Et si les jeunes, et moins jeunes, se mettaient
à manger romain? Voyage gastronomique dans le
temps avec l'archéologue Annick Schneiter
Ils sont fous ces Romains! Effectivement, pour
composer quatre cent soixante-huit recettes
différentes comme Apicius, le génial
cuisinier de Tibère (empereur de 14 à 37
après J.-C.), il fallait forcément avoir un
petit grain... "95% des mets romains que nous connaissons
aujourd'hui nous viennent de lui", souligne avec
admiration la Lausannoise Annick Schneiter.
Guide et animatrice au Musée romain de Vidy,
cette archéologue a créé l'atelier
itinérant Archéoludo pour faire partager
à un large public et aux jeunes en particulier sa
passion de l'histoire et de la préhistoire. Cette
jeune femme initie les classes ainsi que les particuliers
à la vie de nos ancêtres, en leur donnant en
quelque sorte l'occasion de jouer au chasseur-cueilleur
magdalénien, au paysan du Latium, au scribe
égyptien ou au chevalier de la Table ronde.
Et c'est dans cette perspective, mais également
pour son propre plaisir, qu'elle a testé une
quarantaine de recettes du Girardet antique. "C'est
à s'en relever la nuit, précise-t-elle. En
plus, on arrive assez facilement à faire de
l'Apicius puisqu'on retrouve la plupart des produits
utilisés à l'époque." Les herbes
aromatiques, l'huile d'olive, le miel, le poivre et le
garum (sauce aux viscères de poisson
faisandés que les Asiatiques appellent Nuoc Mam)
sont en effet les ingrédients qui figurent le plus
souvent au menu d'une bonne orgie romaine.
"Apicius a bien sûr aussi concocté
quelques plats insolites à base de langues de
rossignol et de flamant rose, de pieds de chameau ou
même de murènes nourries à la chair
d'esclaves", raconte Annick Schneiter qui ajoute pour
nous rassurer: "Il n'est mention qu'une seule fois de
cette recette de murènes et j'ai l'impression que
c'était plutôt une sorte de gag!" L'humour
noir - même d'un goût douteux - ne date pas
d'hier.
L'imagination débordante de cet extravagant
gastronome en toge n'a donc rien à envier à
celle de Goscinny, le père d'Astérix et
l'inventeur, entre autres, du cou de girafe farci, du
boudin d'ours et des tripes de sanglier frites dans de la
graisse d'urus.
Quand on vous disait qu'ils étaient fous ces
Romains...
Alain Portner
Archéoludo, Annick Schneiter, ch. de
Montelly 58, 1007 Lausanne, tél. 021/ 626 06
86.
Patina de poires
- Prendre un kilo de poires, les éplucher,
les partager en deux. Retirer la queue, évider
l'intérieur pour éliminer les
pépins et découper en petits
dés.
- Disposer les poires dans une casserole avec un
demi-verre de vin très doux (muscat ou porto),
4 cuillères à soupe de miel, une
cuillère à soupe de garum (Nuoc Mam ou
éventuellement sel),
- 2 cuillères à soupe de cumin (si
possible en poudre) et poivrer. Cuire jusqu'à
ce que les poires deviennent tendres.
- Retirer du feu, laisser tiédir.
Mélanger le tout dans un bol avec six oeufs.
Verser la préparation dans un plat à
gratin préalablement beurré ou
huilé. Mettre au four (préchauffé
à 220 degrés environ) durant une
quarantaine de minutes. Servir froid de
préférence.
- Commentaire d'Annick: "La patina est un plat
sucré ou salé que l'on retrouve
fréquemment dans la cuisine romaine. C'est une
espèce de flan qui existe notamment aux
asperges, aux laitues, aux épinards, aux
abricots, aux pommes, aux prunes et aux poires."
A lire:
"La cuisine romaine antique", de Nicole Blanc et Anne
Nercessian, Ed. Glénat 1992