit, disons dans l'axe de cette
vallée, c'est tout naturellement qu'on lui a
imprimé cette torsion.
Tout n'est pas encore aussi clair. Du
temps du chemin tout droit qui arrivait sur le petit
pont, tout allait bien: un événement a fait
qu'on l'a disgrâcié pour le contourner. Ou
qu'on a voulu faire une voie effectivement
carrossable.
oOo
Il reste à aborder cette
science dont tout le monde rigole, en attendant les
pleurs, c'est l'hydrologie souterraine. Nous croyons, et
même nous prétendons, qu'il y a sous terre
un réseau hydraulique de grande surface et
très fourni. Comme mon village de lait est sur du
granit, il n'est pas certain que cette dernière
hypothèse soit la meilleure,
en tout cas, depuis le temps qu'on
voit des inondations dans notre télévision,
que ce soit en Provence latérale ou
Amérique latine et même en Afrique du soleil
et même ailleurs, on voit avec nos deux yeux le
ruban de la route se déchirer, se décoller,
se faire emmener, tout comme le tarmac des
aéroports: c'est que lorsqu'on construit tout
ça, on fait un blocage d'un mètre, de deux,
sans savoir à l'avance que l'eau ravinera toutes
ces couches géologiques qu'on ne voit pas, ou
même qu'on ne soupçonne pas.
L'eau sait tout faire, tombant du ciel
en gouttelettes, et en prenant son temps, elle vient
à bout de tout ce qui est bâti, et quant
à sa vie souterraine, il y a longtemps qu'elle
anguille sous roche, à un point qu'on n'imagine
pas. C'est bien d'envoyer des cielonautes dans le ciel et
des abyssonautes au fond des abysses, mais il faudrait
prospecter sous nos pieds en missionnant des terronautes
hydrologues. Il y aurait à savoir, du moins
à apprendre.
Pour la suite de l'investigation,
reste à savoir d'où vient l'eau. L'eau fait
ce qu'elle veut, par exemple, celle de Melay
ne vient pas de Melay, source tarie, mais d'une autre
zone en aval dans l'aqueduc souterrain. Autre exemple,
une belle citerne du XVIIe s. de la rue de Pitié,
n'est plus alimentée depuis plus d'un
siècle, on ignore pourquoi.
Et pourquoi pas, d'où vient ce
nom de baptême de l'endroit, séculaire au
moins, le Puits Baudry. Il y avait là un puits, un
gros puits ? Pas que bau mais dry ?
Le Seigneur de Baudry était-il
propriétaire du lieu, du puits, ou était-il
tombé dedans un jour de marche incertaine, ou
était-il bienfaiteur de la commune, ou
était-il sociétaire de l'académie
des sciences, option eaux ? Nous n'en saurons
guère plus aujourd'hui.
oOo
C'est par la vue aérienne que
la lumière arrive, c'est d'ailleurs bien elle qui
tombe du ciel. Si le chemin, qu'on appelle chemin de
remembrement n'était accessible que depuis la
route de Dole, parce que l'autre bout finissait en
sentier muletier, ou piéton, il est facile
d'imaginer que ceux du nord de la commune aient voulu
leur entrée à eux, et auquel cas, le seul
moyen pour faire rouler des charrettes, était de
contourner le ravin, ce qui nous amène au
tracé que nous connaissons.
En géographie, on rencontre
souvent des itinéraires longs qui remplacent des
itinéraires courts, et ce, à chaque fois
qu'il s'agit d'aller au-delà d'un obstacle, qu'il
soit trou ou qu'il soit bosse.
Voilà une bonne
vérité, et celui qui voudrait la contester
serait prié de venir avec ses preuves à la
pluie comme disent certains de mes conpatriotes. Et si
besoin sera, nous ouvrirons une page "le Petit Pont du
Puits Baudry III".