Au moment de la
débâcle, en juin 1940, j'avais 7 ans. C'est
mon oncle Aymé qui a décidé du
départ, mon père lui, n'était pas
chaud. Nous sommes partis toute une tribu,
c'est-à-dire 5 familles :
Mon
père, ma mère, Paulette, Michel et
moi,
Aymé, sa femme,
René, Madeleine et Lucien,
Suzanne Barbier et son
mari, Rolande et Robert,
Marcel, Marinette,
Roland et Georges,
Anna Désandes
et sa fille
Marie-Thérèse,
Ma grand-mère
paternelle Anne Thomas,
les soeurs Odille et
leurs enfants.
On était
équipés pour partir, un camion Chevrolet
bétaillère, une Ford américaine V8
23 chevaux, une C4 Citroën attelée d'une
bétaillère et une camionnette Renault
KZ.
Les commis sont
restés pour faire le boulot en notre absence, et
c'est Mme Fidalgo qui tenait l'épicerie de ma
tante Delphine Thomas (là où je suis
né).
On est partis en
début d'après-midi. Il s'agissait de fuir
devant les Allemands. Le projet, c'était
d'atteindre l'Espagne. On avait de l'essence, un
fût de 200 litres, un gaz pour la tambouille, des
couvertures pour dormir, et une quantité
incroyable de provisions qui venaient tout droit de
l'épicerie de ma tante Delphine. On est partis par
Chevigny, Rainans et on a déjà
été bloqués un moment devant
Dole.
Le père Barbier
n'avait que des problèmes en conduisant la
Renault. Il faut dire qu'il ne savait pas conduire, alors
forcément. Il retardait notre progression. En fin
de journée, on avait quand même atteint
Rotalier, à 80 km d'ici. On a abandonné la
Renault au château de Rotalier et on a dormi
là, dans le foin.
La 2e nuit, on a
couché à
Montmerle.
Tout au long de notre
périple, les gens étaient solidaires, ils
s'aidaient, se dépannaient, car c'était une
belle pagaille.
A Craponne, pas loin de la
Chaise Dieu, on s'est fait tirer dessus par des avions
italiens. On s'est couchés sous les camions, les
autos, on n'a rien eu. Notre point de chute, finalement,
ce fut Laval-Didonne, en Haute-Loire, à 1000 m
d'altitude. On y restés environ 3 semaines. On
dormait dans la salle des fêtes, toute notre tribu
et une famille de Dijonnais. Les gosses dormaient sur la
scène. Ils y avait des camions, vieux et neufs qui
avaient été abandonnés. On n'aurait
bien fait l'échange avec le nôtre... On
s'amusait dans ces camions. Robert Barbier et René
Thomas ont aidé les gens à faire les foins.
Entre temps, les Allemands
avançaient. Ils étaient à 60 km.
Après, c'était le retour, on est
allés à Andrézieux, dans la Loire et
sur la Loire. Là, nous sommes restés 8
jours. On logeait chez l'habitant, mon père allait
à la pêche. Ma famille chez l'habitant et
les autres dans un garage.
Pour nous les petits,
c'étaient des vraies vacances. Nos parents
n'étaient pas tellement anxieux.
Quand on a appris que
Pétain avait signé avec l'attaquant, on a
pris le chemin du retour.
On est rentrés. En
tout, on s'est absentés un mois, pas plus. On est
rentrés par Rochefort, là, les Allemands
n'ont pas voulu nous laisser passer, il a fallu
téléphoner au maire de Moissey, Ernest
Odille, pour résoudre ce cas.
Notre commis était
complètement débordé par le travail,
heureusement, les Allemands lui donnaient des coups de
main.
La Kommandantur était
installée dans la maison Malet, (qu'on appelle
aussi le Château Masson, AB 175) et dans la maison
d'en face de Paul Masson, où vit aujourd'hui la
veuve de Robert Barbier, Michelle Bachelut (AB 121). Les
Allemands étaient une dizaine
environ.
A Dole, ils s'étaient
installés au Chandioux.
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