village de moissey

souvenirs de Nadette Grebot
née en 1922 à Moissey, épouse de Georges Lormand (1914-)

l'aînée des 5 enfants de Charles Grebot et Marie Billard

la famille

Nadette Grebot est née le 27 janvier avril 1922, à Moissey, dans la maison Henry, à la pointe de l'îlot (AB 297)

• de son père, Charles Grebot (né au Creusot en 1893, décédé à Moissey en 1988), et

• de sa mère, Marie Billard, (née en Bresse en 1897, et décédée à Moissey en 1973).

Charles et Marie ont eu 5 enfants :

- Bernadette, née à Moissey le 27 janvier 1922,

- Bernard, né à Moissey le 4 janvier 1923,

- Jeanine, née à Moissey le 1er avril 1927,

- Colette, née à Moissey le 20 janvier 1929 (décédée en 1987),

- Anne, née à Moissey le 26 juillet 1932 (décédée en 2002).

 

les origines.

Grebot signifie vieille souche. La famille Grebot vient du Morvan. L'ancêtre qui arrive le premier dans le canton s'appelle Elie Grebot. Il est arrivé à Moissey avec sa femme et ses enfants et a logé d'abord dans la maison "Clair" (AB 406), à l'étage. Puis il a acheté l'immeuble en face de la petite école de jadis, (AB 264), longtemps occupé par une de ses filles, Clémentine Grebot.

 

Elie et son épouse ont eu 5 enfants,

- Charles, le fondateur de la dynastie de Moissey,

- Auguste qui est resté à Paris, (né en 1890)

- Paul qui était facteur à Dammartin et qui a épousé Marthe Milloux, institutrice qui a notamment exercé à Moissey,

- Clémentine, qui est restée 50 ans au service de la famille Besson (AB 265 et 266), jusqu'au décès de Madame Vve Besson,

- Jeanne, qui était dans les postes à Créteil. ()

 

Elie, en plus de son métier de facteur, coupait les cheveux dans la grange (AB 485) actuellement propriété de Marcel Verrier, où subsistent des traces de la garnison française pendant les opérations de 1792.

Charles et Marie se sont rencontrés dans le Tacot. Marie s'étonnait des cheveux blancs de Charles alors qu'il prétendait être de la classe 13. En réalité, Charles était un jeune homme aux cheveux blancs, comme elle a pu l'apprendre ultérieurement, en allant voir ses sœurs, l'une à Marpain, l'autre à Montrambert, qui finalement lui ont présenté ce jeune homme. Le mariage a eu lieu à Oussières, près de Poligny.

 

samedi 7 août 2004

l'enfance

Son père Charles Grebot qui était coiffeur a repris le commerce d'épicerie de Mme Henry, qui comprit alors épicerie-café-coiffeur-restaurant (en 1923)

Bernadette a fréquenté la petite école vers 1927 (la première, AB 436) avec Melle Marie-Justine Di Grado, qui était une institutrice sévère, et qui par ailleurs fréquentait le beau linge local, Mme Besson, veuve du notaire, installée dans AB 265, (maison qui sera vendue à Pierre Mougenot et Germaine Aubert, puis M. Jacques Pernin), et Mme Gelot, la postière. Melle Di Grado, célibataire, montrait une extrême rigueur à l'endroit des enfants des personnes qui n'étaient pas son cercle.

"A l'occasion d'une grande journée de nature, un pique-nique à l'Ermitage, la maîtresse nous avait convaincu de ne laisser aucun papier sur le site du déjeuner, et moi, en rentrant, j'ai déposé un papier gras près de l'église. Après s'en être rendue compte, la maîtresse a rencontré mes parents et nous avons eu droit à un "savon" disproportionné avec ma faute. Depuis, j'ai pris des habitudes telles que je n'ai plus jamais à subir une telle humiliation."

Puis, heureusement, Melle Germaine Caillot est venue remplacer Melle Marie-Justine Digrado, le premier janvier 1928. Germaine Caillot, c'était autre chose. Elle a épousé plus tard Marcel Guillaume, cultivateur à la sortie de Moissey direction Pesmes.

"Ensuite j'ai quitté la "petite école" pour rejoindre la grande école (immeuble Joubert, c'est-à-dire la mairie, AB 191) où j'ai eu successivement M. Poussot le successeur d'Edmond Guinchard, M. Mourin et enfin Georges Lesnes qui m'a conduite au Certificat que j'ai eu en 1934. Je remercie M. Lesnes de nous avoir si bien préparé au travail de la vie active.

J'ai fait ma communion solennelle en 1934, avec le curé Léonide Richard, qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. A cette date, je suis allée aider mes parents qui en avaient bien besoin, le commerce marchait "c'est pas croyable", il en fallait des bras, c'était une ruche. Monsieur Téliet avait fait venir des dizaines de couples, il y avait à Moissey 700 habitants, toutes les maisons étaient occupées. La carrière Téliet tournait fort, il avait aussi celle de Casimir Fidalgo.

Puis à 16 ans, j'ai commencé mon apprentissage du métier que j'avais choisi d'exercer, coiffeuse. Je suis allée à différents endroits, à Dole chez Mme Colin, à Moissey chez Madeleine Simonin, à l'étage de la maison du chef de gare Viénot, devenue plus tard celle de Delphine Thomas, une belle grande maison avec des grilles sur la rue, AB 135. Monsieur Viénot avait toujours les bras au ciel, il n'exprimait rien sans lever lever les bras au ciel, un train pas à l'heure, des papiers pas au bon endroit, des colis pas à leur place. [Le chef de gare Viénot est celui qu'on voit sur les rares cartes postales dela gare de Moissey, mais il a les bras en bas].

 

l'âge adulte

Bernadette décide un jour d'épouser, le 26 avril 1944, son mari qui est un ami d'enfance, Georges Lormand, qu'elle suivra à Paris le 26 octobre 1944. Georges exercera son métier de messager de presse et elle sera coiffeuse. Leur carrière parisienne s'achèvera à la retraite de Georges (à 63 ans), en 1977. De 1977, ils vaqueront ensemble entre Paris et Moissey, jusqu'au décès de Georges en 2001, à Moissey.

Pendant l'année 44, Georges qui n'avait plus de travail (plus de journaux, plus de messageries) est venu se cacher 6 mois à Moissey. Puis on s'est mariés devant le maire Joseph Ernest Odille et le curé Paul Grandvaux. Fin 44, l'activité presse a repris doucement et Georges a retrouvé son travail de jadis.

A Paris, je faisais des extras de coiffeuse, j'avais racheté le matériel d'une coiffeuse qui avait cessé son activité dans la rue Bauzonnet, à Dole. A Paris, nous est venue par adoption notre fille Régine, née le 13 mai 1959, qui a son tour a donné le jour à nos deux petits-enfants, Kévin en 1990 et Alexia le 23 mars 1996.

 

le lavoir

On peut dire que j'étais une familière du lavoir des Gorges, construit en 1928, sur le ruisseau du même nom, par Victor Simonin pour la maçonnerie et Auguste Verrier pour la couverture. On faisait bouillir chez nous, puis on allait rincer aux Gorges. Il y a avait bien le lavoir de la grande fontaine, qui était souvent occupé, mais dont l'eau n'était pas toujours ce que nous voulions. Celui du pré d'Amont n'était pas tout près, mais surtout, il était trop bas. Nous avions, avec le commerce, un train de lessive important et ma mère voulait que nous rincions aux Gorges dont l'eau était propre, pure et douce. Il fallait emporter le linge mouillé dans une grosse corbeille, sur la brouette, et après rinçage, le ramener, il était lourd, le chemin des Gorges était plein de trous, c'était un gros travail, mais cependant, c'était un lieu de femmes, et tout ce qu'on entendait au lavoir était de l'information plutôt privilégiée.

Je me rappelle que mon père, Charles, disait à André Simonin, pour faire face aux besoin d'argent, il faut faire plein d'enfants (allusion aux allocations familiales, inventées en 1936).

 

le tacot

Le Tacot, c'était notre distraction. Nous le prenions en famille environ deux fois par an pour nous rendre à Dole, acheter soit des chaussures, soit un manteau, enfin des achats de fréquence annuelle ou encore pour se faire photographier. Pour aller à Dole, c'était une expédition, nous étions tous levés à 5 h du matin pour être à la gare à 7 h.

Les jeunes se réunissaient souvent comme aujourd'hui, les soirs de semaine, c'était à la laiterie, le dimanche, c'était à la Gare.

(Plus tard, sous l'occupation, un photographe s'est installé à Moissey, dans la maison Petiot -AB 173-, ce devait être quelqu'un qui se cachait...)

Pour l'épicerie, nous étions livrés par les grossistes dolois, qui étaient à l'époque, Lombard, Fiquet et Ripotot. On était livrés par camions. Mais il arrivait, selon les fournisseurs, que nous soyons livrés par le tacot. Je me trouvais à la gare avec mes parents, le 31 mars 1927, quand le chef de gare a dit à mes parents, vous avez un colis. Le lendemain, ma petite soeur Jeanine était née, et mes parents m'avaient laissé entendre qu'elle était arrivée dans le colis qui avait été annoncé. Moi, j'avais été révoltée de savoir qu'un bébé avait pu être livré à ses parents enfermé dans un paquet. Pour finir, ce paquet, c'était une caisse de café, Jeanine n'était pas arrivée par le tacot et moi j'avais cinq ans.

Sinon, j'étais une usagère plutôt régulière pour aller à la gare de Dammartin, lorsque j'allais chez ma marraine qui étaient employés au Château de Montrambert. Ma marraine et tante, Valérie, la soeur de ma mère, était l'épouse du jardinier du château.

Un jour, j'étais allée à Montrambert, à la fête du Sacré-Coeur, avec Jeanine. Nous portions chacune un petit chapeau rouge et blanc, et je voyageais imprudemment sur la plate-forme de la voiture, quand, arrivés entre Champagnolot et Dammartin, mon chapeau s'est envolé et je me suis mise à pleurer comme une madeleine. Le chef de train, Métadieu, qui n'était pas commode, s'en est ému a fait arrêter le train, mais rien à faire, le chapeau était trop loin et le train devait repartir... C'est mon parrain Paul Grebot, qui était facteur à Dammartin qui me l'a retrouvé au cours de sa tournée, plus tard. Je le revois me poser énergiquement un panier à lapin sur la table, avec mon chapeau dedans: "tiens, le voilà, ton chapeau". Mon oncle Paul avait épousé une institutrice, Marthe Milloux, qui a exercé à Moissey de 1905 à 1920, dans la petite classe, AB 436, sous le nom de Marthe Grebot.

 

la saboterie Béjean

Quand j'avais 10 ans [autour de 1932] le premier employeur de Moissey était la saboterie Béjean, tout le monde plus ou moins y travaillait, fabrication, décoration etc.... Noël Cointot en faisait dans une petite maison, mais au départ, il était sabotier chez Béjean. Son frère Marcel a dû aussi travailler chez Béjean avant d'aller sur Dole. L'arrivée de M. Téliet a aussi fait du bien à l'emploi, après 1931.

les années 39-45

 

les occupants dans le village

En 1940, après l'armistice du 22 juin 1940, comme nous étions dans la zone occupée, il y avait des Allemands partout, dans la maison paternelle (AB 387, la partie ex-annexe de l'hôpital de Dole), qui était désaffectée, pleine à craquer; chez Mme Besson (AB 266, future école Besson); chez Masson (maison maintenant Robert Barbier AB 121); chez Chateau-Poisot (ex-maison Malet, AB 175); dans la maison Viénot, (devenue Delphine Thomas, puis Faivre-Cognonatto, AB 135). La maison Aubert, (relais de diligence maintenant Butiaux, AB 70), servait d'intendance aux forces d'occupation.

 

le commerce

C'était l'époque des tickets et des marks: il n'y avait plus de francs. Le commerce se faisait en marks. naturellement, ceux qui en avaient le plus étaient avantagés, c'est pourquoi certains agriculteurs avaient tendance à vendre en priorité aux Allemands à qui ils faisaient des prix spéciaux, c'est-à-dire, bien plus chers.

Un jour qu'on m'avait apporté une caisse de pots de confitures, j'ai dû en vendre deux à un soldat je n'ai pas pu faire autrement. Alors d'autres sont venus, j'ai caché les pots et je leur ai refilé des boîtes de carottes sans étiquettes, et le prix était pas donné. Toute la journée j'ai redouté qu'ils reviennent nous demander des explication... Mais il ne s'est rien passé.

Une autre fois j'avais ramené un gros coupon de soie naturelle de Dole, maman m'a dit qu'elle ne voyait pas à qui on pourrait vendre ça, je lui ai dit ne t'en fais pas. En effet, un soldat me l'a acheté, pour en faire un pyjama à sa femme. Je lui ai dit elle est comment votre femme ? Il m'a fait comprendre qu'elle était bien volumineuse, alors je lui ai fourgué le coupon tout entier.

Sur le comptoir, nous avions une boîte de jambon, que nous réservions au cas où. Un soldat a voulu l'acheter en menaçant avec son fusil, alors ma mère a brandi, elle, son couteau à pain (à deux poignées). Quand mon père est arrivé, il était sûr qu'elle en ferait façon. En effet, elle lui a expliqué que ce jambon n'était pas à vendre et qu'on allait s'en expliquer à la Kommandantur et la chose fut réglée.

Une autre fois, les Allemands ayant trouvé que le village était trop sale, j'ai dû désherber tout le long de chez nous, sous la surveillance d'une mitraillette.

 

les tickets

Les produits de première nécessité étaient délivrés contre des tickets de rationnement que l'adminsitration allemande faisait répartir par la mairie. Il en fallait pour l'huile, le chocolat, le café, le savon, la farine, le fromage. Je me rappelle Serge Dugand, comme il était heureux les jours de chocolat, car sa mère allait lui faire des bonnes choses au totolat. [Serge était né en 1940]. Certains jours, il y avait une longue queue au magasin. La gestion des tickets était compliquée, par catégorie de marchandises, par catégorie d'acheteurs, ajoutez à cela ceux qui les égaraient, les oubliaient, les promettaient pour le lendemain. Les tickets les plus "libéraux" étaient ceux pour les J-3 (enfants de 3ème catégorie, c'est-à-dire les adolescents) et pour les travailleurs de force.

J'ai admiré particulièrement Marthe Jacquinot, courageuse boulangère, dont le mari Paul était retenu en captivité. Elle s'occupait de faire le pain et de faire des tournées. Pour le pétrin, elle avait embauché André Jeannin et le père Gros.

Nous, nous tenions un dépôt de pain alimenté par la boulangerie de Montmirey-la-ville (Boulangers Balet puis Palgoy)

 

 le théâtre pendant les années noires

En février 1942, avec les copines, on avait monté une pièce de théâtre pour la jouer au profit de nos prisonniers.

1942

La troupe théâtrale à la neige, le 8 février 1942.

Germaine Briet

Raymonde Miroudot

Emilienne Gilles

Nadette Grebot

Odette Collieux

Madeleine Thomas

les morts de septembre 1944

Je n'ai pas fait partie des personnes qui se sont occupées de l'enterrement des deux FFI, tombés aux Platanes le 6 septembre 1944, mais j'étais à la messe d'enterrement du gendarme Lucien Michel, tombé sous les balles allemandes au carrefour de Montmirey-le-château. Je pense qu'il a dû être relevé du cimetière de Moissey pour être inhumé ailleurs, je ne sais pas où. Je ne sais pas ce qui lui a pris: il a annoncé prématurément la libération des villages au nord de Dole, il a voulu annoncer la nouvelle aux gens de Montmirey-le-château, mais hélas, au milieu de la débâcle générale allemande, il restait des soldats à Montmirey; naturellement, ils se sont dépêchés de le descendre.

On dit qu'on a pas trop souffert, disons qu'il y aurait pu avoir bien plus de problèmes avec les occupants, on est pas morts de faim parce qu'à la campagne, on trouve toujours à manger, mais dans l'ensemble, cette occupation était insupportable. On serrait les dents et souvent on avait peur.

1932

Charles Grebot et ses enfants, devant son commerce (AB 299): Colette, Jeanine, Bernard et Bernadette, vers 1932. Dans l'embrasure de la porte, la tante Clémentine.

1934

Anne, Bernard, Colette, Bernadette et Jeanine, en 1934.

194x

Jeanine, la tante Jeanne, Nadette et la tante Clémentine, (Jeanne et Clémentine sont les soeurs de Charles Grebot).

Jeanine, Jeanne et Clémentine.

13 juin 1948

Bernadette Grebot et Denise Chaniet-Ardin le 13 juin 1948, à Bure sur Yvette.

Denise est l'épouse de Aymé Ardin, commandant de Gendarmerie, et soeur de Julien Chaniet, policier parisien.

26 avril 1944

Georges Lormand et Bernadette Grebot mariés le 26 avril 1944 à Moissey.

1946 (Nadette est enceinte en 1946)

Des escaliers de grande contenance...

debout de g à d: Geneviève Busch, Nadette G., Andrée Busch, réfugiée, Jeanine G. et Colette G.

assises: Colette Grebot, Marie-Thérèse Busch,

image fournie par Jules Durot. Devant l'école Joubert, AB 191.

1925 Edmond Guinchard et Mme Guinchard

1. Charles et Marcel Mignot, Georges Lormand, Camille Viennot, Georges et Gaston Simonin.

2. Annette Lamielle, Aimé Aupy, Joseph Bellorgie, André Simonin, André Viennot, Marcel Ruisseaux.

3. André Fichot, Marthe Bellorgie, Marcelle Claustre, Armandine Odille, Gabrielle Patin, Marinette Miroudot et Andrée Gerriet.

propos recueillis par Christel Poirrier, à moissey, le samedi 7 août 2004/jeudi 2 septembre 2004

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