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L'église Saint-Michel de
Frasne-les-Meulières se dresse sur un
éperon bordé par un haut mur, à la
lisière nord du village, et s'impose par son haut
clocher aux tuiles vernissées (image
1).
image 1
image 1
Un premier édifice
religieux dépendant du chapitre Saint-Jean de
Besançon est attesté depuis le XIIe
siècle. Cette église initiale fut en effet
confirmée en 1148 par le pape Eugène III
à Saint-Jean de Besançon. Il n'en reste
cependant aucune trace architecturale. Se limitant
certainement au choeur actuel, elle fut donc d'abord
agrandie au XVe siècle, puis remaniée au
XVIe siècle par l'adjonction de la nef unique. La
date de 1525 gravée sur un bénitier en
pierre situé sous le porche évoque cette
campagne de construction. Mais l'édifice est bien
vide dégradé: lors d'une visite pastorale
en 1651, l'évêque de Besançon trouve
l'autel "pollué", c'est-à-dire
profané, signe d'une période
troublée qui n'épargne pas les lieux
sacrés.
En 1695, les deux chapelles
latérales sont érigées: celle du
côté sud, qui renferme une pierre
commémorative dans un des murs, fut fondée
par Pierre Fevbre, natif de Frasne, sous le vocable de la
Vierge et de Saint Pierre (image 2); celle du
côté nord fut fondée par sa
mère, Françoise Morel, sous l'invocation de
Saint Hippolyte. Ces deux chapelles abritent d'ailleurs
les tombes des deux donateurs. La suppression dans les
années 1950 d'une grille qui fermait
l'entrée de ces chapelles, au XXe siècle, a
contribué à leur donner l'allure d'un faux
transept. Leur édification a eu l'avantage de
contrebuter la force de l'arc doubleau de la
travée qu'elles encadrent; les anciens contreforts
furent ainsi réduits à
l'extérieur.
image
2
Les deux sacristies non
symétriques furent élevées au milieu
du XVIIe siècle de chaque côté du
choeur et ces travaux s'accompagnèrent de la
disposition d'un nouveau mobilier dans les chapelles et
le choeur.
Aujourd'hui, l'église
orientée offre un plan allongé avec les
deux sacristies qui flanquent le choeur, les chapelles
latérales qui contrebutent la nef et les deux
volumes arrondis qui jouxtent le
clocher-porche.
Mais c'est le clocher qui
retient toute l'attention du visiteur par la puissance de
sa masse (image 3). Il a été
raccordé à l'édifice
antérieur par les deux annexes se détachant
en quart de cercle. Ce clocher carré
présente des angles coupés par des
pilastres montant d'un seul élan, suivant en cela
la manière d'Anatoile Amodru. Ce détail
ornemental allège ainsi sa silhouette de
manière heureuse. Le clocher se termine par un
dôme dont les quatre angles abattus prolongent les
pilastres: une petite pyramide en zinc le coiffe. Ce
dôme a été réparé au
début du siècle alors que les tuiles
colorées et vernissées étaient
disposées primitivement en chevrons. Il a
conservé sa belle allure aux multiples couleurs
mais sa couverture réduite présente
maintenant un décor de bandes horizontales.
Ajoutons à cela que sa flèche portait
autrefois deux boules de dimensions différentes en
métal; elles ont disparu lors de travaux en
1930.
image 3
Son appareil de pierre calcaire
rougeâtre, extraite des carrières de Frasne,
s'anime d'ouvertures vraies ou simulées: sur la
face ouest, le portail en plein cintre est
surmonté d'un oculus dominé par une croix
portée par des anges rayonnants. Ce clocher-porche
a été construit suivant un projet
d'Anatoile Amodru par "Nicolas Pélicot père
et fils en 1873" ainsi que l'apprend une inscription
-difficile à déchiffrer- au dessus du
portail. Le dernier étage, celui du beffroi, est
percé de baies géminées en plein
cintre. Elles évoquent le Moyen-Age par leurs
formes solides. Par son aspect général, le
clocher de Frasne-les-Meulières se rapproche
fortement de celui de Colonne dont le plan, établi
par Amodru, date de 1779. Le beffroi abritait deux
cloches dont l'une a été enlevée en
1870 par les Prussiens, la seconde, toujours en place,
date de 1822.
L'église fut
séparée de la paroisse de Moissey en 1829
et transformée en chapelle vicariale sous
l'égide du curé de Peintre; puis, en 1854,
l'église Saint-Michel est érigée en
succursale, c'est-à-dire en paroisse
autonome.
Le clocher-porche en tête
de l'église est couvert d'une voûte
d'arêtes avec une clef de voûte circulaire
sous laquelle la tribune, d'une grande
élégance, a été
établie (image 4). La nef, vaisseau unique de
trois travées, est voûtée d'ogives
sur culots. A la seconde travée, les deux
chapelles s'ouvrent par un arc en plein cintre
orné à la clef d'une volute: celle du nord
est voûtée d'arêtes, celle du sud
d'ogives sur culots. Le choeur et l'abside à trois
pans sont couverts d'une seule voûte d'ogives
à six quartiers.
image
4
L'église s'est
inspirée, comme plusieurs édifices
religieux de la région, de l'église des
Bénédictins du Collège Saint
Jérôme* de Dole qui avait été
achevée en 1504. Elle se rattache ainsi à
cet ensemble d'églises à nef unique, sans
transept, avec croisée d'ogives sur culots.
L'église de Frasne atteste ainsi la
longévité du style gothique dans les zones
rurales à l'âge de la Renaissance
(voûtes d'ogives, structure initiale de baies en
arc en accolade), mais ce style plus tardif se rattrape
dans le dessin des baies de la nef (en arc
surbaissé qui englobe les fenêtres à
arc en accolade) et des supports (impostes en volute,
rosaces aux clefs de voûtes).
Le mobilier de l'église
porte la marque du XVIIIe siècle (image
5).
image 5. Carte
postale ancienne aimablement empruntée
à la collection de la mairie de
Frasne.
image 5
Dans le choeur, on peut
découvrir de hauts lambris, sous l'aspect de
panneaux moulurés en bois vernis, qui se
poursuivent le long de la nef. L'un d'entre eux porte la
date de 1777, une inscription en latin ainsi que trois
initilales "P.F.J." désignant sans doute l'artisan
de leur réalisation. Les stalles du choeur sont en
bon état avec leurs lutrins orientables (image 5
bis) en fer forgé. Deux d'entre elles, sans doute
réservées aux dignitaires
ecclésiastiques, sont surmontées d'un dais
circulaire orné de motifs de festons comme sur la
chaire à prêcher (image 6). Le
maître-autel, en forme d'autel tombeau, est en
marbre de deux couleurs. Il supportait autrefois un
baldaquin supprimé en 1992. La table de communion
décorée de calices en fer forgé du
XVIIIe siècle a été
déposée.
image 5 bis.
image
6
image
6
Au dessus du maître-autel
est accroché un tableau représentant le
saint Patron du village: l'Archange Saint Michel
terrassant le dragon (image 7). La représentation
emprunte son modèle à l'oeuvre de Guido
Reni qu'elle reproduit de manière fidèle
semble-t-il et avec un certain talent (image 8). Cette
oeuvre du maître italien a été
fréquemment gravée et donc diffusée
dans les ateliers provinciaux. S'il était
restauré, ce Saint Michel révélerait
peut-être une signature. L'ample geste de
l'archange, sa silhouette souple, sont rendus avec une
touche picturale légère et des coloris bien
tranchés.
image 7
image 8
Dans la chapelle nord se
trouvent des Fonds Baptismaux de style rocaille, en
marbre de Sampans, décorés d'une Gloire* en
bois doré. Le bassin est constitué d'une
coquille Renaissance évasée (image
9).
image 9
La chapelle sud renferme un
confessionnal en fort de quart de cercle datant du XVIIIe
siècle. Des motifs de ramages ornent ses
écoinçons* et un décor de cannelures
dessine une corniche sur toute sa largeur.
image
Au dessus de l'arcade
permettant l'accès à la chapelle sud se
situe une oeuvre du XVIIIe siècle
représentant une Vierge à l'enfant,
entourée de Saint Pierre et de Saint Claude (image
10).
image
10
La signature du peintre
franc-comtois Claude-Adrien Richard -ou Richarde-
(1662-1748) a été découverte lors de
sa restauration en 2002. (huile sur toile signée
en bas à gauche, hauteur 1,18 m et largeur 1,44
m). Cette oeuvre présente donc la Vierge à
l'Enfant assise sur des nuées se situant presque
au niveau du registre terrestre. De chaque
côté de la Vierge, Saint Pierre et saint
Claude de Besançon sont agenouillés dans
l'extase de cette apparition; leur nom en lettres
majuscules et dorées est d'ailleurs inscrit sous
chacune des figures. L'oeuvre est assez étonnante:
le groupe de la Vierge à l'Enfant, très
recueilli, est tout en souplesse et très
intériorisé. La Vierge paraît
détachée de la présence des deux
saints. Il semble que le peintre ait subi l'influence,
dans cette maternité, de l'école de Guido
Reni ou des Carrache.
Les deux autres figures du
tableau sont, par contre, assez caractéritiques de
la manière de Claude-Adrien Richard dont on trouve
les peintures religieuses dans plusieurs églises
de Franche-Comté. En particulier, les deux saints
sont dotés de ces amins assez larges aux longs
doigts effilés que l'on rencontre chez
Claude-Adrien Richard, et, présentent un type de
visage anguleus aux traits saillants. La figure de Saint
Claude est particulièrement réussie avec un
beau visage plein de caractère, envahi d'une barbe
et chevelure abondante qui se fondent ensemble. Il
relève certainement d'un modèle qu'il reste
à identifier.
Dans le haut de la nef, des
pierres tombales, dont certaines datent du XVe
siècle, s'insèrent dans le dallage du sol
et renferment des coprs de prêtres et de notables,
particulièrement issus des familles Febvre et
Richardot.
Le côté gauche de
la nef abrite une belle chaire à prêcher en
bois, surmontée d'un abat-voix hexagonal. Elle est
sommée d'un ange jouant de la trompette, (image
11) annonciateur de la Parole. Les quatre faces de la
cuve sont réservées aux quatre
évangélistes selon une iconographie
traditionnelle. Sa partie inférieure est joliment
travaillée en pyramide inversée (image 12).
Saint Jean-Baptiste, vêtu de sa peau de bête,
se trouve sculpté en faible-relief sur le
dosseret.
image
11
image
12
image
12
L'édifice inscrit
à l'inventaire des Monuments Historiques en 1988 a
subi de 1998 à 2002 une campagne de restauration
qui a surtout concerné son architecture
extérieure. Ses volumes d'une grande pureté
ont été ainsi remis en valeur. Son
intérieur est en relativement bon état, les
bancs du XVIIIe siècle ont même
été conservés. Emettons simplement
le voeu qu'un jour, le Saint Michel du
maître-autel, retrouvera lui aussi l'aspect qu'il
avait au XVIIIe siècle.
sylvie de
vesvrotte-décembre 2004
Eléments
de bibliographie:
- J. Theurot et col. A la
découverte de Dole et ses environs,
éditions Horvath, 1989, pp.
109-110.
- Abbé P. Lacroix,
Eglises Jurassiennes romanes et gothiques: histoire et
architecture, Besançon, 1981, n°
51.
- R. Tournier, les
églises comtoises, leur architecture des
origines au XVIIIe siècle, Paris,
1954.
- Jean-Louis Langrognet,
l'oeuvre de l'architecte A. Amodru, bulletin de la
société d'émulation du Jura, juin
1990, pp. 70-97.
Nous adressons nos
remerciements à la mairie de
Frasne-les-Meulières ainsi qu'à Madame
Thérèse Rover pour son aide
précieuse.
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