tout près de moissey

le "passage" des Prussiens à Menotey

pendant la guerre de 70 (1870)

transcription d'un manuscrit dont nous ne connaissons pas encore l'auteur, il se pourrait que ce soit le facteur de l'époque

difficile et méritoire saisie dactylographique par Emilie Generet, CM1, école de Moissey.

Prussiens à Menotey.

Notes sur l'invasion des Allemands dans le Jura, en ce qui concerne Menotey sur la route de Dole à Gray et les environs.

Manuscrit fourni par Madame Hélène Buisson, de Menotey autour de 1994-1996.

 

C'est le dimanche 23 octobre 1870 qu'une troupe de 4 à 500 hommes tant infanterie que cavalerie fit une première reconnaissance jusqu'au dessus de Menotey en vue du Mont-Roland qui était occupé par les Garibaldiens, ils s'en retournèrent sur Pesmes sans faire acte d'hostilité. Seulement quelques jeunes gens ayant voulu faire une démonstration, tirèrent un coup de fusil, ils furent poursuivis dans les vignes et trois reçurent des coups de sabre dont ils ont guéri.

Le dimanche 19 novembre, seconde apparition d'un corps de Hussards d'environ 400 hommes, ils ont traversé Menotey sans s'arrêter, sont allés jusqu'à l'entrée de Dole qu'ils croyaient occuper sans coup férir mais ayant été reçus près des jardins à coups de fusil, ils se sont repliés et sont revenus au galop en passant par la route neuve; cette troupe était un détachement d'un corps d'environ trois mille hommes avec une batterie d'artillerie qui s'était arrêtée à Chevigny et à Peintre dans le but de reconnaître la ville d'Auxonne, quelques militaires s'étant transportés en vue de cette ville, ils ont été aperçus de la place qui leur a envoyé un obus, plusieurs ont été tués et blessés, sans en attendre davantage, ils sont repartis immédiatement à 4 heures du soir du même jour. Ils ont quitté Chevigny et Peintre non sans avoir fait des réquisitions de trois boeufs, d'un cochon gras et d'avoine, ils ont pris la direction de Pesmes.

Ce n'est que le samedi 21 janvier 1971 qu'une armée véritable est venue envahir le Jura; cette armée venait de Paris, d'où elle était partie le 3 janvier. Dans cette journée, il a passé des troupes de toutes armes, depuis 11 heures du matin à 5 heures du soir, à une heure après midi, ils ont attaqué Dole qui a essayé de se défendre, mais elle n'en avait ni la force, ni les moyens. Trois Dolois ont été tués, on prétend que du côté des Prussiens il y a eu 25 tant tués que blessés, cette fois Menotey a encore été épargné.

Lundi 23 janvier, passage d'un nouveau corps d'armée plus fort que celui de samedi; Menotey a eu à loger un bataillon f'infanterie, 49e régiment de Poméranie et des chevaux et hommes d'artillerie; toutes les écuries et cuveries étaint pleines, pour notre part, nous avons logé deux officiers, leurs trois ordonnances et deux chevaux, en tout sept... qui ont été très convenables pour des ennemis: dans beaucoup de maisons, on se plaint d'avoir été volé. Réquisitions de 4 cochons gras. Cette armée vient couper la retraite des vivres à Bourbaki, elle se dirige jusqu'à la frontière suisse. D'après les dires des officiers, ce monde est parti à 4 heures du matin, pour nous, nuit blanche.

Le 24 janvier, passage pendant six heures d'artillerie, de bagagiers, personne et rien ne s'est arrêté à Menotey, nuit tranquille.

Le 25 janvier la troupe campée à Chevigny est venue en réquisition à Menotey. Ils ont emmené les boeufs et 800 quintaux de blé. On fait les préparatifs du siège d'Auxonne, le général est à Rainans. Ils pensent en avoir pour 8 ou 10 jours, le gros de l'armée se dirige sur Salins par Mont-Sous-Vaudrey.

Le 26 janvier nous n'avions plus de nouvelles, dans la nuit la maison à Rainans de M. Voiturier a été brûlée par les Prussiens qui ont fait de trop grands feux dans les cheminées. Il a passé dans cette journée des centaines de voitures, des troupeaux de boeufs et de moutons très considérables, à la tombée de la nuit arrivée de deux escadrons de cavalerie badois. Nous logeons six hommes et cinq chevaux, les hommes ont été polis et convenables.

27 janvier passage de quelques troupes, départ d'une partie des nôtres, il passe environ 40 prisonniers français, journée tranquille, mais fusillade à la Crochère du côté d'Auxonne.

28 janvier départ de nos dragons badois à 10 heures du matin, ils se dirigent sur Moissey, ainsi que de l'artillerie qui revient de Dole, ce sont les préparatifs de l'investissement d'Auxonne, grands désordres dans les maisons non habitées, tous les liquides et objets à manger sont absorbés, c'est dans ces maisons que ces soldats établissaient leurs grandes gardes et y passaient la nuit au lieu de coucher dans les maisons où ils étaient logés; ils ont profané la robe blanche de Melle Martinet. Chevigny est occupé par des mobiles garibaldiens, des tirailleurs se répandent sur la forêt, ils font feu sur ce qui passe de prussiens, une balle est venue jusqu'à la grande rue de Menotey au moment où je la montais avec M. Henri Courdier, il y avait trente personnes curieuses sur la fontaine, personne n'a été atteint.

29 janvier rien de nouveau, quelques coups de fusillade à la Crochère du côté de Chevigny et de Flammerans.

30 janvier on annonce l'armistice, on respire, Chevigny est occupé par les Garibaldiens, plus de passage.

31 janvier à 6 heures et demie du soir au moment où nous n'attendions plus personne, arrive un bataillon d'infanterie venant de Quingey; quatorze entrent à la maison la baïonnette en avant, ils parcourent toutes les chambres, finissent par leur faire accepter le bureau et la chambre de ma femme qui en était au supplice pour un sergent majeur, ils lui ont volé une paire de bottines neuves et des peignes.

Le premier février départ de la moitié de cette troupe, les sept qui restent se contentent du bureau, ils apportent leurs provisions, nous leur fournissons seulement le vin.

Le 2 février ce nombre est augmenté de deux artilleurs et de deux chevaux, comme on leur donne aussi du vin par réquisition, je n'en fournis plus qu'en payant 20 centimes la bouteille; ces hommes sont convenables mais voulant se mêler de cuisine, ils bouleversent les ustensiles et font le tourment des femmes.

Les trois et quatre février, même train de vie.

Le dimanche cinq un grand nombre de ces soldats sont allés à la messe avec des livres de prière, au grand étonnement de la population de Menotey; hier et aujourd'hui il est passé beaucoup de prisonniers français faits à Champagnole, on dit que ces hommes croyaient à l'armistice et qu'ils se sont laissés prendre sans se défendre; les habitants de Menotey leur portaient des secours, mais il était défendu d'approcher, cependant Joséphine Patin et les demoiselles Canchy ont violé la consigne, elles se sont approchées, la baïonnette sous la gorge et ont distribué ce qu'elles avaient.

Les six et sept février sans incident.

Le 8 février élections du représentent la section pour Menotey était à Jouhe, on n'avait que des listes républicaines dans cette section par conséquent les gens de la campagne qui ne savaient en composer ont jeté les premiers bulletins venus, on n'avait pas eu le temps de se concerter.

Le 9 février à 4 heures du soir nos troupes reçoivent l'ordre de départ à 5 heures, nous étions débarrassés de nos neuf allemands au grand plaisir de tout le monde mais surtout de grand-mère dont ils embarrassaient toutes les casseroles, Marguerite les a bien soignés et cependant ils ne lui ont rien donné, du reste ils ont été très convenables pendant les six jours que nous les avons possédés, ils n'ont pas fait plus de dégâts à la maison que n'auraient fait neuf copains. On dit qu'ils ont attaqué Auxonne. Après le départ de ces Badois nous avons senti un vide qui nous a fait peur car comment et par qui seront ils remplacés?

Le 10 février il arrive pour coucher à Menotey un troupeau de 214 boeufs vivants d'Allemagne et de 1200 moutons vivants de Brie Comte Mobert en Champagne; nous avons logé 8 boeufs à la cuverie où ils ont cassé l'échelle du grenier et les paillassons du jardin, nous avons été requis, pour ces troupeaux, de 1200 balles de foin.

Le 11 février à 3 heures après-midi arrive un régiment d'infanterie dont une partie reste à Menotey notre part et deux hommes qu'il faut nourrir, cependant le pain commença à manquer et nous allons en emprunter de tous côtés, car la boulangerie n'en fait plus, les militaires lui ayant pris son four.

Le 12 février départ des deux Prussiens qui sont remplacés par deux Badois dont un s'est soûlé au point de ne plus pouvoir bouger, je l'ai jeté en travers de son lit où il est resté comme une pelote, cependant le matin je l'ai trouvé couché et déshabillé avec le camarade, c'est le seul que nous ayons vu en cet état à la maison, ils sont partis à 9 heures du matin, qui aurons-nous ce soir pour notre journée du 13 février?

Sur midi, passage de deux colonnes de cavalerie et d'infanterie, serait-ce le commencement de l'évacuation, ils se dirigent sur Pesmes.

Le 14 février le passage sur la direction de Pesmes continue, on estime à 15 000 h ce qui est passé; ce matin nous avons à loger un voiturier prussien qui a été très sobre et de bonnes façons, ces gens-là ont cependant mauvaise réputation.

Le 15 février à 2 heures environ 3000 Garibaldiens venant de Toul et se rendant à Chalon-sur-Saône ont fait halte à Menotey pendant une heure, ils nous ont donné plus d'ennuis que tous les Allemands que nous avons eus jusqu'ici demandant avec une insolence sans pareille et voulant qu'on leur donne même ce que l'on n'avait pas, crainte de laisser quelque chose aux Prussiens, c'est ce que nous avons eu de pire tant Français qu'Allemands et cependant c'étaient des Français. Ils se sont pris de querelle après s'être soûlés, un de leurs officiers est venu pour les faire sortir, il a été obligé de les pousser par les épaules, un est allé tomber au milieu de la rue et se relevant il a couru sur l'officier avec sa baïonnette; il a été arrêté et on a dit que pour ce fait il avait été fusillé. Il faut bien chez de pareilles gens de terribles exemples, après le départ de ces bruyants bravaches, il nous arrive des Prussiens et deux chevaux, quatre bonnes bêtes douces comme des agneaux, contents de ce qu'on leur donne, ce contraste n'est pas à notre avantage.

Le 16 février deux compagnies de Bavarois sont venus de Chevigny à Menotey, nous avons en partage un sergent major, son secrétaire, son tambour et son brosseur, la maison n'était pas assez grande pour neuf, cependant le sergent major s'est contenté de la chambre de madame et les trois autres du bureau, ces fuets fusillent partout et je ne sais quel jugement il en faudra porter, pendant quatre jours toutes les nuits, nous avons eu des placards ouverts de force, c'était le tambour qui se livrait à ces exercices, j'en ai parlé au secrétaire qui parle français qui l'a fait envoyer dans une autre compagnie et dans un autre village, après son départ, je me suis aperçu de la disparition d'un pantalon que je l'accuse sans scrupule de m'avoir volé.

Aujourd'hui 22 février il circule parmi les Allemands des bruits de paix on dit qu'elle est signée mais non ratifiée par la chambre. On nous menace d'une réquisition de 25 francs par tête d'habitant. Ce serait pour la commune de Menotey plus de 21 000 francs.

On s'est arrangé et on a payé seulement quatre cents et quelques francs.

Le 27 février on nous annonce la paix, les allemands musique en tête parcourent le village en dansant et chantant arrêtés devant le logis du commandant, ils ont chanté un Te Deum en choeur, les cloches ont sonné à toute volée pendant plus d'une heure, on sonnait également à Mont Roland et à Dole, Dieu veuille que rien ne vienne troubler la joie de ces hommes, gens qui sont si contents de nous quitter et nous de les perdre, encore quelques jours et nous serons délivrés.

Le 6 mars départ de nos trois Bavarois qui s'en retournent dans leur pays joyeux et contents, quelques heures après ils sont remplacés par un capitaine trésorier, son secrétaire, son ordonnance son écuyer, et deux chevaux en tout... grand passage des troupes partant pour l'Allemagne, la route en était noire.

Le 7 mars, même manoeuvre départ de nos 7 Bavarois à 9 heures. Après midi, ils se dirigent sur Amange, Lavans, et Lavangeot, c'est un corps qui doit rester jusqu'au paiement des deux premiers milliards, ils ne sont pas remplacés à Menotey, passage de voitures en tout sens, bonne nuit.

Le 8 mars, également passage de voitures, point de troupes à Menotey, nuit tranquille, nos angoisses se calment on espère que le Jura ne restera pas occupé pendant les paiements. Nous ne tardons pas à être détrompés.

Le 9 mars, une compagnie, le 21e Régiment Prussien, est venue s'installer à Menotey pour y tenir garnison, nous avons eu d'abord un officier et son ordonnance, mais dès le soir, il a changé de logement et nous a renvoyé un sergent fourrier et un caporal, combien ces gens resteront-ils, à la maison personne ne le sait, nous n'avons du reste qu'à nous en louer, quoique hôtes très peu enviables.

Ces Allemands ont passé l'été dans le département et au mois d'octobre, ils ont déguerpi à la grande satisfaction des habitants qui n'en pouvaient plus.

portail de moissey.com
e-nous écrire