C'est le dimanche 23 octobre
1870 qu'une troupe de 4 à 500 hommes tant
infanterie que cavalerie fit une première
reconnaissance jusqu'au dessus de Menotey en vue du
Mont-Roland qui était occupé par les
Garibaldiens, ils s'en retournèrent sur Pesmes
sans faire acte d'hostilité. Seulement quelques
jeunes gens ayant voulu faire une démonstration,
tirèrent un coup de fusil, ils furent poursuivis
dans les vignes et trois reçurent des coups de
sabre dont ils ont guéri.
Le dimanche 19 novembre,
seconde apparition d'un corps de Hussards d'environ 400
hommes, ils ont traversé Menotey sans
s'arrêter, sont allés jusqu'à
l'entrée de Dole qu'ils croyaient occuper sans
coup férir mais ayant été
reçus près des jardins à coups de
fusil, ils se sont repliés et sont revenus au
galop en passant par la route neuve; cette troupe
était un détachement d'un corps d'environ
trois mille hommes avec une batterie d'artillerie qui
s'était arrêtée à Chevigny et
à Peintre dans le but de reconnaître la
ville d'Auxonne, quelques militaires s'étant
transportés en vue de cette ville, ils ont
été aperçus de la place qui leur a
envoyé un obus, plusieurs ont été
tués et blessés, sans en attendre
davantage, ils sont repartis immédiatement
à 4 heures du soir du même jour. Ils ont
quitté Chevigny et Peintre non sans avoir fait des
réquisitions de trois boeufs, d'un cochon gras et
d'avoine, ils ont pris la direction de Pesmes.
Ce n'est que le samedi 21
janvier 1971 qu'une armée véritable est
venue envahir le Jura; cette armée venait de
Paris, d'où elle était partie le 3 janvier.
Dans cette journée, il a passé des troupes
de toutes armes, depuis 11 heures du matin à 5
heures du soir, à une heure après midi, ils
ont attaqué Dole qui a essayé de se
défendre, mais elle n'en avait ni la force, ni les
moyens. Trois Dolois ont été tués,
on prétend que du côté des Prussiens
il y a eu 25 tant tués que blessés, cette
fois Menotey a encore été
épargné.
Lundi 23 janvier,
passage d'un nouveau corps d'armée plus fort que
celui de samedi; Menotey a eu à loger un bataillon
f'infanterie, 49e régiment de Poméranie et
des chevaux et hommes d'artillerie; toutes les
écuries et cuveries étaint pleines, pour
notre part, nous avons logé deux officiers, leurs
trois ordonnances et deux chevaux, en tout sept... qui
ont été très convenables pour des
ennemis: dans beaucoup de maisons, on se plaint d'avoir
été volé. Réquisitions de 4
cochons gras. Cette armée vient couper la retraite
des vivres à Bourbaki, elle se dirige
jusqu'à la frontière suisse. D'après
les dires des officiers, ce monde est parti à 4
heures du matin, pour nous, nuit blanche.
Le 24 janvier, passage
pendant six heures d'artillerie, de bagagiers, personne
et rien ne s'est arrêté à Menotey,
nuit tranquille.
Le 25 janvier la troupe
campée à Chevigny est venue en
réquisition à Menotey. Ils ont
emmené les boeufs et 800 quintaux de blé.
On fait les préparatifs du siège d'Auxonne,
le général est à Rainans. Ils
pensent en avoir pour 8 ou 10 jours, le gros de
l'armée se dirige sur Salins par
Mont-Sous-Vaudrey.
Le 26 janvier nous
n'avions plus de nouvelles, dans la nuit la maison
à Rainans de M. Voiturier a été
brûlée par les Prussiens qui ont fait de
trop grands feux dans les cheminées. Il a
passé dans cette journée des centaines de
voitures, des troupeaux de boeufs et de moutons
très considérables, à la
tombée de la nuit arrivée de deux escadrons
de cavalerie badois. Nous logeons six hommes et cinq
chevaux, les hommes ont été polis et
convenables.
27 janvier passage de
quelques troupes, départ d'une partie des
nôtres, il passe environ 40 prisonniers
français, journée tranquille, mais
fusillade à la Crochère du
côté d'Auxonne.
28 janvier départ
de nos dragons badois à 10 heures du matin, ils se
dirigent sur Moissey, ainsi que de l'artillerie qui
revient de Dole, ce sont les préparatifs de
l'investissement d'Auxonne, grands désordres dans
les maisons non habitées, tous les liquides et
objets à manger sont absorbés, c'est dans
ces maisons que ces soldats établissaient leurs
grandes gardes et y passaient la nuit au lieu de coucher
dans les maisons où ils étaient
logés; ils ont profané la robe blanche de
Melle Martinet. Chevigny est occupé par des
mobiles garibaldiens, des tirailleurs se répandent
sur la forêt, ils font feu sur ce qui passe de
prussiens, une balle est venue jusqu'à la grande
rue de Menotey au moment où je la montais avec M.
Henri Courdier, il y avait trente personnes curieuses sur
la fontaine, personne n'a été atteint.
29 janvier rien de
nouveau, quelques coups de fusillade à la
Crochère du côté de Chevigny et de
Flammerans.
30 janvier on annonce
l'armistice, on respire, Chevigny est occupé par
les Garibaldiens, plus de passage.
31 janvier à 6
heures et demie du soir au moment où nous
n'attendions plus personne, arrive un bataillon
d'infanterie venant de Quingey; quatorze entrent à
la maison la baïonnette en avant, ils parcourent
toutes les chambres, finissent par leur faire accepter le
bureau et la chambre de ma femme qui en était au
supplice pour un sergent majeur, ils lui ont volé
une paire de bottines neuves et des peignes.
Le premier
février départ de la moitié de
cette troupe, les sept qui restent se contentent du
bureau, ils apportent leurs provisions, nous leur
fournissons seulement le vin.
Le 2 février ce
nombre est augmenté de deux artilleurs et de deux
chevaux, comme on leur donne aussi du vin par
réquisition, je n'en fournis plus qu'en payant 20
centimes la bouteille; ces hommes sont convenables mais
voulant se mêler de cuisine, ils bouleversent les
ustensiles et font le tourment des femmes.
Les trois et quatre
février, même train de vie.
Le dimanche cinq un
grand nombre de ces soldats sont allés à la
messe avec des livres de prière, au grand
étonnement de la population de Menotey; hier et
aujourd'hui il est passé beaucoup de prisonniers
français faits à Champagnole, on dit que
ces hommes croyaient à l'armistice et qu'ils se
sont laissés prendre sans se défendre; les
habitants de Menotey leur portaient des secours, mais il
était défendu d'approcher, cependant
Joséphine Patin et les demoiselles Canchy ont
violé la consigne, elles se sont
approchées, la baïonnette sous la gorge et
ont distribué ce qu'elles avaient.
Les six et sept
février sans incident.
Le 8 février
élections du représentent la section pour
Menotey était à Jouhe, on n'avait que des
listes républicaines dans cette section par
conséquent les gens de la campagne qui ne savaient
en composer ont jeté les premiers bulletins venus,
on n'avait pas eu le temps de se concerter.
Le 9 février
à 4 heures du soir nos troupes reçoivent
l'ordre de départ à 5 heures, nous
étions débarrassés de nos neuf
allemands au grand plaisir de tout le monde mais surtout
de grand-mère dont ils embarrassaient toutes les
casseroles, Marguerite les a bien soignés et
cependant ils ne lui ont rien donné, du reste ils
ont été très convenables pendant les
six jours que nous les avons possédés, ils
n'ont pas fait plus de dégâts à la
maison que n'auraient fait neuf copains. On dit qu'ils
ont attaqué Auxonne. Après le départ
de ces Badois nous avons senti un vide qui nous a fait
peur car comment et par qui seront ils remplacés?
Le 10 février il
arrive pour coucher à Menotey un troupeau de 214
boeufs vivants d'Allemagne et de 1200 moutons vivants de
Brie Comte Mobert en Champagne; nous avons logé 8
boeufs à la cuverie où ils ont cassé
l'échelle du grenier et les paillassons du jardin,
nous avons été requis, pour ces troupeaux,
de 1200 balles de foin.
Le 11 février
à 3 heures après-midi arrive un
régiment d'infanterie dont une partie reste
à Menotey notre part et deux hommes qu'il faut
nourrir, cependant le pain commença à
manquer et nous allons en emprunter de tous
côtés, car la boulangerie n'en fait plus,
les militaires lui ayant pris son four.
Le 12 février
départ des deux Prussiens qui sont
remplacés par deux Badois dont un s'est
soûlé au point de ne plus pouvoir bouger, je
l'ai jeté en travers de son lit où il est
resté comme une pelote, cependant le matin je l'ai
trouvé couché et déshabillé
avec le camarade, c'est le seul que nous ayons vu en cet
état à la maison, ils sont partis à
9 heures du matin, qui aurons-nous ce soir pour notre
journée du 13 février?
Sur midi, passage de deux
colonnes de cavalerie et d'infanterie, serait-ce le
commencement de l'évacuation, ils se dirigent sur
Pesmes.
Le 14 février le
passage sur la direction de Pesmes continue, on estime
à 15 000 h ce qui est passé; ce matin nous
avons à loger un voiturier prussien qui a
été très sobre et de bonnes
façons, ces gens-là ont cependant mauvaise
réputation.
Le 15 février
à 2 heures environ 3000 Garibaldiens venant de
Toul et se rendant à Chalon-sur-Saône ont
fait halte à Menotey pendant une heure, ils nous
ont donné plus d'ennuis que tous les Allemands que
nous avons eus jusqu'ici demandant avec une insolence
sans pareille et voulant qu'on leur donne même ce
que l'on n'avait pas, crainte de laisser quelque chose
aux Prussiens, c'est ce que nous avons eu de pire tant
Français qu'Allemands et cependant
c'étaient des Français. Ils se sont pris de
querelle après s'être soûlés,
un de leurs officiers est venu pour les faire sortir, il
a été obligé de les pousser par les
épaules, un est allé tomber au milieu de la
rue et se relevant il a couru sur l'officier avec sa
baïonnette; il a été
arrêté et on a dit que pour ce fait il avait
été fusillé. Il faut bien chez de
pareilles gens de terribles exemples, après le
départ de ces bruyants bravaches, il nous arrive
des Prussiens et deux chevaux, quatre bonnes bêtes
douces comme des agneaux, contents de ce qu'on leur
donne, ce contraste n'est pas à notre avantage.
Le 16 février
deux compagnies de Bavarois sont venus de Chevigny
à Menotey, nous avons en partage un sergent major,
son secrétaire, son tambour et son brosseur, la
maison n'était pas assez grande pour neuf,
cependant le sergent major s'est contenté de la
chambre de madame et les trois autres du bureau, ces
fuets fusillent partout et je ne sais quel jugement il en
faudra porter, pendant quatre jours toutes les nuits,
nous avons eu des placards ouverts de force,
c'était le tambour qui se livrait à ces
exercices, j'en ai parlé au secrétaire qui
parle français qui l'a fait envoyer dans une autre
compagnie et dans un autre village, après son
départ, je me suis aperçu de la disparition
d'un pantalon que je l'accuse sans scrupule de m'avoir
volé.
Aujourd'hui 22
février il circule parmi les Allemands des
bruits de paix on dit qu'elle est signée mais non
ratifiée par la chambre. On nous menace d'une
réquisition de 25 francs par tête
d'habitant. Ce serait pour la commune de Menotey plus de
21 000 francs.
On s'est arrangé et on a
payé seulement quatre cents et quelques francs.
Le 27 février on
nous annonce la paix, les allemands musique en tête
parcourent le village en dansant et chantant
arrêtés devant le logis du commandant, ils
ont chanté un Te Deum en choeur, les cloches ont
sonné à toute volée pendant plus
d'une heure, on sonnait également à Mont
Roland et à Dole, Dieu veuille que rien ne vienne
troubler la joie de ces hommes, gens qui sont si contents
de nous quitter et nous de les perdre, encore quelques
jours et nous serons délivrés.
Le 6 mars départ
de nos trois Bavarois qui s'en retournent dans leur pays
joyeux et contents, quelques heures après ils sont
remplacés par un capitaine trésorier, son
secrétaire, son ordonnance son écuyer, et
deux chevaux en tout... grand passage des troupes partant
pour l'Allemagne, la route en était noire.
Le 7 mars, même
manoeuvre départ de nos 7 Bavarois à 9
heures. Après midi, ils se dirigent sur Amange,
Lavans, et Lavangeot, c'est un corps qui doit rester
jusqu'au paiement des deux premiers milliards, ils ne
sont pas remplacés à Menotey, passage de
voitures en tout sens, bonne nuit.
Le 8 mars,
également passage de voitures, point de troupes
à Menotey, nuit tranquille, nos angoisses se
calment on espère que le Jura ne restera pas
occupé pendant les paiements. Nous ne tardons pas
à être détrompés.
Le 9 mars, une
compagnie, le 21e Régiment Prussien, est venue
s'installer à Menotey pour y tenir garnison, nous
avons eu d'abord un officier et son ordonnance, mais
dès le soir, il a changé de logement et
nous a renvoyé un sergent fourrier et un caporal,
combien ces gens resteront-ils, à la maison
personne ne le sait, nous n'avons du reste qu'à
nous en louer, quoique hôtes très peu
enviables.
Ces Allemands ont passé
l'été dans le département et au mois
d'octobre, ils ont déguerpi à la grande
satisfaction des habitants qui n'en pouvaient plus.
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