village de moissey, à l'école

-le discours de la maîtresse sortante-

son dernier, mais aussi son premier

La maîtresse apporte son dernier message aux écoliers.

Discours de Nicole,

pour son départ, le 30 juin 1998; à tous les élèves de l'école de Moissey, au cours d'un goûter d'honneur organisé à leur intention.

Je vais vous faire un petit discours.

Mes chers enfants,

Vous êtes réunis autour de cette table parce que je pars à la retraite. Cela veut dire que je me retire. L'année prochaine, je ne viendrai plus à l'école. Pourquoi ? Parce que j'ai 55 ans et qu'à cet âge, les maîtres quittent leur métier pour laisser la place aux gens jeunes qui veulent être instituteurs.

A certains d'entre vous, peut-être... Si les gens plus âgés ne partaient pas en retraite, les plus jeunes n'auraient jamais de travail. Alors, je vais rentrer chez moi.

Ça ne veut pas dire que je ne vais plus rien faire du tout : je vais faire comme toutes vos mamans, m'occuper de ma maison, de mon jardin, de mes petits-enfants... (puisque je suis une grand-mère !)

Vous savez, on m'a fait beaucoup de cadeaux : pour moi, c'est Noël au mois de juin !

Vos parents m'ont offert une montre, un sécateur, des gants de jardinage. Les élus du Conseil Municipal et la secrétaire de Mairie m'ont offert une tondeuse à gazon. Mes amis instituteurs m'ont offert un VTT. J'ai eu beaucoup de fleurs ! Alors je vais bien m'occuper... et vous me verrez peut-être passer devant l'école, sur mon vélo... Vous direz, elle a de la chance ! Oui, c'est vrai.

Mais vous vous direz aussi que quand j'avais votre âge, j'étais à l'école comme vous.

Je suis entrée à l'école maternelle, à Lons-le-Saunier, j'avais deux ans. Et depuis, je suis toujours allée à l'école : pendant 53 ans, c'est long ! Ceux qui ne seront pas des instituteurs ou des institutrices, ne resteront pas aussi longtemps dans une classe !

Mais, moi, c'est ce que j'ai choisi, depuis toute petite. Quand on me disait, comme je vous le demande à vous aussi :

« Que veux tu faire quand tu seras grande ?» je répondais : « Je veux être maîtresse » et c'est ce que j'ai fait. J'ai beaucoup aimé ce métier. Et c'est grâce à vous tous. C'est avec vous, les enfants, les enfants, que je suis bien. Et pourtant, vous n'êtes pas toujours très sages, très obéissants ! Vous pensez : elle nous gronde, elle nous punit parfois...

Mais ce n'est pas parce que je ne vous aime pas. Au contraire : si je vous ai grondés et punis, c'est parce que je vous aime. Ça vous paraît bizarre.

Je vais vous expliquer :

Si je vous avais laissé faire n'importe quoi, si je n'avais pas exigé que vous me fassiez du bon travail, des beaux cahiers, ça voudrait dire que je ne m'intéresse pas à vous.

Or, je me suis intéressée à vous, à chaque instant : ce que je veux, parce que je vous aime beaucoup, et le maître aussi, ce que nous voulons, c'est que vous deveniez des adultes heureux.

Et pour être heureux, il faut avoir les moyens de faire plaisir aux autres ? Comment ?

Il faut avoir un métier, qui nous plaît, pour être bien dans sa tête et dans son corps..

Il faut être gentil, honnête avec les autres. Il faut essayer de faire plaisir autour de vous : à vos camarades, à vos parents, à vos frères et soeurs.

Et plus tard, vous serez de bons adultes : vous voudrez faire plaisir à votre famille, à vos enfants, à vos amis et cela vous rendra heureux.

Les maîtres existent pour vous aider à devenir de bons adultes, bien dans leur vie. C'est pourquoi ils vous grondent quand vous ne faites pas ce qui vous mène sur ce chemin-là.

Alors, je vous souhaite, en vous quittant, de devenir de bons adultes. C'est à l'école qu'on l'apprend.

Travaillez bien pour pouvoir choisir un métier qui vous plaît.

Soyez aimables, gentils, polis avec tout le monde et vous serez heureux; vous ne vous ennuierez pas à l'école, si vous vous intéressez à ce que vous faites, si vous avez envie de faire toujours mieux. Bien sûr, on se trompe, bien sûr, il faut parfois recommencer. On n'arrive pas à faire tout bien du premier coup, même quand on est grand. Mais on refait, on apprend encore et toujours, avec courage, je vous souhaite donc ce courage, pour devenir de bons grands.

Et puis, j'aurai des nouvelles de vous.

Le maître sera encore à l'école, lui.

Je vous verrai, je vous rencontrerai. J'espère que vous me direz bonjour.

Moi, je vous dis au revoir et merci d'avoir été ceux qui ont rempli ma vie de maîtresse.

Je vous fais une grosse bise à tous.

Le dernier goûter de l'année 97-98.

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