le
déporté de
Schömberg
Le 1er septembre 1944, le
résistant d'Aligny, désormais
déporté n° 22701, est conduit dans les
mines de Schömberg (Wurtemberg) d'où l'on
extrait du schiste destiné à la fabrication
d'essence synthétique. Il s'agit d'un
véritable bagne où les ouvriers meurent de
fatigue et d'inanition après seulement 7 à
8 mois d'un labeur inhumain. Les nazis ne se
préoccupent guère de ces pertes. Les
victimes sont aussitôt remplacées par
d'autres malheureux déportés du Struthof.
Jean d'Aligny va vivre durant six mois dans cet enfer
qu'un de ses camarades rescapés a décrit
ainsi:
"les privations,
les durs travaux, les coups ne nous furent pas
épargnés. Mais si notre séjour
fut pénible, ce fut surtout du point de vue
moral, en raison des brimades toujours imposées
avec un raffinement de bêtes féroces par
nos gardiens. Elles furent, pour l'ami que nous
pleurons, très dures à supporter. Jean
le fit avec un stoïcisme et un calme digne
d'admiration. Le soir, nous pensions ensemble que,
malgré tout, nos bourreaux n'auraient pas
raison de notre volonté et que nous tiendrions
jusqu'au bout."
Cet espoir en l'arrivée
des alliés, en la délivrance prochaine, va
être vain pour Jean d'Aligny. Bien qu'il n'ait que
38 ans et soit d'une robuste constitution, son physique
ne résiste pas aux coups, à la fatigue,
à la faim. Très affaibli, le
résistant jurassien est désigné le
10 mars 1945, pour être évacué avec
14 autres déportés malades, vers le camp de
Bergen-Belsen, près de Hanovre, 800 km plus au
nord.
Le train qui emporte ces
pauvres gens est composé de wagons tombereaux
ouverts, recouverts de barbelés pour éviter
les évasions. Le froid intense, la neige, qui
sévissent durant ce terrible hiver 1944-1945, va
coûter la vie à tous ces malheureux
seulement vêtus de leur mince costume rayé
de déporté. Aucun d'eux ne survivra et leur
trace se perdra à tout jamais dans le grand
silence du néant.
L'Abbé
Van Hecke, l'un des compagnons de misère du
Jurassien dans le camp de Schömberg, qui assista
au départ du convoi maudit, écrira
à sa veuve, après son rapatriement:
"Pour Jean, sa famille, son épouse, ses six
enfants, c'était son grand souci,
c'était aussi sa peine... Il offrait pour eux
toutes ses souffrances et communiait aussi souvent que
j'avais des hosties. Il ne s'est jamais plaint, sa
patience, sa confiance en Dieu étaient
inaltérables. A la trace de leur père,
ses enfants ne pourront récolter qu'honneur et
sainteté".
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