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dans les bois communaux de la forêt de la Serre

"Forêt de la Serre"

par Armand Marquiset, 1842, statistique historique, tome I

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voir aussi la notice de Marquiset sur le village de moissey, statistique historique, tome second

tout le canton de Montmirey-le-château, par Armand Marquiset, numérisé par Google (web)-taper 213

 

Le massif boisé, connu sous le nom de la Serre, forme une petite montagne située entres les routes de Besançon et de Gray. Il contient 2 800 hectares appartenant à 15 communes.

Il repose sur un sol granitique assez frais et profond sur les versants, plus aride à mesure qu'il s'élève vers la crête.

L'essence dominante y est le chêne mélangé de hêtre et de charme; les bois blancs ne se montrent que dans les parties basses. On y remarque encore quelques chataîgniers; mais cette essence qui, à raison de la nature du sol, devait autrefois rivaliser pour le moins avec le chêne, ne se rencontre plus qu'en très petite quantité, et seulement en cépées de taillis. Il est regrettable qu'on ait négligé les soins nécessaires pour la conservation et la propagation d'un bois si précieux dans un pays de vignoble.

Les chênes de la Serre ont de la qualité, et pourraient parvenir à de belles dimensions dans les cantons situés sur les versants; mais les vieilles écorces sont en petit nombre. Les jouissances du présent ne s'obtiennent jamais qu'aux dépens des ressources de l'avenir; c'est là le point difficile et délicat de la gestion des bois communaux.

Tous les taillis de la Serre s'exploitent à 25 ans, et le quart de la contenance totale forme les réserves destinées à pourvoir aux besoins extraordinaires des communes propriétaires.

Les produits des coupes ordinaires sont délivrés en nature pour la consommation locale.

Les coupes extraordinaires sont habituellement achetées pour l'alimentation des usines métallurgiques de Pesmes.

La Serre ne présente d'ailleurs aucune autre particularité.

En suivant les détours sinueux et accidentés du "chemin de la Poste", qui traverse cette forêt du nord au midi, on arrive, en se détournant un peu de sa route, au pied d'une roche escarpée, connue sous le nom d'Ermitage, et au-devant de laquelle se déploie gracieusement une terrasse circulaire, dont le tapis de verdure, parsemé de violettes et de fraîches marguerites, est protégé contre l'ardeur du soleil, par le dôme de feuillage que forment les arbres qui l'entourent.

Cette roche présente dans sa partie la plus saillante deux routes superposées, assez semblables aux loges d'avant-scène de nos grands théâtres, et contient encore de nombreuses traces d'habitations. Quel est donc le pieux mortel qui avait pu se résigner à vivre dans cette retraite sauvage, si près de la société humaine, sans communiquer avec elle ? et quel motif avait-il de fuir le monde ? C'est ce que j'ai demandé, mais on n'a pu me le dire.

J'ai appris seulement que la situation de cette grotte, au milieu d'un bois rempli de gibier, avait fait naître autrefois l'idée de la dédier à Saint Hubert, patron des chasseurs, et qu'elle était décorée de trompes, d'arcs, de carquois, mêlés avec des têtes de cerfs, de loups et d'autres animaux.

Quoi qu'il en soit, ce lieu dès long-temps abandonné, sert en ce moment de point de réunion aux membres de la "vente des bons cousins charbonniers de la Serre, pour la réception des adeptes, et les cérémonies non moins innocentes que prescrivent leurs mystérieux statuts.

Il faut bien se garder de confondre cette espèce de société secrète avec celle des "carbonari" qui, depuis, en a enfanté tant d'autres plus ou moins dangereuses.

Celle-ci n'a aucun but politique; elle est née dans des temps assez reculés, du besoin qu'ont éprouvé les hommes, contraints par position de vivre dans les bois, de se rapprocher et de se secourir mutuellement.

Les charbonniers étant ceux qui se trouvaient le plus nécessairement en position de demander ou de donner des secours, devaient rechercher avec le plus d'ardeur les moyens d'apporter quelque diversion à leur vie d'isolement. Il est probable qu'ils furent les fondateurs de l'association, et appelant à leur aide l'attrait du mystère, irrésistible dans tous les temps et dans tous les lieux, ils empruntèrent à l'art de de la carbonisation du bois, leurs emblèmes, leurs cérémonies et leur vocabulaire symbolique.

De nos jours, les dangers contre lesquels on pouvait chercher à se prémunir n'existent plus ou sont devenus très rares; mais l'impérieuse nécessité de se réunir subsiste toujours, et malgré soi, l'on est entraîné par le secret plaisir d'être admis là ou les autres ne peuvent pas pénétrer. La société a donc continué de pratiquer ses exercices, et de rassembler périodiquement ses membres; mais les opérations, qui ont toujours pour but quelque oeuvre de bienfaisance louable, paraissent se borner, outre les épreuves auxquelles les récipiendaires sont soumis, et qui aujourd'uui n'effraient plus personne, à consommer gaîment en commun les provisions de bouche et de "champagne-comtois", dont la société prévoyante a eu le soin de se munir avant de se mettre en route pour l'ermitage.

C'est du moins là tout ce que nous autres profanes croyons apercevoir, et nous ne nous hasardons à le dire qu'en protestant de notre respect pour l'ordre des "bons-cousins", dont l'association, assez répandue de nos jours, se rencontre dans presque toutes les grandes masses de forêts.

 

"statistique historique de l'arrondissement de dole" par Armand Marquiset sous-préfet de cet arrondissement, Tome I, pages 43, 44 et 45, Charles Deis, imprimeur-libraire, Besançon, 1842.

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