Blanche Devassine n'est pas
née à Moissey,
le 18 Août 1906,
mais à Paris dans le
10e. Mais sa mère, Emma Verrier ainsi que sa
grand-mère, Valérie Verrier sont
nées à Moissey. Sa grand-mère
habitait là où reste aujourd'hui
Thérèse Noël, née Sigonney, une
maison isolée (ZA 53) sur la route de Dole, la
dernière à droite en montant, en face du
monument FFI.
Elle est la fille d'Emma
(née en juin 1880) et de Paul Thuillier (né
en avril 1877), qui a lui-même tenu le Café
du Centre (AB 82).
Sa soeur Paulette est
née en 1902 (+ 1968), avec l'assistance de Madame
Lasnier, sage-femme qui demeurait avec son époux
Albert au Château de Moissey. (Le couple Lasnier a
eu 2 enfants, Albert et Marinette).
Ses parents ont vécu
ensuite dans la maison de Gaston Thomas, (ZD 157)
où son père est décédé
en 1932.
Après son certificat
d'études, elle apprend la
sténo-dactylographie et s'emploie chez un
philatéliste professionnel à Paris, puis
aux Services de location Réunis. C'est à la
fête de La Plaine Saint-Denis, en 1924, qu'elle
rencontre son futur mari Agénor, agent de police
à la Préfecture de Paris, puis un jour,
chauffeur particulier de Madame Yvonne De Gaulle, dans
une période où son mari, Charles, faisait
de la politique.
Elle épouse
Agénor Devassine, (né le 31 décembre
1899, en réalité le 1er janvier 1900- mais
pour ne pas le désavantager pour le service
militaire...) le 14 février 1925, jour de la
Saint-Valentin. Agénor était un musicien
professionnel, connu à Paris par (et pour) ses
talents de directeur d'orchestre, de saxophoniste et de
clarinettiste. Il était lui-même le fils
d'Agénor Devassine père, lui aussi musicien
réputé.
Depuis qu'elle est née,
elle vient régulièrement à Moissey,
chaque été, y passer un mois de vacances,
chez Auguste Parratte (AB 87), son oncle. Auguste
Parratte logeait dans la maison où elle est
encore, et était marié avec la soeur de son
père, qui s'appelait Blanche Thuillier, comme
elle. C'est lui qui ramassait tous les grains du canton
pour le compte des Moulins de Dole, avant l'année
1906. Donc Blanche, qui ne se revendique pas de Moissey,
y est quand même venue tous les ans étant
gamine et fille, puis en couple actif jusqu'à la
retraite d'Agénor, en 1957, puis en couple
retraité jusqu'à son décès en
1973, puis jusqu'à maintenant, seule, dans la
maison Parratte.
Le
Tacot.
La doyenne du village a pris
maintes fois le train, pour se rendre de Paris à
Dole et le Tacot départemental pour faire
Dole-Moissey dans les deux sens.
"On arrivait à la
gare de Dole vers 5 heures du matin, on attendait au
café, puis on montait dans le Tacot à 7
heures, et on arrivait à Moissey vers 8 heures et
demie, je ne sais plus bien. Quand on repartait sur Dole,
il fallait grimper les Champs Rouges et ça
n'allait pas vite. Le train peinait. Pour plaisanter, on
disait toujours qu'on allait descendre pour pousser, mais
on n'a jamais eu à le faire.
Quand on était
gosses, on était contentes de monter dans le
Tacot. Quand on quittait Moissey pour rentrer à
Paris, on était obligées de se sauver dans
le train, c'est à dire de se tenir sur la
plate-forme pour ne pas empester les gens, car, en effet,
nous remmenions toujours de la saucisse ou du fromage...
surtout de la cancoillotte.
Je me rappelle bien du Chef
de Gare, c'était Monsieur Raget. Il me semble
qu'il habitait dans la maison à grille qu'occupait
Delphine Thomas à la fin de sa
vie.
Plus tard, quand nous
arrivions à la Gare, Madame Briet, notre voisine
et l'épicière (AB 400) du centre-village,
venait nous attendre avec la brouette pour transporter
nos paquets. Il faut dire que son mari était un
retraité des Chemins de Fer, peut-être
avait-elle une certaine nostalgie.
Je l'aimais bien, ce
tacot.
L'eau.
En 1957, quand nous nous
sommes installés avec mon mari dans la maison de
l'oncle Parratte, nous n'avions pas encore l'eau
courante, j'allais à la fontaine de la rue basse
avec mes deux arrosoirs. J'en remplissais un et je
remontais à la maison, laissant l'autre se remplir
tout seul. C'était convenu, une fois plein, il
était détourné par la suivante qui
venait remplir les siens. Quand je redescendais pour
aller récupérer mon second arrosoir, il
était déjà rempli, je n'avais donc
pas à attendre.
J'allais des fois chercher
mon eau sur la place, c'était selon ce que j'avais
d'autre à faire.
Nos toilettes,
c'était une fosse là au fond de la cour. Il
y avait des gens qui étaient chargés de
vider les fosses, des parents à Mr Ferry. Madame
Briet, elle descendait dans les jardins avec son seau
tous les matins.
Dans la Grande Rue, nous
avons eu les égouts en 1965, c'était la
première des trois tranches
prévues.
C'est une fois en retraite
que le Château Lasnier (AB 270), s'est vendu, c'est
moi qui avait les clés et qui le faisait visiter.
C'est Paul Preney et sa femme qui l'ont
acheté.
En 1962, le 15 juin,le
Général De Gaulle est passé par
Moissey. Au cours de sa prestation, Madame De Gaulle a
échangé avec Agénor.
Pour la lessive,
on allait aux Gorges. Je
passais prendre du linge chez mes parents. On faisait
bouillir la lessive à la maison, dans une grande
lessiveuse qui cuisait sur un fourneau
d'extérieur, avec son tuyau à fumée,
puis on emportait, au lavoir couvert des Gorges, la
lessiveuse pleine et une panière vide et une
planche à laver et du savon. Une fois la lessive
faite, on remportait, toujours à brouette, la
lessiveuse vide et la panière en osier pleine, et
on étendait.
Au lavoir des Gorges, il y
avait du monde.
On repassait avec des fers
qui se réchauffaient sur la cuisinière
à bois.
Je me rappelle que pas loin
du lavoir, vivait une femme pauvre et âgée
qu'on appelait la Chenillotte. Sa maison a
été détruite en...
Le dimanche,
on allait toujours se
promener. Je me rappelle que nous allions avec notre
goûter jusqu'à l'Ermitage, par la route. Il
n'y avait pas de carrière sur la route d'Amange
quand j'étais petite.
Plus tard, nous allions
à l'Ermitage avec le pique-nique. Il y avait
là-bas plein de belles petites sources et l'eau
était bonne.
Adolescentes, on se donnait
toujours rendez-vous à la Scierie, le dimanche,
mais tous les soirs, toute la jeunesse se retrouvait
à la laiterie, dans la rue, sous chez Clair (AB
406). On choisissait notre lait. Il y avait une baratte
ici, mais pas de fromagerie. Le lait allait à
Frasne".
Le garde
champêtre.
Il annonçait les
nouvelles communales (avis à la population) avec
son tambour. Mais il était aussi chargé de
la police champêtre et il guettait les maraudeurs.
Il disait « pas vu, pas pris, mais vu,
rousti »
Les
sabots.
Dans la petite maison (AB
186) en face du Café du Centre (AB 82), j'ai connu
le Père Mézier qui tenait un café,
puis Noël Cointot qui faisait des sabots. Maman lui
faisait faire les nôtres. Avec une grosse bride. A
la main, bien sûr.
La grande
guerre.
J'avais 8 ans, le jour de la
déclaration de guerre, le 2 août 1914. On
était partis à Moissey, par les trains. On
est repartis le lendemain. Papa, qui était de la
territoriale était affecté à l'usine
de gaz où il travaillait en temps normal, mais il
a dit : « on n'a qu'à tous y aller,
et dans un mois on sera revenus ». Papa s'est
donc engagé malgré son âge, 37 ans.
Puis il a été malade d'une hernie, il est
allé pour se faire opérer à
Lariboisière, puis la médecine l'a
démobilisé. Il est retourné au
gaz.
C'est à ce
moment-là que j'ai vu pour la première fois
un Zeppelin, dans le ciel de La Plaine
Saint-Denis.
Nous habitions près
d'énormes gazomètres, et nous avions peur.
Quand j'ai fait ma communion, ce n'était pas en
blanc car la Grosse Bertha canardait et avait fait un
gros trou pas loin de chez nous.
J'en ai fait des queues. Une
fois, ma mère m'a dit d'aller faire la queue
à La Confiance, paraissait qu'il y avait du sucre
roux. J'ai attendu deux heures, et quand est
arrivé mon tour, la dame qui était devant
moi a retiré le dernier paquet de sucre
disponible. J'ai pleuré comme jamais j'avais
pleuré.
La guerre de
1940.
Au moment de la
déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, nous
étions à La Plaine Saint-Denis. Mon mari
travaillait à la préfecture. Nous avons
vécu la débâcle, comme tout le
monde.
Avec des voisins, Mr et Mme
Seguin (originaires de Chevigny) nous avons pris le
train, dans des wagons à bestiaux, en direction de
Dijon, dont la gare venait d'être bombardée.
Je descends du train, la valise à la main,
voilà qu'elle s'ouvre sur le quai. On a
réussi à trouver un train pour Auxonne, et
nous avons pu regagner, mes voisins Chevigny et moi
Moissey, par un moyen, je ne sais plus lequel. Je suis
arrivée à Moissey, toute contente de
retrouver maman qui était seule dans la maison
(Parratte) et pour laquelle je me faisais du
souci.
Deux jours plus tard, mon
oncle qui était peintre à Marnay, arrive
à Moissey et nous dit :« faites vite vos
valises, on part chez la tante Aline, en
Saône-et-Loire». On a été
bombardés tout du long. Quand nous sommes
arrivés les trois, il y avait déjà
les Allemands. Nous ne sommes pas restés un mois.
Comme nous avions peur que les Allemands saccagent nos
maisons, nous sommes revenus à Moissey. Nous avons
bien fait car ils étaient là aussi. Le
lendemain, il y en a un qui est venu chez nous, je ne
l'ai pas fait entrer, il nous a parlé à la
fenêtre, il n'avait pas l'air
hostile.
Je suis restée un
mois avec maman, puis je suis retournée à
Paris. A La Plaine saint-Denis, les Fridolins fouillaient
partout dans les maisons. J'ai été
obligée de cacher le revolver de service de mon
mari au fond d'un seau à charbon.
Pour la Libération,
on avait tous sorti nos drapeaux, puis on nous a
crié dans la rue « rentrez-les car ils
sont toujours là». Puis on les a
rentrés, puis ressortis ensuite pour de
bon.
Le bilan du
siècle.
Ce qui m'a le plus
marqué de désagréable, ce sont les
guerres, les deux.
Le plus beau, c'est quand
j'étais jeune fille.
Le plus utile parmi tous les
progrès, c'est le réfrigérateur car,
j'en ai fait des allers et retours de l'appartement (du
4e étage) à la cave pour porter ou retirer
des provisions, et le lave-linge, que nous avons
acheté avec Agénor en 1956.
Le passage du
Général de Gaulle à
Moissey.
En 1962, le 15 juin, le
Général De Gaulle est passé par
Moissey. Il venait de la Haute-Saône et se
dirigeait sur Dole.
Nous étions
dès le grand matin réunis sur la place et
sur les abords, dans le virage de la Grande Fontaine, sur
le balcon de la boucherie, aux fenêtres des
maisons. Moi j'étais dans la foule et
Agénor, mon mari, était avec les Officiels,
le Conseil Municipal, le maire Maurice Besson avec son
écharpe et sans son chapeau.
L'excitation était
à son comble, car il y avait beaucoup d'agents de
la sécurité. Le Général
était très très
protégé.
Quand le cortège,
vers midi, s'est immobilisé sur la place du
village, mon mari s'est glissé jusqu'à la
voiture de la Générale et il lui a
dit :« Vous me
reconnaissez ?»
Madame De Gaulle lui a
répondu :« Mais qu'est-ce que vous
faites-là ?»
Mon mari lui a
répondu qu'il était en retraite à
Moissey depuis 1957.
Agénor avait
été, en 1945, lorsque De Gaulle
était à la tête du Gouvernement
Provisoire, chauffeur attitré de Madame pendant 6
mois, et chauffeur du couple, le dimanche
après-midi, à la demande.
D'après Blanche, il
n'est pas exact que le Général ait dit
à Monsieur Devassine :« Alors
Agénor?»
C'est aussi ce
jour-là, qu'une petite fille du village,
Régine Thomas, la fille à Lulu, a offert un
bouquet au Grand Charles.
propos recueillis par Ch. Poirrier,
moissey, le jeudi 4 juillet 1996.
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